"The ugly israeli" : L’incivilité, sport national israélien ?

Steward malmené, places “handicapé” occupées… Des vidéos circulant sur les réseaux sociaux montrent les comportements grossiers d’Israéliens. Le sujet fait débat dans l’État hébreu.
Si certains doutaient encore du sens de ­l’autocritique des Israéliens, les voilà détrompés. Avec virulence, le pays débat depuis des semaines d’un phénomène baptisé sans concessions « the ugly Israeli » (le vilain Israélien), cette catégorie d’individus se comportant trop souvent sans manières ni politesse, voire avec une parfaite goujaterie. La polémique a commencé à enfler après la diffusion d’une vidéo d’amateur tournée fin février dans un avion, entre Israël et la Bulgarie. On y voit un groupe de passagers s’en prendre brutalement à un steward qui tarde à vendre à l’une d’entre eux le chocolat qu’elle exige. « J’ai payé pour ce vol, je veux mon chocolat », s’écrie la femme, tandis qu’un autre renchérit : « Vends-lui ce chocolat, espèce d’ordure, c’est une Arabe ou quoi ? »

L’agression d’un steward

par un groupe de passagers

Racoleur et grossier, le petit film fait un tabac : repris à l’infini sur les réseaux sociaux et par les grandes chaînes ­télévisées, commenté à la « une » de la presse nationale, il donne le coup d’envoi d’un véritable déferlement. Pique-nique organisé sur les places « handicapé » d’un parking, altercation violente entre les clients et le personnel d’un hôtel de la station balnéaire Eilat, concours de lancer de chat, montagnes de ­détritus abandonnées sur les plages…

Plus une semaine ne se passe sans la publication d’une nouvelle vidéo montrant des citoyens de l’Etat hébreu dans des postures manquant singulièrement de bienséance. ­Difficile d’échapper à la controverse tant elle envahit tous les médias. Des pages Facebook sont même créées, incitant les internautes à poster images, films et témoignages pour dénoncer le phénomène. « Il faut que chacun avec son smartphone puisse prendre les fauteurs de troubles en flagrant délit et leur faire honte en exposant leurs grossièretés sur la place publique, martèle Shahar Turgeman, patron de l’agence de tourisme Hadaka 90, qui a lancé la page “Combattre le vilain Israélien”, forte de 35 000 “like”. Comme ça, ils y réfléchiront à deux fois avant de recommencer à mettre le bazar dans les avions, les banques ou les hôpitaux.

La Chutzpah,

mélange de culot et d’effronterie

Commentateurs, observateurs, chacun y va de son explication. Certains voient dans l’agressivité ambiante le résultat des tensions régnant au sein d’une société divisée entre Ashkénazes et Mizrahim (les juifs orientaux). D’autres pointent l’occupation des territoires palestiniens qui, en s’éternisant, pourrirait les esprits. « L’occupation corrompt et ça se voit : la violence dans les boîtes de nuit, l’attitude de ces “vilains Israéliens” montrée dans les derniers extraits vidéo », affirmait ainsi Carmi Gillon, un ancien chef du service de ­renseignement intérieur Shin Bet, dans un entretien au journal Globes fin avril.

« THE BEAUTIFUL ISRAELI »

De là à faire de l’incivilité une caractéristique nationale, il y a un pas que peu de parties prenantes au débat acceptent de franchir. Certes, en Israël, on rejette le formalisme au profit des relations directes. On valorise la chutzpah, ce trait distinctif désignant un mélange de culot et d’effronterie. Tandis que la courtoisie peut passer pour légèrement petite-bourgeoise, voire ­carrément hypocrite. Pour autant… « Je rentre de Chine et je peux vous dire qu’il existe aussi de “vilains Chinois”. On trouve ce genre d’individus partout dans le monde », insiste Gad Yair, sociologue à l’université hébraïque de Jérusalem. « Ce qui est très israélien, ce n’est pas d’être “ugly” mais la discussion que génère ce sujet, estime-t-il. Ici, on a des avis sur tout, on s’­exprime avec vigueur et sans s’épargner. C’est aussi le reflet d’une société conflictuelle, ambivalente sur son identité : nous ne sommes pas vraiment orientaux, mais pas non plus occidentaux, et beaucoup ont ­intériorisé le point de vue colonial que les Israéliens sont peut-être un peu barbares. »
Pour Shahar ­Turgeman, qui a lancé une autre page Facebook nommée « The beautiful Israeli » (le bel Israélien), « 99 % des citoyens se ­comportent bien et on ne doit pas laisser les autres gâcher cela. »
http://www.lemonde.fr/m-actu/article/2015/05/20/l-incivilite-sport-national-israelien_4631703_4497186.html

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