Trois mois après les attentats de Paris, trois ans après ceux de Toulouse, Latifa Ibn Ziaten, mère d’une des victimes de Mohamed Merah, s’apprête à emmener en Israël et dans les territoires palestiniens une quinzaine d’adolescents du Val-d’Oise pour un voyage lourd de symboles.
Attentifs, coiffés avec soin, en costume-cravate même pour certains garçons, les lycéens et collégiens choisis pour le voyage étaient reçus mardi à l’ambassade d’Israël, pour un premier contact avec ce pays qui suscite des opinions tranchées.
MÈRES VOILÉES, PÈRES ATTENTIFS
« Quand j’ai annoncé que j’allais en Israël, ma mère m’a dit: +tu vas te faire tuer », certaines de mes copines l’ont mal pris en disant +tu es pour Israël ou pour la Palestine ?+ » raconte Sharyse Etshoele, élève de troisième au collège Jean-Lurçat de Sarcelles.
« Avant de préparer le voyage, je connaissais d’Israël ce qu’on en voit à la télé, le côté péjoratif. Il y a la guerre, mais je veux voir un autre côté », explique cette grande fille d’origine africaine.
Sharyse est chrétienne. D’autres, autour de la table, sont musulmans.
Modèles involontaires d’une nécessaire tolérance interculturelle et religieuse, tel cet adolescent nommé « Coulibaly » et présenté comme un symbole, ils répètent le message d’un « vivre ensemble » incontournable depuis les attentats de janvier.
Pourtant le voyage avait été initié bien avant par Latifa Ibn Ziaten, qui sillonne sans relâche les établissements scolaires pour détourner les jeunes de l’extrémisme depuis qu’elle a perdu son fils Imad en mars 2012, tué par Mohamed Merah.
« Ils ont été choisis pour être des ambassadeurs », explique-t-elle. « Même si c’est une goutte, c’est une goutte de paix. »
Sous l’oeil de leurs parents -mères voilées, pères attentifs- les adolescents opinent de la tête. Du 22 au 28 avril, le voyage, financé par la fondation de Mme Ibn Ziaten, les mènera à Jérusalem, Tel-Aviv et Ramallah.
GOMMER L’ASPECT POLITIQUE
« Faire passer ce message est encore plus important après les attentats » de janvier, affirme Christophe Buatois, le proviseur du lycée Arthur Rimbaud de Garges-lès-Gonesse.
« Ce qu’ils en voient, c’est un pays en guerre. Nous allons leur montrer que les gens vivent normalement », assure-t-il.
Au risque de passer à côté d’une pièce essentielle du puzzle ? « On aimerait gommer un peu l’aspect politique », reconnaît-il.
Pour souligner les points communs entre les cultures, l’ambassade a préparé un atelier musical -vidéos de groupes de raps israéliens à l’appui- et concocté une dégustation de plats israéliens -avec houmous, falafels et salade typique.
Les adolescents garnissent sans hésiter leurs pains plats de sauce harissa et de boulettes aux pois chiches. « Le lien fraternel, moi qui suis d’Afrique du Nord, je le reconnais dans les plats », s’exclame Yassine Bettaieb, un élève de terminale au lycée Arthur-Rimbaud.
Lui a voulu participer au voyage « pour voir si le communautarisme existe vraiment » là-bas. Et pour « remettre les pendules à l’heure » face aux théories du complot qu’il a entendu fleurir autour de lui.
« Sur les récents événements, beaucoup de gens ont dit que les médias nous manipulaient, qu’Israël était derrière tout ça, mais on n’avait pas de preuves », raconte-t-il.
« Mais la plupart des gens qui disent ça n’ont pas lu de livres, ils ne sont pas éduqués. Moi en tant que Français je n’ai eu aucun doute là-dessus, ces attentats ont été commis par des gens mal dans leur peau et en mal de laïcité », ajoute-t-il.
Au fond, ce périple très médiatisé sera pour lui ce que doit être tout voyage d’étude.
Claire Gallen
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