Les deux mains de l’Iran s’agitent, par Maxime Perez

Tour à tour cette semaine, le Jihad islamique à Gaza puis le Hezbollah libanais ont tenté d’embraser les frontières nord et sud d’Israël. Simple règlement de compte ou réelle volonté d’escalade ?
Au jeu du chat et de la souris, les factions palestiniennes de Gaza sont souvent mauvaises perdantes. Mardi matin, une cellule du Jihad islamique repère un groupe de soldats israéliens qui s’attarde le long de la frontière avec l’enclave palestinienne, dans le secteur de Kerem Shalom où fut capturé Gilad Shalit. Une partie de l’unité franchit même la clôture de sécurité. En vertu de l’accord de cessez-le-feu conclu en novembre 2012, après l’opération « Pilier de défense », Tsahal est autorisé à pénétrer dans une zone tampon de cent mètres à l’intérieur du territoire de Gaza pour y désamorcer des charges explosives ou repérer d’éventuels tunnels pouvant servir à des infiltrations terroristes.
sipa-jpg
Visés par une salve d’obus de mortier, les militaires israéliens se replient dans la précipitation et demandent un soutien aérien. Un hélicoptère s’approche de la zone et identifie les artilleurs du Jihad islamique au moment où ceux-ci prennent la fuite. Quelques instants plus tard, les brigades al-Qods, branche armée du mouvement palestinien, reconnait la mort de trois combattants et menacent l’Etat hébreu d’une riposte. Le lendemain, vers 17 heures, la sirène retentit sans interruption dans les localités israéliennes de Gaza. En l’espace d’une heure, plus d’une cinquantaine de roquettes s’abattent sur les localités israéliennes frontalières. Une attaque massive à laquelle Tsahal répondra le soir même par une vague de trente raids aériens contre des infrastructures du Jihad islamique et du Hamas, qu’Israël tient pour responsable de toute escalade.
Cette dernière se poursuivra mercredi avec une nouvelle salve de tirs contre les villes d’Ashkélon et d’Ashdod, situées à plus de vingt kilomètres au nord de la bande de Gaza. Une sorte de baroud d’honneur pour les brigades al-Qods qui, au bout de quelques heures, annoncent contre toute attente une trêve avec Israël, précisant qu’une médiation égyptienne avait rendu possible l’accord. Seulement, l’information n’est pas confirmée par le Caire et, surtout, rejetée par l’Etat hébreu dont le message à l’adresse des factions palestiniennes est sans équivoque : « le silence répondra au silence ».

Le Jihad en première ligne

Que pousse donc le Jihad islamique à souffler le chaud et le froid avec Israël, à générer, en quelque sorte, une tension artificielle ? Depuis l’offensive « Plomb durci » (décembre 2008) très coûteuse au pouvoir du Hamas, le Jihad islamique a repris le flambeau de la lutte armée contre l’«ennemi sioniste». Privilégiant le maintien de son autorité à Gaza, le mouvement islamiste palestinien d’Ismaïl Haniyeh ne peut plus risquer une confrontation totale avec l’Etat hébreu. Cette posture, devenue un intérêt suprême depuis le renversement de Mohamed Morsi et la traque sans merci des Frères musulmans égyptiens, a laissé la voie libre au Jihad islamique.
Refusant le jeu politique et impliqué bien avant le Hamas dans l’islamisation de la bande de Gaza, cette organisation n’a eu de cesse de se renforcer militairement ces dernières années. Bien que ses effectifs soient moins pléthoriques que ceux de son rival islamiste, le Jihad islamique dispose de dizaines de roquettes de longue portée capables d’atteindre Tel Aviv. Son principal bailleur de fonds se nomme Téhéran, désormais brouillé avec le Hamas auquel il reproche d’avoir « abandonné la résistance ». Preuve de sa montée en puissance, la cargaison du KLOS-C, arraisonné en mer Rouge par la marine israélienne, lui était directement destinée. Le navire transportait notamment dans ses cales une quarantaine de missiles syriens M-302, d’une portée de 160 km.
Jeudi, les responsables du Jihad islamique ont martelé que leurs actions étaient coordonnées avec le Hamas. Par volonté évidente de l’embarrasser. Dans les faits, le mouvement salafiste est bien plus ambitieux qu’il ne veut l’admettre et défie ouvertement le pouvoir du Hamas, loin d’être dupe mais réduit à jouer le mauvais rôle. Après la récente escalade frontalière, ses forces de sécurité ont appréhendé cinq commandants des brigades al-Qods. Des affrontements ont éclaté entre partisans des deux groupes, si bien qu’il est difficile de croire à une mascarade.

Le Hezbollah manque sa revanche

Vendredi soir, le front nord s’est subitement réchauffé. Pour la première fois depuis la seconde guerre du Liban en 2006, une puissante charge explosive a été activée au passage d’une patrouille israélienne. L’incident s’est déroulé tout près d’un poste militaire, dans le secteur sensible des fermes de Chebaa, un territoire revendiqué par le Liban et que le Hezbollah continue d’utiliser comme prétexte pour justifier sa présence au sud du pays. En réponse à cette attaque qui, si elle avait été accompagnée de tirs nourris, présentait les caractères d’une tentative de kidnapping, des tanks et l’artillerie de Tsahal ont pilonné le secteur de Kfar Chouba et Halta, deux localités chiites, détruisant au moins une position du Hezbollah.
En prenant en compte le raid mené contre l’une de ses principales bases de ravitaillement dans la vallée de la Bekaa, le 24 février, c’est la seconde fois que l’armée israélienne reconnait viser des cibles du mouvement chiite pro-iranien. Précisément, Tsahal considère que l’incident frontalier de vendredi soir s’apparente à une riposte « manquée » du Hezbollah à la destruction d’un convoi de missiles en provenance de Syrie. Reste qu’en frappant deux fois l’organisation de Hassan Nasrallah en l’espace d’un mois, Israël envoie le signal qu’il ne craint plus de réaction démesurée du Hezbollah, dont la priorité actuelle est la bataille de Yabroud, l’un des principaux bastions rebelles dans la banlieue de Damas.
Aucun scénario ne doit cependant être écarté. Cette semaine, le nouveau gouvernement libanais où siège finalement le Hezbollah s’est entendu sur une déclaration de principes qui autorise « tout citoyen libanais à résister à l’occupation et aux attaques israéliennes ». Même si elle est motivée par des enjeux de politique intérieure, cette clause n’en reste pas moins lourde de signification. En substances, Beyrouth vient de redonner au puissant mouvement chiite une totale liberté d’action à l’égard d’Israël. Quitte à plonger le Liban dans le chaos et la désolation…
MAXIME PEREZ
maxperes signa

Suivez-nous et partagez

RSS
Twitter
Visit Us
Follow Me

Soyez le premier à commenter

Poster un Commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée.


*