Les programmes scolaires actuellement en vigueur au lycée depuis 2011-2012 ne risquent pas de redresser la tendance pour éviter la débâcle. Au contraire. On se souvient qu’ils ont été largement combattus par nombre d’universitaires et éloquemment critiqués par Claude Lanzmann, dans le journal « Le Monde ».
À l’été 2011, Guy Konopnicki, dans Marianne 2, contestait avec force l’arrêté du 27 juillet 2010 où le terme de « génocide des juifs et des Tziganes » remplaçait celui de Shoah. Le mot était jugé inadéquat, trop religieux et « hébreu », c’est-à-dire étranger à la langue française. Il ne couvrait disait-on aucune justification historique valable.
Sans être formellement interdit, le terme depuis a effectivement tendance à disparaître dans les manuels scolaires et dans les pratiques pédagogiques. Sous prétexte d’effacer l’aspect émotionnel du sujet pour revenir au « vrai » travail des historiens, le devoir de mémoire a été écarté de l’enseignement.
Cachée sous le vocable généraliste et neutre de génocide, extermination ou anéantissement, et rangée dans le chapitre-fleuve intitulé « Les guerres au XXème siècle » (en classe de première), la Shoah a été réduite à une moyenne d’environ 1h30 de cours dans l’ensemble du parcours scolaire des lycéens.
C’est devenu une simple
illustration de la guerre
Comme tombée de son piédestal, elle a été reléguée à une simple illustration de la Seconde Guerre mondiale, examinée « de loin » et désactivée de la force humaniste qui est la sienne. Pour devenir presque, dans le travail en classe avec les élèves (osons le dire et pardon de ce parallèle horrible) « un détail de l’histoire ».
Signalant moi-même le problème à une inspectrice de l’académie de Versailles, je me suis vu entendre que « le ministère a pris en compte les demandes des professeurs ». Vraiment ?
Une enseignante de Nancy, Catherine Pederzoli-Ventura, a été longuement suspendue pour avoir organisé des voyages scolaires sur la question et fait un usage immodéré du mot Shoah dans ses cours.
Accusée par certains parents mécontents « d’en faire trop sur le sujet », elle a fait l’objet d’un rapport et d’une sanction hiérarchique dans un contexte de fortes tensions dans l’établissement concerné. L’enseignante a répliqué en déposant une plainte pour discrimination.
Un fait historique
banalisé et désacralisé
À l’école aujourd’hui, la Shoah est banalisée, désingularisée, désacralisée. Elle a perdu aux yeux des élèves, et de leurs parents, sa position de référentiel historique majeur dont on a gardé la seule notion juridique et désincarnée de « crime contre l’humanité ».
Vincent Peillon, alors ministre de l’Éducation nationale, rappelait il y a tout juste un an, la spécificité de l’enseignement de la Shoah, et voulait augmenter le nombre de professeurs formés. Il insistait déjà sur « la nécessité de vivre ensemble » et tout particulièrement sur l’urgence de ne pas laisser l’information (et la désinformation) numérique circuler librement auprès de nos jeunes pour se substituer au nécessaire et indispensable travail des enseignants. Au risque de se préparer à des lendemains tragiques, dont on a vu déjà les effets ces derniers jours.
Espérons que la présence de François Hollande, ce mardi à Auschwitz, sera l’occasion de revenir sur le sujet et de redonner à l’école les moyens d’assurer sa mission : renouer le lien intergénérationnel qui fait de nos tous, enseignants, parents, adultes, des passeurs de mémoire.
Jean-Paul Fhima
http://m.leplus.nouvelobs.com/contribution/1311040-auschwitz-70-ans-apres-la-shoah-est-banalisee-son-enseignement-a-l-ecole-est-a-revoir.html#null
Poster un Commentaire