A l’approche de la Pentecôte juive (Shavuot),
l’hypermarché casher de ,
dans le XIXe arrondissement de Paris,
ne désemplit pas.
Dans ce quartier du nord-est de la capitale,
où vit une importante communauté juive,
l’heure est aux courses,
pas aux palabres.
« L’antisémitisme, on n’en parle pas, on est habitués », lâche le patron en sortant des palettes sur le trottoir. La fusillade devant le musée juif de Bruxelles, qui a fait trois morts et un blessé grave le 24 mai, n’y a rien changé, assure-t-il: « On verra malheureusement d’autres attentats, il faut bien vivre avec. »
Il évoque l’émergence d’un « nouvel antisémitisme » depuis une quinzaine d’années, porté selon lui par des « musulmans radicaux » qui instrumentalisent le conflit au Proche-Orient.
« Ces tensions existent depuis le début des années 2000 », juge aussi Joseph, 33 ans, qui a renoncé depuis longtemps à porter sa kippa dans le métro, mais la garde visible dans ce quartier, où il y a un grand groupe scolaire Loubavitch, des restaurants casher et des synagogues.
Pour lui, un nouveau cap vient toutefois d’être franchi: « Avant, j’avais peur qu’un attentat arrive, maintenant je sais qu’il y a d’autres (Mohamed) Merah », ajoute-t-il, en référence au tueur de Toulouse, qui en 2012 avait ouvert le feu devant une école juive.
Myriam, 58 ans, porte la perruque typique des juives orthodoxes. Cette femme « très religieuse » est tellement inquiète qu’elle envisage de faire son aliyah ( » une installation en Israël). « A partir du moment où on est visible, on est confronté à des insultes », dit-elle.
Pour eux, le XIXe arrondissement, où vivent aussi de nombreux musulmans, est traversé par ces tensions. En 2013, selon le service de protection de la communauté juive, 12 actes antisémites (violences ou dégradations) y ont été recensés.
« Il ne faut pas exagérer, il n’y a pas de problème », assure pourtant Yacob, 46 ans, en racontant que ses voisins musulmans sont même venus le voir après la tuerie de Bruxelles pour se démarquer du suspect principal, Mehdi Nemmouche, un délinquant tombé dans l’islam radical.
Sa kippa, il ne la dissimule jamais sous une casquette, contrairement à d’autres juifs. « Je ne suis jamais embêté », assure-t-il. Mais un peu plus tard, il glisse avoir été traité de +sale juif+ à plusieurs reprises ces dernières années.
Pour André, un quinquagénaire à la barbe épaisse, la médiatisation des actes antisémites, et leur dénonciation par les institutions, est en partie responsable du climat. « Quand on en parle, ça donne envie à d’autres de faire pareil, et en même temps, ça renforce les peurs », souligne-t-il.
« Il faut faire très attention à ne pas parler de LA communauté juive, il y a des avis très partagés en notre sein », remarque pour sa part Bernard Koch, un habitant du quartier qui milite depuis des années contre l’antisémitisme.
Lui, craint « que ces peurs, instrumentalisées par les responsables communautaires, se transforment en paranoïa et poussent au repli sur soi ».
Charlotte Plantive pour AFP
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