Indéniablement, le clip de campagne de Naftali Bennett est très réussi : de belles images, de l’humour, une bonne présence à l’écran et un message simple et facile à saisir, à condition de connaître le mot “slikha” – “pardon” en hébreu. Le politicien, issu de la formation d’extrême droite Habayit Hayehudi (littéralement « foyer juif »), y apparaît sous les traits d’un hipster gauchiste de Tel-Aviv, avec barbe, casquette et chemise à carreaux, qui, confronté à diverses offenses, ne fait que s’excuser. Une voiture emboutit son pare-chocs : slikha, il s’excuse. Une dame lui pique un Vélib’ sous le nez : il s’excuse. A une terrasse, une serveuse lui renverse un café dessus : il s’excuse encore. Enfin, lisant dans le journal de gauche Ha’Aretz une tribune appelant Israël à s’excuser pour la débâcle de la « Flottille de la liberté », dans laquelle 9 activistes en route vers Gaza sont morts en 2010, le hipster réagit : « C’est vrai. »
Vient enfin le slogan de Habayit Hayehoudi : « A partir de maintenant, cessons de nous excuser. »
Assumer une position ferme
A trois mois des élections anticipées – qui font suite au choix du Premier ministre de saborder les centristes de sa coalition pour miser sur la droite et l’extrême droite –, Naftali Bennett formule un message clair. Comme l’explique le journal Yediot Aharonot, « il répond à la critique de la gauche, selon laquelle les leaders de droite sont trop insistants et trop arrogants dans leurs relations avec les Etats-Unis. Afin de défendre les positions diplomatiques dures d’Israël, Bennett suggère au contraire que la gauche est trop faible et manipulable. »
Dans le viseur, observe The New Republic, le hipster de Tel-Aviv, celui qui vit sur la côte méditerranéenne, loin des zones de tension de Jérusalem ou des colonies, et qui peut se permettre le « luxe » d’ignorer la réalité. Indirectement, la cible est « toute personne qui estime qu’Israël a fait des erreurs, que ce soit en ce qui concerne la flottille, la guerre à Gaza, ou l’occupation de façon générale ».
L’homme nouveau
Mais le message du clip va bien au-delà de son côté amusant et de ce premier niveau de lecture, analyse le magazine américain : ce personnage de hipster faible et confus, devenant brusquement un homme viril et assuré, par sa seule volonté et simplement en arrachant son postiche, est la métaphore d’une autre transfiguration. « Dans l’idéologie sioniste, le Juif ancien était celui de la diaspora – efféminé, faible, pâle, féminisé, peu sûr de lui et de la place qui lui revient », explique à The New Republic Shayna Weiss, chercheuse à l’université Bar Ilan de Tel-Aviv. « Le sionisme a réglé le problème de l’homme juif en en faisant un Juif nouveau : il est fort, ne se préoccupe de rien, n’a pas à s’excuser. Nous sommes là pour faire ce que nous avons à faire. » Naftali Bennett récupère ce récit, « mais cette fois c’est la culture de Tel-Aviv qui a rendu les Israéliens mous, et Bennett est là pour les sauver d’eux-mêmes ».
Ancien rédacteur en chef du Jerusalem Post, Jeff Barak rappelle que, pour Bennett (qui a fait parler de lui avec des déclarations du type : « On peut apprendre à un singe à parler, mais on ne peut pas apprendre à un Arabe à être démocrate »), la solution au conflit israélo-palestinien passe par l’annexion de 60 % de la Cisjordanie (appelée « zone C ») et une supervision israélienne du reste des territoires. C’est précisément ce genre d’approche qui fait perdre à Israël tout soutien à l’étranger, prévient-il. Mais qu’importe, visiblement. « Dans une stupéfiante démonstration d’arrogance et d’incompréhension de l’enjeu vital que représente le soutien international pour Israël, Bennett hausse les épaules et dit que le monde n’aura qu’à se faire à cette situation. »
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