Mais pourquoi les Juifs se tiennent-ils toujours les coudes ? Par Benoit Rayski

Des Juifs, il y en a des bien. Et des pas bien.

Des crétins. Et des intelligents. Des riches (on ne parle que de ceux-là). Des pauvres (on n’en parle jamais). Des gros. Et des minces. Des escrocs. Des qui sont honnêtes. Des qui sont de gauche. Des qui sont de droite. Des prix Nobel (il y en a pas mal). Des analphabètes (il n’y en a pas trop). Des mafieux. Des écrivains. Des cinéastes. Et des marchands de fringues. Mais ils ont tous quelque chose en commun : ils sont juifs ! Et depuis la nuit des temps on le leur rappelle.

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Avec cette phrases répétée ad nauseam : ils se tiennent toujours les coudes ! Ça se dit dans les bistrots. Et les derniers bistrots où l’on cause, c’est le Net. La plupart des commentaires, fort nombreux, publiés sous l’article « Pourquoi Bernard-Henri Lévy suscite-t-il tant de haine ? » n’ont pas échappé à cette règle. Du moins, ceux qui n’ont pas été supprimés, la loi française interdisant toute incitation à la haine raciale. Et le « ils se tiennent toujours les coudes » y est remarquablement représenté.
Ils se tiennent toujours les coudes ? Mais bien sûr que c’est vrai ! Et pourquoi donc ? Parce que depuis toujours on les tue (plus ou moins selon les périodes) non pas pour ce qu’ils font ou ce qu’ils auraient fait, mais pour ce qu’ils sont. Depuis toujours, des millions d’hommes, qui ne sont pas juifs, payent eux aussi leur tribut à la mort. Des Français ont été assassinés par les nazis, mais pas parce qu’ils étaient français. Des Arabes meurent par dizaines de milliers en Syrie, en Irak, en Égypte, mais pas parce qu’ils sont arabes. Des Palestiniens perdent la vie dans un conflit avec Israël, mais pas parce qu’ils sont palestiniens. Des Noirs se font massacrer en Afrique, mais pas parce qu’ils sont noirs.
Seuls, à un moment de leur histoire, les Arméniens et les Tutsis ont partagé avec les Juifs l’atroce privilège d’être assassinés pour ce qu’ils étaient. Concernant les Juifs ça dure depuis bientôt deux mille ans… Et cette mémoire se transmet (et pas seulement celle d’Auschwitz), sans cesse rafraîchie par une actualité couleur sang.
Quand, pendant les croisades, des chevaliers européens égorgeaient sur leur chemin les hommes, les femmes et les enfants juifs de la vallée du Rhin, les Juifs du sud de la France, relativement à l’abri, se sentaient un peu plus juifs en découvrant les récits de ces abominations.
Quand les Israélites français, bourgeois et de bonne famille, furent informés des détails de pogroms en Ukraine, Pologne, Russie et Roumanie, ils réalisèrent qu’eux aussi étaient juifs. Quand les Juifs américains eurent une vision précise des horreurs nazies, ils eurent tous une âme de Juif polonais, ukrainien ou russe. Quand, bien plus près de nous, le journaliste américain Daniel Pearl fut égorgé devant une caméra en répétant sous la contrainte : « Je suis juif », tous les Juifs du monde moururent avec lui. Et quand Mohammed Merah logea ses balles dans la tête de trois gamins juifs, tous les Juifs de la planète furent ces enfants-là. Alors oui, ils ont tendance à se tenir les coudes.
Dans un texte paru dans Combat le 10 mai 1947, Albert Camus ne dit pas autre chose : On est toujours sûr de tomber, au hasard des journées, sur un Français, souvent intelligent par ailleurs, et qui vous dit que les Juifs exagèrent vraiment. Naturellement, ce Français a un ami juif qui, lui, du moins… Quant aux millions de Juifs qui ont été torturés et brûlés, l’interlocuteur n’approuve pas ces façons, loin de là. Simplement, il trouve que les Juifs exagèrent et qu’ils ont tort de se soutenir les uns les autres, même si cette solidarité leur a été enseignée par le camp de concentration.

C’était il y a plus de 60 ans.

Pas une ligne à changer.

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A lire du même auteur : Le gauchisme, maladie sénile du communisme, Benoît Rayski, (Atlantico éditions), 2013. Vous pou
 http://www.atlantico.fr/decryptage/mais-pourquoi-juifs-se-tiennent-toujours-coudes-benoit-rayski-994931.html

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