Israël face à l’Etat islamique, par Maxime Perez

Si la « conquête de la Palestine » demeure l’objectif intermédiaire de cette nouvelle nébuleuse djihadiste, Israël n’est pas directement concerné par l’offensive qui se prépare contre l’EI en Irak et en Syrie. Mais la donne pourrait changer.

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Benyamin Netanyahou n’aura fait qu’une brève apparition, jeudi, en clôture du sommet mondial contre le terrorisme qui s’est tenu à Herzliya. Quinze jours après l’entrée en vigueur d’un fragile cessez-le-feu avec le Hamas à Gaza, le premier ministre israélien a été rattrapé par l’actualité régionale et les commémorations des attentats du 11 septembre qui se déroulaient le même jour. Son allocution a donc logiquement été centrée sur l’impérieuse nécessité de combattre l’islam radical, l’un de ses thèmes de prédilection, incarnée hier par la traque d’al Qaïda et à présent tournée vers ce nouvel avatar djihadiste que représente l’Etat islamique (EI).

Sans surprise, Benyamin Netanyahou a apporté le soutien officiel de son pays à la campagne militaire américaine qui se profile en Irak et en Syrie. Mais le premier ministre israélien n’oublie pas son propre agenda. Il a tenu un long réquisitoire contre le Hamas et l’Iran ; le mouvement islamiste palestinien qui, du fait de son idéologie radicale, se voit placé au même rang que Boko Haram, le Hezbollah et l’EI ; le régime des Mollahs, émanation suprême de cet « axe du mal » et d’autant plus dangereux qu’il poursuit avec acharnement le développement d’armes de destruction massive, en particulier d’ogives nucléaires selon Netanyahou.

Israël en dehors

de la coalition

Au moment où le secrétaire d’Etat américain, John Kerry, s’efforce de bâtir une coalition de pays arabo-musulmans contre les djihadistes de l’EI, les responsables israéliens comprennent qu’ils doivent faire profil bas pour ne pas embarrasser leur allié. Comme lors de la guerre du Golfe, en 1991, l’Etat hébreu est de facto mis à l’écart, tout engagement de sa part pouvant susciter l’opposition de pays comme la Turquie et le Qatar, dont la participation à la future coalition apparait comme indispensable.
Jusqu’ici, Israël s’est contenté d’ajouter l’EI et les brigades Abdallah Azzam, basées au Liban, sur la liste des organisations illégales sur son territoire. Une mesure qui vise avant tout les candidats arabes-israéliens au Jihad – une dizaine d’entre eux auraient déjà gagné la Syrie ces derniers mois, selon le Shabak – et d’éventuels sympathisants à cette cause qui, comme en Galilée la semaine dernière, ont agité le drapeau noir de l’EI au cours d’un rassemblement.

Rare ministre à s’être publiquement exprimé sur le sujet, Moshé Yahalon a appelé à une coopération des services de renseignements du « monde libre » contre cette organisation djihadiste. Ses déclarations semblent corroborer les fuites apparues dans la presse israélienne selon lesquelles les renseignements militaires de Tsahal auraient transmis aux Etats-Unis des informations cruciales sur le dispositif et les activités de l’EI en Syrie. Il n’est pas non plus à exclure que ce même type d’assistance soit portée aux combattants kurdes avec qui Israël entretien des liens.

La Jordanie,

ligne rouge d’Israël

Prudent, Benyamin Netanyahou a convoqué son cabinet de sécurité pour évoquer la menace posée par l’Etat islamique, dont les combattants se sont rapprochés de la frontière israélo-syrienne ces dernières semaines, en marge des combats survenus dans la province de Quneitra entre rebelles et forces d’Assad. Reste que sur la partie syrienne du Golan, c’est surtout la présence d’éléments du front Jobat al-Nosra, émanation locale d’Al Qaïda, qui pousse Israël à redoubler de vigilance.
La capture d’une quarantaine de casques bleus fidjiens du FNUOD, déployé sur la ligne d’armistice israélo-syrienne depuis 1974, prouve qu’un risque d’embrasement existe. Si l’EI ou le groupe al Nosra venait à s’emparer du secteur frontalier de Quneitra, pour l’heure aux mains de l’armée syrienne libre (ASL), l’Etat hébreu pourrait envisager une série de frappes préventives pour éloigner les djihadistes de la région du Plateau du Golan.
Mais à vrai dire, la principale préoccupation d’Israël reste la Jordanie, clairement désignée comme la prochaine cible de l’Etat islamique. Autour d’Amman et dans certaines villes de campagne considérées comme des fiefs islamistes, ce dernier disposerait déjà de cellules dormantes prêtes à déstabiliser le royaume hachémite. Si l’armée jordanienne a renforcé sa présence le long de sa frontière avec l’Irak, longue de 181 km, elle pourra difficilement enrayer un soulèvement djihadiste dans des zones où la population lui est hostile. Son talon d’Achille : la faible quantité de ses effectifs pour un territoire plutôt vaste à couvrir.
Ce scénario pourrait pousser Israël à une intervention militaire immédiate et unilatérale. C’est en substances le message qui aurait été transmis à Washington, il y a quelques jours, par le cabinet de Benyamin Netanyahou. La chute du royaume hachémite constitue pour Israël une ligne rouge et n’est pas sans rappeler l’épisode de « Septembre noir », en 1970. A l’époque, la Syrie décide d’envoyer des blindés à la frontière pour venir en aide aux Palestiniens. Le roi Hussein sollicite l’aide des États-Unis et de quiconque prêt à empêcher Damas d’envahir son pays. Israël répond à la demande jordanienne en envoyant des avions simuler des attaques contre les chars syriens. L’armée de Hafez al-Assad fait demi-tour, abandonnant les troupes d’Arafat à leur sort.
Pour l’Etat hébreu, la Jordanie est un partenaire stratégique dont le positionnement géographique a longtemps été perçu comme un rempart contre l’Irak de Saddam Hussein. Le fait qu’un traité de paix unisse les deux pays permet d’empêcher la militarisation de la Cisjordanie, autrement dit le transfert d’armes depuis la Jordanie vers les territoires sous contrôle palestinien. Derrière des tensions politiques presque de façade, Amman et Jérusalem mènent une coopération militaire discrète mais constante, essentiellement en matière de renseignements.
Maxime Perez
 
 
 
 
 

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