« L’Eternel dit à Noé: Entre dans l’arche, toi et toute ta maison; car je t’ai regardé Juste par-devant moi parmi cette génération. » (Genèse/Bereshit 7:1)
8 Mai 1945-2015 – 70ème anniversaire de la libération des camps de la mort, de la fin du nazisme (23 mai). La fin de la 2de Guerre mondiale entrera officiellement en vigueur en Septembre après les bombardements nucléaires américains sur Nagasaki et Hirashima Le 8 Mai est la capitulation allemande- Hommage aux Justes parmi les nations. Souvenir du massacre de Sétif de Mai 1953 (Algérie française) . C’est en 1953 que la Knesset de l’Etat d’Israel lança le projet de Yad Vashem pour honorer et préserver l’héritage des déportés et victimes de la Shoah et reconnaître les « Justes parmi les nations ».
La même année, le gouvernement Mayer institua le 8 Mai comme date commémorative officielle de la fin de la 2de Guerre mondiale, bien qu’à cette date les allemand n’avaient pas entièrement abandonné le territoire et que continuaient en France les combats à l’Ouest du pays et autour de Paris.
En 1953, une répression sanglante de l’armée française en réponse à des attentats anti-colonialistes algériens fit plus de mille morts à Sétif, Guelma et Kherrata et alluma la guerre pour l’indépendance de l’Algérie.
Je rêve que cette date ainsi que celle du Souvenir des déportés et exterminés recouvrent leur solennité et qu’elles soient rendues au peuple auquel elles ont été confisquées par certaines élites intellectuelles, de telle sorte qu’elles ne sont guère plus commémorées « en grandes pompes » que dans les grandes villes, à la télévision en direct de l’Arc de triomphe, symbole impérial de soumission devenu stèle des victoires républicaines, et sans beaucoup de reconnaissance par ailleurs.
C’est que probablement le souvenir des massacres algériens et de la mauvaise conscience française percutent aujourd’hui celui d’une Libération dont l’optimisme est assombri et remis en cause par un islamisme nationaliste inspiré du IIIème Reich et enturbanné par la « Califat » qui réveille les fantômes de l’Europe et les tourments français.
Le 8 Mai, jour férié en France, mais aujourd’hui moins chômé que la Fête du Travail, est donc contesté par certains mouvements puissants, résurgents d’un « pacifisme revanchard » tenace, et paradoxalement adepte de la table rase mémorielle, à gauche comme à droite.
Un temps de silence général
Un temps de silence général, comme en Israël, serait le bienvenu. Ce serait aussi une façon de placer la « décantation » collective par-dessus l’incantation idéologique. L’actuel débat entre l’essayiste non polémiste Emmanuel Todd et le Premier minustre Manuel Valls est à cet égard aussi troublant qu’édifiant sur les paralysies et les peurs françaises . Il montre que la gauche n’a pas fondamentalement changé depuis le Front populaire qui tourna le dos à la puissance allemande renaissante et à la montée des périls.
C’est cette insouciance assez élitiste et qui utilise les valeurs républicaines pour conforter le peuple dans un sécuritarisme modelé sur l’illusoire, coûteuse et complexe ligne Maginot que Todd dénonce. On en voit un exemple frappant dans le corpus de mesures décidé par le gouvernement pour la « protection » des communautés et des « valeurs » républicaines toutes ensemble mises à mal.
Todd exprime davantage crainte que colère, et la réaction de la force politique qui fait vertement les frais des attaques de l’intellectuel à propos de la mobilisation « citoyenne » du 11 Janvier montre à quel point les élites et leurs relais d’opinion se trouvent sur la corde raide.
Honorer les « Justes », en honorant les combattants libérateurs, les victimes et ceux qui les ont sauvé et soutenu, voilà qui serait un bon début pour lutter « contre » l’antisémitisme et « pour » le retour d’une Mémoire européenne préventive de l’Oubli qui disloque le citoyen et de la Négation qui dessèche ce qui reste de l’Homme. Or, les survivants s’éteignent et les témoins se raréfient.
La même berceuse du vivre ensemble
Si les syndicats, les associations de combattants et de déportés s’amenuisent, si la parole n’est plus donnée que par les officiels au gré des intérêts politiques, si les citoyens ne sont plus mobilisés dans la célébration, si l’Europe ne voit plus ses guerres à l’Est européen et moyen-oriental que comme des conflits mineurs et localisés qui ne la regardent que dans la mesure où quelques attentats viennent la troubler, si elle permet ainsi de découpler l’avenir d’Israël du sien, si à chaque fois que des juifs sont tués la même berceuse du « vivre-ensemble » est chantée tandis que la France –unique pays d’Europe de l’Ouest à posséder un monument aux morts par commune- commence à les rogner, à les renier, à ne plus les fleurir à cause de cela, à cause de l’indifférence et de l’amnésie galopantes, que restera-t-il de nous tous?
Que restera-t-il des juifs qui ont inspiré et forgé la République? Que restera-t-il des chrétiens qui ont bâti et pacifié le Territoire? Que restera-t-il des consciences qui se sont charnellement et jusqu’au sacrifice engagées à nous donner naissance, à nous sauver, à nous faire prospérer, à nous libérer, à bâtir une société libre où même les peuples lointains issus des colonies et d’ailleurs puissent vivre en sécurité, sans haine, et fonder parmi nous leur vie? A garantir la promesse universelle d’une multitude? Que restera-t-il des descendants d’immigrés du Sud et de l’Est, d’Afrique et du Maghreb, de Pologne, d’Italie d’Espagne, du Portugal et d’Asie, qui ont combattu avec nous, souffert avec nous, saigné avec nous? Que restera-t-il des fils d’esclaves créoles affranchis et à qui les sceaux de la justice républicaine sont aujourd’hui confiés?
« Prévenir la radicalisation sectaire des jeunes » et transmettre les paroles justes et non les bruits de bottes et la haine de classe et des générations… ?
Commençons alors par remettre la vérité de l’Histoire comme posologie de base à la paix civile et à l’unité européenne toujours pas accomplie. Rien ne sert d’être « Charlie » si on refuse d’être français avec toute la grandeur d’âme et l’humilité du sentiment que cela suppose.
La France mérite mieux que la confusion de ses célébrations aux monuments au mort ou pire pour retrouver la paix : leur dissolution dans le désir euthanasique d’un « pacifisme » assassin de la Mémoire. Elle a besoin qu’on remette sa grandeur et ses héros inconnus en couleurs et en relief.
On ne reste pas en vie en cachant lâchement ses plaies sous des « quenelles » injurieuses pour les avant-bras des déportés ; par des querelles qui diffament l’intelligence des vivants…
On reste en vie en puisant sa vigueur dans la profondeur d’où l’on est revenu. Revenants transfigurés.
De la douleur doit renaître, à chaque mois de Mai, l’espérance. C’est notre printemps à nous et il doit fleurir partout où il est semé.
Jean Taranto a 54 ans et vit en France. Après avoir longtemps travaillé dans le spectacle et la création publicitaire, il veut aider à « construire des ponts ».
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