Harcelé par les groupes djihadistes à la frontière libano-syrienne, le mouvement chiite parait incapable d’ouvrir un second front contre Israël. Mais de récentes indications laissent penser qu’il cherche à se rappeler au souvenir de son pire ennemi. En utilisant l’armée libanaise.
C’est le dernier incident en date à la frontière israélo-libanaise. Dimanche après-midi, trois hommes armés franchissent la ligne bleue tracée par l’ONU et s’approche de la clôture de sécurité israélienne. Une patrouille de Tsahal les repère et alerte la position la plus proche. Des tirs de mitrailleuse lourde résonnent et obligent le commando à se replier. L’armée est formelle : une tentative d’infiltration a été déjouée. Les libanais annoncent qu’un de leurs militaires a été légèrement blessé et accusent Israël d’avoir violé la résolution 1701, autrement dit le cessez-le-feu.
L’accrochage s’est déroulé dans le secteur des fermes des Shebaa. Ce triangle frontalier de 25 km₂ revendiqué de longue date par le Liban – mais qui s’étend à l’extrême nord du Plateau du Golan, ancienne propriété de la Syrie -, a été le théâtre de nombreuses attaques du Hezbollah. En mars dernier, une charge explosive de 20 kg était actionnée au passage d’une jeep de l’armée israélienne, sans faire de blessés. A l’évidence, les trois hommes repérés par Tsahal venaient préparer le même type d’embuscade.
Le commandement nord relève une multiplication des incidents frontaliers depuis quelques semaines, mais s’inquiète surtout de la présence de soldats libanais à chacun d’entre eux, où du moins, d’éléments portant leur uniforme. Depuis la guerre de 2006, en coordination avec la FINUL, l’armée libanaise a redéployé plusieurs milliers d’hommes au Sud-Liban. Mais pour éviter de froisser le Hezbollah, véritable maître des lieux, la plupart des unités opérant dans le secteur sont issues de la minorité chiite. Comme ce sniper de la 9ème brigade mécanisée libanaise qui, le 3 août 2010, abattait Dov Harari, lieutenant-colonel de Tsahal, alors qu’il supervisait le tronçonnage d’un arbre empiétant sur la route de sécurité qui longe la frontière libanaise.
La troisième guerre du Liban, pas tout de suite
Au fil des années, il ne fait aucun doute que les troupes libanaises ont appris, parfois avec excès de zèle, à remplir le rôle du Hezbollah, dont toute présence avérée près de la frontière israélienne peut être perçue comme un casus belli. Avec ou sans l’appui de la FINUL, les patrouilles de l’armée libanaise offrent de précieuses indications sur le dispositif militaire israélien et permettent aussi de déceler certaines failles. Selon l’Aman, les renseignements militaires de Tsahal, l’armée libanaise et le Hezbollah opéreront très probablement côte à côte si un nouveau conflit devait éclater.
Une connivence déjà flagrante à Arsal, ce village libanais de la Bekaa contrôlé en partie par les djihadistes du Front al Nosra, émanation syrienne d’Al Qaïda. Officiellement, les assauts visant à déloger cette organisation sont conduits par l’armée libanaise. Mais dans les routes menant au jurd de Qalamoun, les barrages érigés par les forces de sécurité n’empêchent pas le passage de convois d’armes et de combattants du Hezbollah, lequel détient aussi plusieurs bases et positions le long de la frontière avec la Syrie. Ces dernières sont censées protéger son fief de Baalbek.
Déjà embourbé sur plusieurs lignes de front aux côtés du régime d’Assad, le mouvement chiite libanais doit désormais faire face à la poussée de l’Etat islamique, dont plusieurs éléments ont tenté de s’infiltrer à l’est du Liban, dimanche, dans le secteur de Nabi Sbat. A l’issue des combats, les djihadistes ont été repoussés en Syrie, mais le Hezbollah a enregistré la perte de huit miliciens.
Le Liban, dont le destin semble de plus en plus lié à celui de son voisin syrien redoute de nouvelles incursions meurtrières de l’Etat islamique ou du Front al Nosra. A court et moyen terme, cette situation condamne le Hezbollah à une guerre d’usure à l’issue incertaine, et surtout, l’oblige à se détourner de sa principale raison d’être : la lutte contre Israël.
Maxime Perez
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