Le coup d’envoi des cérémonies à la mémoire du général assassiné est donné. Mais la place Yitzhak Rabin est vide. Une tempête tropicale a chassé les visiteurs. Quelques personnes sont venues voir l’exposition de photos qui marque le vingtième anniversaire de l’assassinat de Rabin, par l’extrémiste de droite Yigal Amir.
Un de ces visiteurs était Israël Oz. Membre de son cabinet, il connaissait Rabin personnellement. Un cousin américain l’avait amené voir l’exposition. Il n’avait pas prévu de venir.
«Ce n’est pas facile pour moi de venir ici. Spécialement ces jours-ci, quand la haine, le racisme et la violence priment tout.»
Le 20ème anniversaire de la mort de Rabin vient dans un temps où les relations entre Israël et la Palestine sont au plus bas. Depuis octobre, les attaques des palestiniens au couteau et au pistolet, ont fait 9 victimes , et au moins 50 palestiniens tués lors d’affrontements avec l’armée israélienne. «La paix fut assassinée avec Rabin», affirme la gauche.
«Personne n’a rien appris après ce crime» dit Oz. Selon un sondage publié par «Maariv», une majorité d’Israéliens est d’accord avec lui. 64% d’entre eux ne croient pas que leur pays ait appris «l’indispensable leçon» de l’assassinat de Rabin.
Si l’assassinat de Rabin a révélé une seule chose aux Israéliens, c’est bien la profondeur des divisions à l’intérieur de leur propre société ; et que ces divisions peuvent avoir des conséquences bien plus dangereuses que les menaces venues de l’extérieur. La gauche et le centre ont cédé à la droite dans le but de garder la paix, dit Yaron Ezrahi, un professeur de science politique à l’Université de Jérusalem. Les israéliens préfèrent la lutte permanente avec les palestiniens, plutôt que la guerre civile.
Mais leur différence d’appréciation demeure. La gauche israélienne voit Rabin comme le symbole de la paix qu’il aurait pu bâtir s’il avait vécu. Même en oubliant son passé militaire. L’ancien premier ministre n’avait-il pas ordonné à ses forces de sécurité de «briser les os» des manifestants de la Première Intifada ? La droite, d’autre part, maintient que Rabin avait conduit Israël vers de dangereux horizons avec les accords d’Oslo.
«Les accords d’Oslo ont constitué une grave erreur, qui a couté de nombreuses vies, en facilitant la terreur arabe, affirme Bobby Brown, un proche de Netanyaou. Vous pouvez être légitimement contre l’assassinat de Rabin, et ne pas considérer que sa politique était la bonne.»
D’autres notent que, dans les semaines qui précédèrent l’assassinat, les extrémistes de droite manifestèrent contre les pourparlers de paix, avec des affiches montrant Rabin en officier nazi, et portant le keffieh. Des milliers de manifestants vociféraient : «Traitre !» au simple énoncé de son nom ! Benjamin Netanyahou aurait dirigé certaines de ces manifestations.
Dans le même temps, pour les Palestiniens, il n’y a pas de place pour la nostalgie. «Vous entendez beaucoup de gens qui vous disent combien grand était Rabin,» dit Diana Buttu, une ancienne négociatrice palestinienne. Elle souligne que Rabin n’avait pas l’intention de mettre fin à l’occupation israélienne. Elle garde sa compassion pour les 29 palestiniens massacrés en 1994, par un extrémiste juif à Hebron.
Les Israéliens et les Palestiniens ne sauront jamais si Rabin aurait réussi à négocier la paix. Ce qui est clair, par contre, c’est que cette éventualité n’a jamais semblé aussi lointaine qu’aujourd’hui.
Tout près de la Place Rabin, une stèle de basalte marque l’endroit où Rabin fut tué. Un couple de photographes attendait impatiemment des visiteurs sous la pluie.
Seul, un homme aux cheveux blancs, peut-être du même âge que Rabin quand il fut tué, vint, portant une bougie blanche. Il la fixa sur le sol, l’alluma et partit.
Naomi Zeveloff
Extrait du «Forward»
Traduit de l’américain par VICTOR KUPERMINC
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