Sarcelles se réveille groggy ce lundi matin.
Les employés municipaux s’affèrent pour nettoyer chaussées et trottoirs noircis, ramasser les gravats qui jonchent encore le sol. Le Tramway ne fonctionnera pas aujourd’hui. Encore sous le choc, les Sarcellois ont du mal à croire au déferlement de violences dont ils ont pourtant été témoins hier, dimanche, au cours de la manifestation pro-palestinienne maintenue par ses organisateurs malgré l’interdiction de la Préfecture de Police. Sur un tract placardé sur un abris-bus devant la gare RER de Garges-Sarcelles, point de rassemblement de la manifestation, on peut lire qu’elle était organisée par un mystérieux « Collectif des habitants de Garges-Sarcelles » sans plus… ni téléphone, ni adresse mail, rien. Peut-être aurait-il fallu s’en inquiéter avant…
Aux Flanades, centre commercial où les boutiques turques côtoient depuis toujours les supermarchés cashers et les coiffeurs afro, c’est la stupeur et la désolation. Sur la Place de France, plusieurs commerces ont été incendiés et/ou pillés par une horde de jeunes masqués, solidement armés de bouts de bois, de barres de fer, visiblement familiers de la guérilla urbaine. L’odeur acre des fumées toxiques est encore incommodante par endroit. Les gens se rassemblent et échangent leurs impressions. Un monsieur originaire du Mali s’approche pour me dire son incompréhension, sa révolte, sa peur aussi. Des fenêtres de son appartement, il a pu suivre toute l’échauffourée : « ils sont arrivés comme une vague, d’un seul coup. Ils étaient au moins 200. La police ne pouvait plus les arrêter. Mes enfants ont eu très peur et ont été intoxiqués par la fumée».
Le spectacle laissé par les émeutiers est, de fait, impressionnant : il ne reste plus rien de la pharmacie, complètement calcinée. « Elle est là depuis toujours, me confie un autre habitant, et on en a besoin ici. » La pizzeria n’a pas brûlée mais n’a plus de vitres. Le patron marche de long en large, portable collé à l’oreille. La tension est palpable. Quand arrive François Pupponi, le maire socialiste de Sarcelles, quelques uns lui reprochent de n’avoir pas pris les mesures suffisantes : « On avait téléphoné à la mairie, on leurs avait dit. Ils nous ont répondu que la manif était interdite, comme si ça allait suffire ! » Beaucoup prennent aussitôt sa défense : « C’est imparable ce genre de truc, il n’y est pour rien ». « C’est vrai, continue une dame, ça fait 50 ans que je vis à Sarcelles et on a jamais connu ça ». Pour le Maire de Sarcelles, aucun doute n’est possible : « Tous les commerces pillés ou détruits l’ont été parce qu’ils étaient tenus par des Juifs, c’est une évidence. Un seul est un chrétien Chaldéen ». Plusieurs familles habitant au-dessus des commerces sinistrés doivent être relogées d’urgence. De l’autre côté de la Place de France, le petit supermarché Naouri a le rideau de fer baissé. Déjà victime d’un attentat en 2012, il a à nouveau été la cible des insurgés. Par chance, les vitres blindées des portes des galeries couvertes ont résisté aux assauts et ainsi épargnés les autres boutiques. Mais on mesure aisément la violence des combats en constatant les impacts que les pierres ont laissés. Les synagogues, nombreuses à Sarcelles qui compte une forte communauté juive, ont été également prises pour cibles mais protégées à temps des assauts des manifestants. Des cars de CRS campent toujours devant. Mais jusqu’à quand ?
Dès hier, le Premier Ministre Manuel Valls s’exprimait sur toutes les antennes avec beaucoup de fermeté et de lucidité : « Ce qui s’est passé à Sarcelles est intolérable. C’est tout simplement de l’antisémitisme ». Ce matin, c’est Bernard Cazeneuve, Ministre de l’Intérieur qui réaffirmait, sur place, la fermeté de l’Etat face à de tels agissements.
C’est ce que chacun de nous, Juifs ou non, est en droit d’attendre aujourd’hui de l’État face à de tels actes. Quand on voit Sarcelles ce lundi matin, on comprend très vite que même autorisée, cette manif aurait dégénérée et conduit aux mêmes débordements antisémites.,
Brigitte Thévenot
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