Sur fond de crise du budget alimentée par les futures dépenses militaires, le ministre de la défense, Moshé Yaalon, s’est discrètement rendu à Baku. Une visite historique tournée vers la signature de contrats d’armements et, surtout, la coopération face à l’Iran.
C’est une alliance qui, de prime abord, peut paraître surprenante, voire contre-nature. D’un côté, Israël, Etat juif, puissance économique et militaire incontournable du Moyen-Orient ; de l’autre, l’Azerbaïdjan, Etat postsoviétique à majorité musulmane (70 % de chiites) richement doté en hydrocarbures, mais sans réelle aura géopolitique.
Depuis une vingtaine d’années, les deux pays entretiennent pourtant d’étroits rapports, axés essentiellement sur des partenariats économiques et militaires. L’Etat hébreu est le deuxième plus grand client de pétrole azéri, transporté par le pipeline Bakou-Tbilissi-Ceyhan, et ses ventes d’armes permettent à Baku de développer ses capacités militaires après que l’OSCE l’ait frappé d’un embargo sur les armes suite à son conflit avec l’Arménie sur la région du Haut-Karabagh.
Plus récemment, la position de la Russie sur le dossier ukrainien a poussé l’Azerbaïdjan à modifier sa stratégie militaire vers une plus grande autonomie. Sur ce point, les autorités azéries misent sur un développement de leur complexe industrialo-militaire, avec l’aide d’Israël. Précisément, la visite à Baku de Moshé Yaalon – la première d’un ministre de la défense israélien et la plus importante depuis celle de Shimon Peres en 2009 -, le 10 septembre, coïncidait avec l’ouverture du salon d’armements ADEX-2014 dans lequel étaient représentées 16 entreprises israéliennes du secteur.
Base-arrière contre l’Iran
Derrière ce marchandage, la contrepartie est simple : la république caucasienne partage 611 km de frontière commune avec l’Iran. Son positionnement offre à l’aviation de Tsahal une base-arrière inespérée en cas d’attaque contre les centrales nucléaires du régime des Mollahs. Une première illustration de cette alliance semble avoir été mise à jour le 23 août dernier. Le drone de reconnaissance israélien Hermes 450 prétendument abattu au-dessus du site d’enrichissement d’uranium de Natanz, aurait décollé de la base aérienne de Nakhchivan, en Azerbaïdjan, selon des sources militaires iraniennes.
Ces allégations confirment celles d’officiers du renseignement américain, en 2012. Pour éviter une action unilatérale d’Israël, le Pentagone avait ouvertement évoqué la possible utilisation par Tsahal de bases aériennes en Azerbaïdjan. Malgré le démenti ferme de Bakou, cette fuite soigneusement organisée a quelque peu ébranlée la stratégie régionale d’Israël face à l’Iran.
Les bases aériennes auxquelles faisaient référence les responsables américains, au nombre de quatre, ont été abandonnées depuis le retrait de l’armée soviétique en 1991. Même à 500 km de la frontière azéri-iranienne, elles offrent un positionnement beaucoup plus appréciable que les 1500 km qui séparent Israël de l’ouest de l’Iran. A défaut d’abriter des escadrilles de l’aviation israélienne, ces aérodromes assureraient le ravitaillement des escadrilles F-15 et F-16I engagées dans des frappes contre la République islamique.
Lutte anti-terroriste
Reste que la coopération militaire et sécuritaire entre Israël et l’Azerbaïdjan ne date pas forcément de l’internationalisation du dossier iranien. En 2001, à l’initiative du président Heydar Halyev, les deux pays avaient décidé de joindre leurs forces pour combattre l’organisation islamiste Hizb-u-Tharir, qui compte plusieurs centaines de membres en Azerbaïdjan – et par ailleurs très présent dans d’autres pays d’Asie Centrale, comme le Turkménistan et l’Ouzbékistan.
Les échanges entre les services de renseignement des deux pays permettront, plus tard, de déjouer plusieurs tentatives d’attentats contre l’ambassade israélienne à Bakou, comme ce fut le cas en 2008. Ce rapprochement finit par s’opérer également contre l’Iran, un pays où il existe également une forte minorité azérie.
Le 12 février 2012, la République islamique accusait son voisin d’avoir facilité les éliminations de scientifiques nucléaires iraniens ces dernières années. « Certains des terroristes liés à l’assassinat de scientifiques nucléaires iraniens se sont rendus en Azerbaïdjan d’où ils disposent de facilités pour se rendre à Tel-Aviv », avait indiqué l’agence de presse officielle IRNA sur son site internet.
En quelques années, l’Azerbaïdjan serait-il devenu le fer de lance de la doctrine israélienne de la périphérie, prônée en son temps par David Ben Gourion pour encercler ses ennemis ? Seul un éventuel conflit avec l’Iran donnera la mesure de l’implication des autorités azéries aux cotés de l’Etat hébreu.
Maxime Perez
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