Dieu dérange. Il dérange un peu partout dans le monde mais comme je vis à Jérusalem, je m’en tiendrai là et dirai que Dieu dérange à Jérusalem. Il dérange parce qu’étant le « plus grand », d’aucuns s’autorisent, pour le glorifier, à jouer du couteau. Dieu dérange parce qu’ayant fait le mur pour sortir de la ville – c’était il y a deux mille ans – ses fidèles s’entêtent toujours à y prier. Et que mille ans après, on a cru bon de massacrer ses habitants pour délivrer son tombeau.
Et pourtant Dieu n’y est pas. Le paradoxe est flagrant. Nul n’est plus discret que Dieu à Jérusalem. L’auriez-vous entendu ces temps derniers ? S’est-il fait remarquer ? S’est-il manifesté ? Certes, ici ou ailleurs, au détour d’un chemin, d’un malheur survenu, à la lumière d’un hasard, à l’émotion d’une coïncidence, certains prétendent l’avoir rencontré. Mais il s’agit de témoignages individuels, qu’aucune preuve, pas même un soupçon éthéré d’ADN ne vient étayer.
Mais alors, convient-il de demander – et cette question-là va aux origines et aux lendemains – à quoi riment les papotages sur la terre promise ? De quel droit l’Etat d’Israël, ses dirigeants ou une partie de ses citoyens invoquent-ils une promesse de Dieu pour justifier le retour au pays ? Israël serait-il une exception sur la carte du globe ? La seule nation de l’univers qui exigerait de retrouver ses frontières d’il y a trois mille ans ?
Pour les autres je ne sais pas. Pour les Juifs, c’est sûr, qu’ils étaient en droit de revendiquer leur terre perdue. Ils ne l’ont pas fait au nom de Dieu. Le droit international ne connaît pas Dieu. Si les Juifs prétendent que ce coin de terre entre la Méditerranée et le Jourdain leur appartient, c’est parce qu’en droit foncier il leur est « aliéné » et que personne ne pouvait être autorisé à l’occuper. Les mille et un gestes des familles en exil qui confortaient leur certitude du Retour ne sont évidemment pas recevables. Ni leurs rituels: qui les connaissait parmi les nations ? Mais il est un document international, le plus célèbre de tous, le plus diffusé dans l’univers, traduit dans toutes les langues, où ce droit ne cesse d’être rappelé. Dieu en fut-il l’inspirateur ? La question importe peu. Ce qui compte, c’est que ce sont des hommes, conducteurs d’Israël, des êtres de chair et de sang comme vous et moi, qui proclament dans cette charte que la terre d’Israël est inaliénable. Ni le monde chrétien pour laquelle la Bible hébraïque est… parole d’évangile, ni le monde musulman selon qui les Juifs l’ont faussée (CQFD) ne pouvaient l’ignorer. Les propos d’Isaïe, de Jérémie, d’Ezéchiel, de Malachie, de Michée, d’Amos, de Zacharie… sur le retour d’Israël sur sa terre et à Jérusalem ne sauraient quand même pas passer à l’as ! Et quand on fermait le Livre, qui dans le monde, pouvait ne pas entendre ce cri des Juifs entre deux pogroms: « L’an prochain à Jérusalem » ! La formule, qui exprimait l’infinie nostalgie de Sion, est relevée dès le 11e siècle en terre ashkénaze et sépharade pour, finalement, servir de crédo au sionisme.
La proclamation par la puissance mandataire d’un « Foyer National juif » sur la terre qu’on s’est pris à appeler la Palestine (par la volonté de l’occupant romain), permit aux Juifs d’engager les étapes initiales pour la récupérer. Mais quand Ben Gourion voulut finaliser, reconstituer un Etat juif, la shoah qui venait d’anéantir la moitié des Juifs d’Europe et donc, la plupart de ceux qui projetaient de s’établir dans cet Etat, ne le permettait plus. D’un autre côté, il était urgent d’y accueillir les survivants du massacre dont la seule terre d’espérance était celle d’Israël. C’est pourquoi le gouvernent provisoire sous la direction de Ben Gourion, accepta de partager la terre pour que s’y fonde un Etat arabe aux côtés de l’Etat juif. Le refus arabe matérialisé par l’invasion de cinq armées arabes au lendemain de la création de l’Etat d’Israël ne l’autorisa pas. Ce refus s’est maintenu, accompagné d’insupportables violences pendant cinq décennies ! Comment imaginer qu’à l’issue de cette période, l’Histoire représenterait le même plat ? Qui plus est dans un temps et une région marqués par un printemps arabe avorté. Ou, plus exactement, par un « printemps » qui a accouché de triplés monstrueux ?
Israël reste lié par l’engagement de la partition. J’ajouterai que l’idée de justice et du bien qui ont inspiré les prophètes d’Israël, de ces hommes qui il y a plus de deux mille ans ont proclamé l’inaliénabilité de la terre juive, ne peut qu’appuyer la nécessité du partage et le respect dû aux habitants arabes de cette terre. Le problème est que les paramètres retenus par l’ONU en 1948 ont changé. Les Palestiniens sont-ils prêts à en accepter le principe et à s’engager sur la voie de négociations avec la volonté d’aboutir ?
http://www.huffingtonpost.fr/jacquot-grunewald/conflit-israelo-palestinien-retour-juifs_b_8450220.html
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