Et son désir d’économiser sur une intervention chirurgicale a conduit à une gangrène et à l’amputation de la jambe de son fils.
Henrietta Green est entrée dans le livre Guinness des records comme la personne la plus avare au monde. Et elle n’a pas volé ce titre. Cette femme, qui gagnait chaque année plusieurs millions de dollars, était économe à la folie. Elle portait une seule robe décolorée qu’elle ne lavait jamais, sauf la partie inférieure qui frôlait le sol en marchant. Et elle changeait ses sous-vêtements seulement au moment où ils se putréfiaient complètement et se déchiraient, devenant inutilisables. En outre, il n’y avait pas de savon de bain chez Mme Green, parce qu’elle ne se lavait jamais. Si malgré tout une visite à la pharmacie ne pouvait pas être évitée, elle réagissait toujours de la même façon, lorsque le pharmacien lui annonçait que la fiole dans laquelle on vendait des médicaments coûtait 5 cents: elle rentrait chez elle et revenait avec son propre récipient. Elle achetait ses sous-vêtements et les vêtements pour ses enfants (si jamais elle en arrivait à une telle extrémité) seulement chez le brocanteur, en négociant désespéremment chanque cent avec le vendeur. Elle commençait les mêmes négociations à l’épicerie, en choisissant des biscuits cassés (moins chers) et le pain le plus dur, et à ces fins palpait de ses mains (qu’elle ne lavait pendant des années) tout le pain vendu qui, à l’époque, n’avait pas encore d’emballage individuel. Comme un bonus pour avoir comblé l’épicerie de bienfaits par son achat, elle exigeait toujours un os gratuit pour son chien adoré, qui avait le même caractère insupportable qu’ Henrietta elle-même.
Au début du XXe siècle (Green est née en 1834 et a vécu jusqu’en 1916), sa fortune s’élevait, selon certaines estimations, à une somme de 100 à 200 millions de dollars. Selon les prix actuels, ce sont des milliards. Propriétaire d’une fortune fabuleuse, Henrietta étonnait son entourage par des exemples de cupidité et d’avarice spectaculaires. Ainsi, elle envoyait ses enfants revendre le journal après avoir lu les cotations boursières. Et une fois, ayant perdu un timbre de deux cents dans un chariot, elle a passé plusieurs heures (!) à le chercher sur le sol. Elle mangeait habituellement de l’avoine trempée dans l’eau sur un radiateur dans un bureau où un courtier de sa connaissance la laisser entrer. Mais l’avoine coûtait quand même de l’argent, et la millionaire préférait ne rien payer du tout. À cet effet, elle organisait de vrais spectacles dans les cantines bon marché: elle jetait une pierre dans sa soupe et faisait tout de suite un grand scandale, exigeant remboursement. Comme se rappelait un des financiers qui la connaissaient bien, le sac de Hetty (comme ses connaissances l’appelaient) était toujours plein de documents financiers et… de pierres, dans l’éventualité d’un petit-déjeuner ou déjeuner imprévu dans un point de restauration municipal. Elle s’est rendue célèbre par le fait que pendant toute sa longue vie, elle n’a jamais laissé de pourboire à personne.
« Économiser un cent — ça veut dire le gagner », disait Henrietta à ses enfants. À un moment donné, elle a même réussi à « gagner » sur la santé de ses enfants. En raison de l’absence totale de vitamines et d’aliments énergétiques dans le régime alimentaire de ses enfants, sa fille Sylvia a développé une déficience visuelle. L’apothéose de l’avarice monstrueuse de Green a été une véritable tragédie familiale. À l’âge de 11 ans, son fils Ned, en faisant de la luge, s’est blessé gravement au genou. Au lieu d’amener immédiatement le pauvre enfant, souffrant d’une violente douleur, dans un hôpital convenable, Henrietta a décidé d’économiser une fois de plus: elle a enveloppé elle-même et son fils des chiffons les plus vieux et sales et est allée quémander des soins médicaux dans un hôpital gratuit pour les pauvres. Quand ils s’y sont enfin arrivés, le personnel a reconnu en Green la femme la plus riche d’Amérique et a refusé de soigner Ned qui avait besoin d’une intervention chirurgicale immédiate.
Après le refus, la femme a décidé de faire des économies sur les soins médicaux de son fils unique et a opté pour l’automédication. Par conséquent, l’enfant a developpé une gangrène, et sa jambe a dû être amputée. L’amputation professionnelle a été payée par son père qui a appris par hasard le malheur qui était arrivé à son fils — sinon, il est difficile d’imaginer comment toute cette histoire se serait terminée. L’absence d’intervention chirurgicale opportune aurait pu conduire à un vaste empoisonnement du sang et à la mort. Mais tout cela n’a rien appris à Mme Green: c’est dans un hôpital pour les pauvres que Ned a été mis dans la file d’attente pour une prothèse. Il a dû attendre six longs mois qu’on lui fasse, comme à un simple mortel, « une jambe artificielle ». Jusqu’à la fin de sa vie, il clopinait sur une prothèse en liège, la moins chère.
Green, aimait-elle quelqu’un? Oui, son chien Devy. « Elle remue la queue et me regarde de ses yeux fidèles non pas parce que j’ai des millions, mais simplement parce qu’elle aime sa maîtresse », répétait Henrietta à chaque fois qu’on lui conseillait de se débarasser de son animal domestique, lorsque Devy, doté d’un caractère odieux, mordait une fois de plus quelqu’un des invités ou des collègues de la multimillionaire.
Non seulement ses propres enfants, mais aussi ceux de ses proches, ont souffert de son avarice. Une fois, la cousine d’Henrietta a décidé de partir en voyage en Europe avec son mari. Pendant ce temps, ils ont décidé de laisser leurs enfants chez les Green. Le garçon de 8 ans et la fille de 10 ans se réjouissaient d’avance des deux mois merveilleux qu’ils allaient passer chez la tante Green et dont ils se souviendraient encore longtemps. Il n’y a qu’une chose sur laquelle les enfants et leurs parents ne se sont pas trompés: ces « vacances » les ont effectivement marqués pour le restant de leurs jours. Quand la cousine et rentrée avec son mari de leur voyage à l’étranger, elle a à peine reconnu ses enfants: l’absence de la nourriture normale les a amenés dans un état proche de l’évanouissement, ils tenaient à peine debout. « La sorcière de Wall Street » non contente de réduire leurs repas habituels, a aussi envoyé ses jeunes proches… travailler dans une blanchisserie voisine, où la journée de travail durait ni plus ni moins — 14 heures. Suite à des cauchemars liés à leur séjour et à ce travail de forçat, les neveux sont tombés dans une dépression sévère et ont cessé de parler.
Et, bien sûr, la reine du monde financier économisait, comme elle pouvait, sur les impôts. À l’époque, la législation fiscale en Amérique était imparfaite et contradictoire. Mais « la maîtresse des bourses » essayait souvent de prendre des précautions supplémentaires et de bourrer le crâne aux « bandits du service fiscal ». À cet effet, elle logeait toujours dans des chambres louées sous de faux noms. Et bien sûr, elle choisissait le logement le moins cher: d’habitude, c’était des hôtels de seconde zone. Elle n’avait jamais sa propre maison (là encore, pour des raisons d’économie). Elle n’avait pas de maison, et pas de bureau non plus: ressemblant plus à une clocharde qu’à une millionaire, Henrietta « errait » entre les banques, les bureaux de courtage et autres insitutions du même genre, où on l’autorisait à travailler en occupant une table et une chaise, parfois avec un téléphone. Mais elle n’était jamais une visiteuse indésirable dans ces bureaux. Après tout, non seulement Green maniait des millions, mais, dotée d’un flair pour les mouvements du marché et les fluctuations des titres, elle augmentait rapidement son capital. L’information sur les actions et les titres qu’elle achetait ou vendait devenait immédiatement d’une grande actualité et valait son pesant d’or.
En 1913, l’Amérique a adopté le 16e amendement à la Constitution qui réglementait le régime du paiement des impôts. Cela a porté un coup dur à la santé de la femme d’affaires. Henrietta Green est morte d’apoplexie en 1916 en se disputant sur le prix du lait. Ned qui en avait assez des leçons d’économie et des actions « éducatives » de sa « bonne maman », s’est tout de suite adonné à la débauche, en dépensant sa partie de l’héritage en bombances. Sylvia, du vivant de sa mère, a dépensé ses millions en œuvres de charité. C’est la fin triste de l’histoire de la femme la plus riche en Amérique.
http://fr.sputniknews.com/insolite/20150411/1015601713.html
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