« C’est bien de voir des soldats protéger notre école,
mais que va-t-il se passer demain? »
En dépit de la présence de militaires, fusils d’assaut en main, Noa, élève de terminale d’un lycée juif de Paris, avoue sa « peur ».
Depuis dix jours, deux jeeps camouflées sont garées près de la cité de l’éducation Sinaï, dans le nord de la capitale. Des soldats du 68e régiment d’artillerie d’Afrique, venus de La Valbonne (Ain), équipés de gilets pare-balles, bérets sur la tête mais casque à la ceinture, protègent l’établissement qui va de la crèche à la terminale, à l’extérieur comme à l’intérieur.
Une présence visible
Une présence visible et massive, qui rassure les élèves, parents et enseignants. Jeudi, lors d’un hommage aux victimes des attentats parisiens qui ont notamment visé une supérette casher, les militaires ont été unanimement salués.
« Nous sommes là pour dire que nous croyons que demain sera mieux qu’hier. Non seulement vous pouvez étudier dans la sérénité, parce que vous êtes protégés par nos chers soldats, mais si on vous accueille, c’est parce que nous croyons dans l’avenir de la communauté juive en France », assure le rabbin Joseph Pevzner, directeur général de l’école, devant plus de 200 élèves, des militaires et des personnalités politiques.
Après les attentats passés contre des Juifs, rue Copernic, rue des Rosiers ou à Toulouse, « on avait l’impression qu’il y avait la France et qu’il y avait les juifs. Aujourd’hui, c’est le même combat, toute la France s’est dressée pour combattre le terrorisme », poursuit-il, avant d’entonner la Marseillaise.
En plus des policiers et gendarmes, 10.500 soldats sont engagés dans la protection des écoles et lieux de culte de toutes religions, en grande partie en région parisienne. Il y a en France 250 établissements scolaires juifs.
« Merci à nos chers soldats pour être à nos côtés, souvent debout dans le froid, toujours souriants même si très sérieux, vous nous rassurez », leur lance Rivka, en jupe comme les autres jeunes filles.
Haine des juifs
Ému, le colonel Jean-André Casanova remercie à son tour pour l’accueil « chaleureux » et les « marques de sympathie » qui « ont profondément touché » les soldats et « contribuent au succès de leur mission ».
Mais la vue des militaires est aussi un rappel constant des attentats et agressions qui ont visé ces dernières années la communauté juive.
« Mon fils est venu étudier en France. Il m’a appelé il y a un mois et demi pour me dire qu’il avait vu écrit +Mort aux juifs+ sur un mur. Il m’a dit qu’il ne pouvait pas sortir avec la kippa, on cherchait à le gifler. A Tunis, je n’ai pas vu cette haine », témoigne le rabbin de la grande synagogue de Tunis, Benjamin Hattab, père d’un jeune tué dans l’Hyper Cacher.
Ses paroles bouleversent l’assistance: de nombreuses jeunes filles pleurent, alors que dix-sept bougies sont allumées en hommage aux dix-sept victimes des attentats des 7, 8 et 9 janvier. Une plaque consacre la salle à la mémoire de Yoav Hattab, « lâchement assassiné alors qu’il tentait de sauver d’autres otages », et à « toutes les victimes du terrorisme en France ».
Chaque fois, ça recommence
« Après la marche du 11 janvier et les belles paroles, qu’est-ce qui va> vraiment changer? » s’inquiète Sarah, en terminale. « Les gens qui ont défilé, que feront-ils demain, quand un juif se fera agresser dans la rue? Est-ce qu’ils viendront le défendre? »
Emmanuelle, également en terminale, ne comprend pas: « Quand je vis mon judaïsme, je ne fais pas de mal à qui que ce soit. Et pourtant, en grandissant, les cas de haine des juifs n’arrêtaient pas. A chaque on croit que c’est le dernier, mais chaque fois, cela recommence. »
Dans un couloir, les élèves ont écrit des messages qui évoquent la mémoire des victimes ou la fierté d’être juif. La directrice montre l’un d’eux: « J’ai toujours été haï, mais je n’ai jamais haï personne. »
Thibauld Malterre pour AFP
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