La montée des violences montre à quel point la ville sainte est aujourd’hui divisée entre juifs et arabes. Et même si ce climat est largement instrumentalisé de part et d’autres, les ingrédients d’une Intifada sont réunis.
Tel un cycle infernal qu’il parait impossible de briser, Jérusalem redevient un foyer de tensions entre Israéliens et Palestiniens. Certes, les quartiers est de la ville sainte ne s’embrasent pas comme au début de l’été, après l’assassinat du jeune Mohamed Abu Khdeir, et les heurts de ces derniers jours ressemblent davantage à des violences urbaines qu’à une « guerre des pierres » en bonne et due forme. Il n’empêche, les statistiques de la police sont inquiétantes : plus de 200 incidents ont été recensés depuis la fin septembre. Ils impliquent des jets de pierre, de cocktails Molotov et, parfois, d’engins pyrotechniques contre les forces de sécurité ou contre des véhicules et maisons appartenant à des juifs. Autour de la vieille ville, les rixes et agressions visant de jeunes palestiniens sont aussi en hausse vertigineuse. Preuve que l’atmosphère générale s’est détériorée.
Ces violences sont le quotidien de Jérusalem dans presque chaque quartier où juifs et arabes cohabitent, de gré ou de force. Paradoxalement, l’apparition du tramway a été à la fois un vecteur de rapprochement et de tensions. Aux Palestiniens, il permet de se rendre en quelques minutes dans la partie ouest de la ville, juive et israélienne, où les femmes arabes sont désormais nombreuses à faire leurs emplettes au marché de Mahané Yehouda. A l’autre extrémité, aux abords de Shoafat et Bet Hanina, ce symbole de coexistence est pourtant la cible privilégiée des jeunes palestiniens. Plus de cent actes de vandalisme – destruction des stations, de poteaux électriques et arrachage de rails – ont été répertoriés par la municipalité. Les dommages se chiffrent à 7,5 millions d’euros.
Ce moyen de transport, dont la construction a nécessité l’aménagement de grandes artères, est une proie facile et il n’est pas étonnant de le voir visé par une attaque à la voiture bélier comme celle qui se déroula mardi soir. Cette attaque, qui a entrainé la mort d’un nourrisson de trois mois, aura vite été rattrapée par des considérations politiques. Coté israélien, l’attentat aura servi à rappeler que la ville restera réunifiée et la capitale éternelle du peuple juive – dixit Netanyahou. Coté palestinien, on retiendra surtout que le chauffeur était originaire de Silwan, un quartier où juifs et arabes se livrent une féroce bataille pour le contrôle de propriétés, il est vrai, acquises à la limite de la légalité par des organisations sionistes religieuses – ces dernières utilisent des hommes de paille pour contourner l’interdiction de vendre un bien à des juifs. A chaque fois, l’installation d’une famille israélienne est précédée par l’expulsion manu militari de ses locataires palestiniens, ce qui crée un climat de voisinage exécrable. Presque toutes les maisons juives du quartier sont entourées d’épais grillages, de caméras de surveillance et gardées par des sociétés de sécurité privées.
Le Hamas pousse à l’embrasement
Le plus étonnant est de voir l’absence d’autorité dans ces quartiers pourtant rattachés à Jérusalem, ce qui trahit le discours officiel sur l’unité de la capitale israélienne. Pour éviter les frictions avec la population palestinienne, la police n’y pénètre que très rarement, sauf pour mettre fin à des échauffourées. Dans les faits, toute la partie arabe de Jérusalem vit presque en autarcie, abandonnée par les pouvoirs publics. Et aussi par les Israéliens. Sauf qu’après l’attentat du tramway, le maire de la ville, Nir Barkat, appelle les forces de sécurité à remplir leur mission et à se déployer massivement dans les quartiers est.
Cette recrudescence des violences a débuté sur le Mont du Temple, premier lieu saint du Judaïsme et troisième de l’Islam car il abrite la mosquée Al-Aqsa. Là aussi, de manière presque symptomatique, le site échappe à toute autorité israélienne. Il est sous le contrôle du Wafq, géré par la Jordanie depuis les accords de paix de Wadi Araba, en 1994. L’entrée de fidèles juifs a beau se faire au compte-gouttes, elle sert constamment de prétexte à des affrontements orchestrés par le mouvement islamique israélien, qui finance les jeunes lanceurs de pierre, et par le Hamas, dont les sympathisants et relais sont nombreux dans la vieille ville de Jérusalem.
Les heurts s’y multiplient depuis un mois, encouragés à tous les échelons par les responsables palestiniens, à commencer par le président Mahmoud Abbas. En appelant les musulmans à empêcher par tous les moyens les juifs à se rendre sur l’Esplanade des Mosquées, le raïs palestinien jette de l’huile sur le feu. Son discours marque un changement de ton inhabituel, comme s’il voulait donner son aval à une nouvelle Intifada. Pour l’instant, les tensions à Jérusalem n’ont pas fait tâche d’huile dans les territoires sous son contrôle, en Cisjordanie. Mais Abbas semble moins disposé qu’avant à l’exercice du pouvoir, lassé semble-t-il par les tensions larvées avec le Hamas et les blocages politiques avec Israël. Cette situation est de mauvais augure alors que débutent, ce lundi au Caire, les négociations avec le Hamas en vue de l’établissement d’une trêve durable dans la bande de Gaza. D’ores-et-déjà, le mouvement islamiste palestinien s’agace des lenteurs de la reconstruction et menace d’en faire payer bientôt le prix à Israël.
Maxime Pérez
Nouveaux heurts à Jérusalem-est:
au moins 5 Palestiniens arrêtés
Au moins cinq Palestiniens ont été arrêtés lors de nouveaux heurts au cours de la nuit de samedi à dimanche à Jérusalem-est où plusieurs centaines de policiers supplémentaires ont été déployés au cours des derniers jours, a indiqué la police.
Les troubles de la journée de samedi entre jeunes Palestiniens et policiers israéliens se sont prolongés dans la nuit, dans le quartier palestinien de Silwan en particulier, tout près de la Vieille ville. Les policiers ont répondu aux jets de pierres avec des moyens anti-émeutes pour disperser les assaillants.
La police a fait état de jets de pierres épars encore dimanche matin.
Depuis lors, au moins quatre ou cinq cents policiers supplémentaires ont été déployés à Jérusalem pour « prévenir et réagir à tout incident ».
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