Google veut augmenter les capacités de l’homme
et faire reculer la mort.
D’un moteur de recherche à l’intelligence artificielle.
Pendant que nos politiciens de droite et de gauche se chamaillent dans les élections municipales, et que l’extrême droite fait son nid au milieu de leur incompétence, des enjeux planétaires d’une toute autre importance apparaissent.
J’en veux pour preuve les nombreux articles que la presse consacre dernièrement au transhumanisme.
Le transhumanisme, qui apparaît dans les années cinquante, prend un réel essor et une autre forme au cours des années quatre vingt dix.
Il est presque ignoré de la France, qui renoue sous François Hollande avec un colbertisme passéiste :
« La troisième révolution industrielle se produira aussi en France. Nous allons faire naître les inventions de demain, les usines de demain, les produits de demain » assure t-il.
Pathétique.
Soutenir une industrie française mourante avec des aides du denier public, avec du « crédit d’impôt recherche » (gaspillage dénoncé par la Cour des Comptes), avec une agence de l’innovation industrielle qui a disparue à peine née, avec les pôles de compétitivité ou un grand emprunt, sont autant de mesures désuètes et inutiles.
Ce n’est pas la troisième révolution industrielle qui est en route, ni en France, ni nulle part ailleurs, mais la révolution NBIC, nanotechnologie, biologie, informatique et sciences cognitives (intelligence artificielle et sciences du cerveau).
Google veut-il contrôler les industries du monde de demain ?
Déjà en 2011, Time Magazine faisait sa couverture sur l’homme qui deviendrait immortel en 2045.
Google voudrait créer un homme nouveau, beau, fort, intelligent et immortel.
Une folie ? Pas si sur !
Google a recruté Ray Kurzweil, figure emblématique du transhumanisme, qui promet que le progrès de la science va permettre d’améliorer l’espèce humaine.
Ray Kurzweil a l’ambition d’augmenter le pouvoir de l’homme en le connectant à des machines.
Google a décidé de racheter ou d’investir dans de nombreuses start-up et sociétés, parmi elles l’entreprise de génétique 23andMe qui pratique le séquençage ADN, Boston Dynamics qui a créé des robots pour l’armée américaine, ou Nest, leader de la domotique et des objets intelligents.
Time Magazine en faisait à nouveau sa une à la fin de l’année dernière.
Le chirurgien urologue Laurent Alexandre, diplômé de l’ENA et d’HEC, qui préside la société de séquençage de génome DNA Vision, s’intéresse aux progrès de la technomédecine et de la biotechnologie.
Il a écrit un essai intitulé « La mort de la mort », dans lequel il affirme que « l’homme qui vivra 1000 ans est déjà né ».
Invité de Canal +, il déclare que « le transhumanisme est une idéologie qui considère qu’il est légitime d’utiliser toutes les puissances des nanotechnologies, de l’informatique, de la robotique, des sciences du cerveau et de l’intelligence artificielle pour euthanasier la mort, augmenter les capacités de l’homme et rendre l’homme plus intelligent et plus fort ».
« La plupart des dirigeants de Google sont des idéologues transhumanistes.
Google c’est le contraire de la France, qui se spécialise dans la défense des canards boiteux et des industries du passé, alors que Google a tout misé sur les industries du XXI ème siècle ».
« Le premier objectif de Google c’est de faire émerger une intelligence artificielle supérieure à l’intelligence humaine, et le deuxième objectif est de faire reculer la mort et d’augmenter l’espérance de vie ».
Google veut-il créer une espèce supérieure ?
Selon Laurent Alexandre, pour les gens de Google, qui sont technophiles mais démocrates, c’est l’immortalité pour tout le monde, ce n’est pas l’immortalité pour une race supérieure.
Ce serait une nouvelle forme de la social-démocratie, le renforcement de nos capacités, et le recul de la mort.
On peut légitimement en douter, car tout le monde ne sera pas concerné.
Seul « l’homme nouveau connecté » constituera une espèce nouvelle.
A terme, en 2030, les ordinateurs deviendraient plus puissants que les cerveaux humains.
Le but est de sauvegarder un cerveau humain sur un ordinateur et de mettre son esprit à l’abri de la destruction de son corps.
L’esprit sauvegardé pourrait ainsi être mis dans un robot.
Et la France, en passant à côté de cette révolution, se prive d’y apporter son humanisme, ses valeurs et sa réflexion.
Faut-il laisser la Californie, la Chine et la Corée du Sud, leaders dans ce secteur, décider sans nous de ce que seront l’humanité et l’homme de demain ?
La société 23andMe a déposé un brevet permettant aux parents de créer leur enfant sur mesure.
Si la méthode permettrait de lui éviter certaines maladies, elle permettrait aussi de déterminer certaines de ses caractéristiques physiques ou de sa personnalité.
Un eugénisme qui ne porte pas son nom.
Shimon Peres :
« On s’achemine vers une ère extraordinaire ».
Dans son livre « Un temps pour la guerre, un temps pour la paix » publié en 2003, Shimon Peres consacrait un chapitre intitulé « La Science est l’avenir de l’homme » aux nouvelles technologies que l’Etat hébreu développait avec brio.
Je me souviens avoir eu un certain malaise en lisant ces lignes.
Non pas que je sois contre le progrès, et encore moins contre le bénéfice que pouvait retirer Israël de la richesse de ses cerveaux, principale ressource d’un pays dénué de ressources naturelles, et résolument tourné vers l’avenir et la technologie.
Ce qui m’a dérangée, il y a un peu plus de dix ans, à lecture de ce chapitre du livre de Shimon Peres, c’est de ne pas y voir abordé l’usage néfaste que l’on pourrait faire de ces nouvelles technologies.
Il écrit : « Je crois en la science qui ne connaît ni Etat ni frontières, je crois en la créativité, je crois au progrès ».
« Et voici que nous vivons l’aventure extraordinaire de la nano science et de la nanotechnologie ».
Les sciences et les techniques ont fait d’Israël un leader dans de nombreux domaines, et nous ne pouvons que nous en réjouir.
Souhaitons toutefois que, comme la France, Israël puisse exprimer ses valeurs universalistes et humanistes, pour contrebalancer ce qui pourrait devenir un monopole eugéniste inquiétant.
Pascale Davidovicz
Sources : www.lemonde.fr, www.lejdd.fr, www.liberation.fr
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