De la décence s’il vous plaît !
Chaque année j’ai le même étonnement, pour éviter les mots qui choquent.
En effet, vers la fin de l’année certains organisent à Yad Vashem une cérémonie spécifique en souvenir des juifs de Tunisie morts en déportation. Pour illustrer un peu plus brutalement l’information, cette annonce est accompagnée cette fois-ci d’un « allez les tunes » tout-à-fait de circonstance . Cela permet surtout de bien comprendre l’objectif véritable de cette cérémonie.
Lorsque vous lisez les chiffres effroyables, pays par pays, de nos frères gazés, puis réduits en fine poudre . Des familles entières, de petits anges aux péoths brunes ou blondes, des nourrissons
juste après leur cri de délivrance depuis le ventre de leur mère, des jeunes gens ou jeunes filles, aussi des vieillards , des gentils et des moins sympas. 6 millions . A t-on idée une seule seconde ?
Nous tous, autour de ces lignes, nous en tremblons de nausée et d’effroi; moi, en plus, de haine pour les bâtisseurs de cette saloperie et leurs descendants; pour les collaborateurs, associés
ou amis des monstres.
Au milieu de cet édifice du mal, le pire depuis le début de l’humanité, 200 juifs tunisiens sont morts aussi. Sur 6 millions. C’est affreux; et nous les pleurons avec tous les autres , ce nombre si important, à peine plus que le Bataclan il y a un mois.
Je ne crois pas que pour annoncer le massacre des 3 millions de juifs polonais on puisse se permettre en terminant par « allez les polaks ».
Je veux bien la transmission. Et la magnifique culture tunisienne. Je veux bien qu’on s’associe aux autres pour se souvenir tous ensemble. Et évidemment les polonais juifs ont le devoir d’une commémoration spécifique. Ou les hongrois. Les belges. Les français, avec 90 000 morts . 25% d’une communauté bi-millénaire , avec des maîtres tels Rashi de Troyes . Mais 200 tunisiens, représentant 1/30 000ème des gens tués. Et « seulement » 1/500è de la population juive tunisienne.
Quel est donc le but de cette affaire ? Ça apporte quoi ? J’y ai assisté la première année de mon alyah pour comprendre les enjeux . Sérieusement , j’espérai au moins que, pour atténuer le ridicule d’une telle démarche, serait rappelé les grands apports des juifs à la Tunisie, et au judaïsme tout entier, comme l’école de Talmud immense par sa notoriété, à Kairouan. Qu’on rappelle la mémoire de tous ces deux cents, en les nommant un à un, et qu’on nous explique pourquoi il y a une spécificité tunisienne à ce massacre.
Le problème c’est que l’organisation n’est pas à l’initiative de chercheurs, ou d’enfants de déportés, ni de personnes pour qui ce thème est un crédo essentiel de leur vie. Ils ne sont pas non plus des historiens sérieux sur le sujet, ou d’autres de la Tunisie. Juste des gens qui trouve intéressant de figurer en photo, ou de raconter trois sornettes sur notre culture , qu’ils maitrisent à peine gentiment.
Pour écouter ce propos dur, permettez-moi de dire combien il me paraît indécent d’organiser une telle cérémonie, a fortiori avec un contenu aussi léger, et des initiateurs aussi peu crédibles, lorsqu’on connait l’ampleur de la Shoah. Oui, nous n’avons pas à nous cacher pour pleurer nos morts, tous nos morts, même ceux de Tunisie. Mais de grâce, un peu de pudeur.
José Boublil
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