Jihadistes européens : un phénomène de masse

 Violence désinhibée avant un passage à l’acte: le cas Medhi Nemmouche, tueur présumé du Musée juif de Bruxelles et geôlier d’otages, illustre la crainte des services de sécurité sur la menace que font peser sur l’Europe les jihadistes européens ralliés à l’Etat islamique.
jihadistes
L’attentat à la Kalachnikov perpétré le 24 mai à Bruxelles, qui a fait quatre morts et pour lequel ce Français d’origine algérienne de 29 ans est incarcéré en Belgique, est « le premier acte terroriste réussi sur le sol européen  provenant des filières syriennes », résume Jean-Charles Brisard,consultant, expert des questions liées au terrorisme.
Et comme Nemmouche, des centaines d’Européens sont rentrés de Syrie où ils ont mené le jihad, et des centaines d’autres candidats continuent à partir rejoindre les rangs de l’Etat islamique (EI) ou du Front al-Nosra. Avec la hantise pour les responsables politiques et les services de renseignements européens  que certains n’échappent aux radars et basculent dans le terrorisme à leur retour.
« C’est un phénomène de masse et qui ne cesse de prendre de l’ampleur », juge Louis Caprioli, chargé de la lutte contre le terrorisme à la Direction de la surveillance du territoire (DST) de 1998 à 2004.
En Grande-Bretagne, ils seraient « au moins 500 » jihadistes partis en Syrie et en Irak, dont 250 seraient déjà revenus, selon le Premier ministre David Cameron. Aux Pays-Bas, ils sont estimés à 130, en Belgique plus de 250.

950 FRANÇAIS JIHADISTES

En France, 950 personnes sont impliquées dans les filières syriennes, qu’elles y combattent actuellement (350), qu’elles soient en transit (150), rentrées (180), ou qu’elles aient des velléités de départ (220), selon un décompte établi à la mi-août par le député (PS) Sébastien Pietrasanta, rapporteur du projet de loi sur le renforcement de la lutte contre le terrorisme.

Assister à un nouvel attentat en Europe, « vu le nombre de ressortissants européens engagés sur ce théâtre, c’est plus qu’une possibilité, les services savent que ce n’est plus qu’une question de temps », affirme Jean-Charles
Brisard, qui chiffre à 3.200 le nombre d’Européens passés par la Syrie et l’Irak ou qui s’y trouvent encore.

Pour Matthew Olsen, l’un des patrons de l’antiterrorisme américain, pas de doute, « la menace est relativement immédiate pour l’Europe ».

LISTES DE DANGEROSITÉ

Face à cela, les pays européens s’efforcent de renforcer leur arsenal juridique pour empêcher les départs, notamment en France et en Grande-Bretagne. Ces deux pays s’apprêtent à adopter des législations
permettant d’interdire de quitter le territoire les personnes soupçonnées de vouloir rejoindre une terre de jihad.

Pour ceux qui reviennent, l’antiterrorisme n’a pas les moyens de les placer toutes sous surveillance permanente et établit des listes par ordre décroissant  de dangerosité présumée.

« La surveillance 24 heures sur 24 d’un seul suspect, qui en plus utilise souvent trois ou quatre numéros de téléphone différents, c’est trente flics. Comment voulez-vous faire? » explique un bon connaisseur du dossier.

Pour Louis Caprioli, avec ses 3.300 agents, la Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI) française fait « un travail formidable mais elle est en sous-effectifs. Et ce n’est pas le renforcement de 300 à 400 personnes prévu qui est une réponse à l’ampleur du défi, c’est +peanuts+ ».

« On sait des expériences passées, de l’Afghanistan ou de la Tchétchénie, qu’une personne sur neuf au retour s’est engagée dans des actions violentes ou terroristes », rappelle Jean-Charles Brisard.

Le risque est d’autant plus grand avec cette minorité susceptible de basculer que son rapport à la violence s’est sans doute désinhibé dans les rangs de l’EI, comme cela semble avoir été le cas pour Medhi Nemmouche.

Il semblait prendre plaisir à « torturer » les prisonniers de l’EI, selon le journaliste et ex-otage Nicolas Hénin, qui dit avoir lui-même été frappé par Nemmouche.

« C’était un délinquant de droit commun, qui a connu la prison, rappelle Louis Caprioli, mais cette violence, il l’a renforcée et légitimée au côté de l’Etat islamique. »
Mathieu Rabechault pour AFP

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