"Sperme sacré" : le tabou des orthodoxes sur la masturbation

Un récent documentaire israélien brise le tabou de la masturbation masculine chez les juifs ultra-orthodoxes en explorant le combat qu’ils doivent livrer pour se conformer à ce précepte biblique: « Tu ne répandras pas ta semence en vain ».
A l’origine du film « Sperme sacré », les inquiétudes d’un père, le réalisateur lui-même, qui ne sait pas comment aborder le sujet, et la sexualité en général, avec son fils de 10 ans.

Ori Gruder, 44 ans et père de six enfants, n’est devenu religieux qu’à 30 ans. Grâce à sa connaissance des deux mondes – laïc et religieux – il présente de façon accessible au grand public les tactiques développées par le judaïsme orthodoxe pour que les hommes résistent à leurs pulsions (le film n’évoque pas la question pour les femmes).
Chez les juifs orthodoxes, la Halacha (loi juive) règle toute la vie quotidienne, de l’alimentation à l’habillement. Elle encadre aussi la vie intime, interdisant les relations sexuelles avant le mariage, car seul le sexe destiné à la procréation est considéré comme un commandement de Dieu.
Le documentaire détaille les précautions prises par les religieux pour éviter d’être stimulés, telle l’interdiction de regarder les femmes.
Un des rabbins interrogés explique comment les jeunes garçons apprennent à uriner sans toucher leur sexe et comment, à partir de 13 ans, ils portent, en guise de sous-vêtement, un large short spécialement conçu pour uriner sans se toucher.
Si, malgré ces précautions, les adolescents ont une érection, voici les remèdes préconisés dans le film par le rabbin Yisrael Aharon Itzkovitch: « Enfoncer les ongles dans les jambes, se tenir sur la pointe des pieds, se livrer à des exercices de relaxation (…) respirer à fond, faire des sauts sur place et marcher rapidement ».
Le film a été tourné principalement en Israël, où environ 11% des 8 millions d’habitants passent pour ultra-orthodoxes, et partiellement en Ukraine.

IGNORANCE DE LA SEXUALITÉ


Ori Gruder offre une rare plongée dans leur monde, filmant dans des endroits habituellement inaccessibles aux non-religieux: bains rituels, salles d’études de yeshivas , cérémonies de mariage où hommes et femmes sont complètement séparés.
Dépassant le seul sujet de la masturbation, il dévoile la profonde ignorance de la sexualité chez les jeunes religieux.
Une scène met en présence un jeune homme sur le point de se marier et un « conseiller sexuel » chargé de lui donner un minimum de conseils.
« Toutes les positions sont permises mais nos sages ont tendance à dire que la meilleure c’est quand l’homme est au-dessus de sa femme, cela permet une plus grande union », explique le conseiller, rencontrant le regard perplexe du futur mari.
Ori Gruder expose son propre sentiment de culpabilité, détaillant comment, une fois devenu religieux, il s’est infligé une série de pénitences pour ses « péchés » passés.
« Je me suis immergé dans un bain rituel rempli de glace, j’ai beaucoup jeûné, donné beaucoup d’argent aux œuvres, et il y a une chose que je fais toujours: une fois par an, je vais dans une petite station de ski et je me roule nu dans la neige », dit-il.
Le documentaire est rythmé par les entrevues d’Ori Gruder avec son rabbin, qui lui donne au début le feu vert pour réaliser le film mais l’enjoint de le faire avec pudeur et retenue.
A la fin, le rabbin le félicite, estimant que sa demande a été respectée.
De fait, le réalisateur, tout en libérant la parole des religieux sur un sujet tabou, ne montre aucune image de la masturbation.
Le documentaire d’une heure est actuellement projeté dans les cinémathèques de Jérusalem et de Tel-Aviv, ainsi qu’à Londres et aux États-Unis. Lors d’une récente séance à Jérusalem, la salle était remplie de spectateurs laïcs.
Pour ne pas être exposés au monde profane, les ultra-orthodoxes n’ont pas le droit d’aller au cinéma, de regarder la télévision ou de surfer sur internet.
Cependant, assure Ori Gruder dans le journal Haaretz, nombre d’entre eux ont téléchargé son film sur internet et il circule aussi sur les téléphones portables d’étudiants de yeshivas.
Delphine Mathieussent pour AFP

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