New York Times : Pourquoi Kerry fait-il peur?

Kerry diable ou sauveur ?

Il est  à présent clair que le secrétaire d’Etat  américain John Kerry est en passe de devenir, aux yeux des Israéliens, soit le sauveur national pour la paix soit  le diable en personne.
Il n’y aura  pas de juste  milieu …. Ce sera ou tout blanc ou tout noir. Nous assistons  là à un moment rare  de politique étrangère, une sorte de     «va-tout » diplomatique.   Prenez donc un siège  et asseyez-vous. Ce n’est pas  tous les jours que l’on voit cela.

John Kerry
John Kerry

En fait, que Kerry ose-t-il  vraiment  tester et vérifier ?  Un point  que chacun  tente habilement   d’esquiver et qui est   de savoir quel est le statut des négociations de paix entre Palestiniens et Israéliens et  où elles en sont à ce jour ?  Sont- elles   près du but,  a-t-on déjà raté le coche  ou est-ce  un fiasco total ?
Les questions qu’on est amené à se poser sont les suivantes :
1)    Israël est-il devenu  si  puissant   par rapport à ses voisins,  que la symétrie dans les négociations semble s’avérer   impossible, d’autant que les    Palestiniens ne sont plus désireux, ni même  capables, d’engager    une nouvelle intifada qui forcerait Israël à se retirer ?
2)    La région (du Moyen-Orient)   est-elle devenue si instable   que tout retrait d’Israël de quelque territoire que ce soit   paraisse  désormais  inenvisageable?
3)    Le nombre des Juifs israéliens vivant à Jérusalem et en Cisjordanie est-il devenu si important  – près de 540.000 à ce jour – qu’il impossible de les en  déloger ?
4)    Le droit du retour dans le  discours des Palestiniens  est–il  devenu  profondément indissociable  de leur  politique ?
Lorsque  qu’on additionne toutes ces questions et problèmes,   il semble effectivement utopique d’espérer que quelque  dirigeant que ce soit,  Israélien ou Palestinien,  ne trouve  la force et l’audace  de faire ces incommensurables concessions, pourtant  indispensables  à  l’établissement d’une solution  à deux  Etats.
Le Président Obama est en train de laisser faire Kerry afin qu’il teste  tous ces points.  Et Kerry s’adonne  à cette tâche avec une ardeur sans limite,   proche  de la frénésie.  On ne compte plus le nombre incalculable  de visites qu’il a déjà effectuées  dans la région …
Après avoir laissé les deux parties  s’affronter vainement, six mois durant,  Kerry  est maintenant déterminé à leur  présenter un plan de paix dans lequel seront clairement  exposées  les concessions fondamentales exigées par  Washington  de chacune des  parties,   afin  de  parvenir à un accord  de paix durable  et équitable.

Plan de paix de Kerry

« Le plan  Kerry »  qui sera  très bientôt dévoilé, devrait en  appeler  à la fin du conflit,  à la fin de toutes doléances ou revendications,  et ce, consécutivement  au  retrait israélien  progressif  de  Cisjordanie (sur la base des lignes  de 1967), lequel  serait  accompagné de   la mise en place d’arrangements sécuritaires sans précédent dans vallée du Jourdain, considérée comme  une région   stratégique.    Le retrait israélien n’inclurait pas certains  blocs de colonies, mais en compensation, l’Etat hébreu  concéderait  aux Palestiniens des territoires  israéliens.  En outre le « plan Kerry » exigerait  des Palestiniens  de reconnaitre Israël comme l’Etat-nation du peuple   juif  et en contrepartie,  Jérusalem-Est  serait reconnue comme leur capitale. Par ailleurs,  le plan n’accorderait  aucun  droit de retour aux réfugiés palestiniens  en Israël. 
Kerry attend et espère que les deux dirigeants israélien et palestinien décrètent  que ce plan de paix puisse, a minima, leur servir de base à  toutes futures négociations et ce, en dépit de réserves respectives  qu’ils auraient  sur  des points de ce plan.

Revirement de Netanyahu?

Et, c’est là que les choses deviendront  intéressantes. Les responsables israéliens et américains en contact étroit avec Netanyahu le décrivent comme un homme déchiré se trouvant confronté à un dilemme  crucial:  d’une part,  il est   parfaitement  conscient   de l’importance  capitale  d’une solution en faveur de deux Etats,  et ce, pour  préserver l’intégrité  d’Israël en tant qu’ Etat  juif démocratique  entretenant  de cordiales  et solides relations avec l’Europe et l’occident, relations   vitales  pour   son économie. D’autre part le Premier ministre  reste complètement méfiant et circonspect  quant aux intentions palestiniennes, déclarant la semaine dernière « qu’il ne voulait pas d’un Etat binational », ajoutant « qu’il ne voulait pas non plus d’un Etat qui commencerait à attaquer Israël ».  Sa base politique cependant, celle dont il est pétri,  l’empêche  d’opérer un revirement de 180°.
Par conséquent, bien que Netanyahu ait commencé ici (en Israël) à préparer le terrain  au futur plan de paix américain, s’il agit conformément à la base de ce plan, même avec des réserves, sa coalition risque de voler en éclats.  Il perdra alors une majeure partie de son propre parti le Likoud ainsi que  tous les alliés que compte son  aile droite. En d’autres termes,  pour aller de l’avant, Netanyahu devra mettre sur pied une nouvelle base politique  composée de partis du centre.   A cet effet,  Netanyahu devra faire peau neuve, se donner  une nouvelle   stature de  leader,  et surmonter son intrinsèque  dichotomie pour tout ce qui est   d’un  accord avec les Palestiniens.  Et il devra devenir le meilleur, le plus fervent  et convaincant démarcheur  pour  faire l’article  et vendre la  solution de deux Etats, à défaut de quoi  cette dernière  risque de se retrouver   reléguée aux oubliettes.
Rien en politique ne comporte autant de  risques qu’un revirement  et pourtant rien n’est plus gratifiant  qu’un revirement  réussi, a déclaré Gidi Grinstein, président de l’institut REUT  (prestigieux institut israélien de stratégie).
Il   faudra donc  à Netanyahu, opérer  un revirement  radical,  le forçant à se dégager lentement mais sûrement   de ses anciennes positions et se départir de  ses plus fervents partisans  qui  deviendront alors ses plus ardents détracteurs.  Il devra alors mettre sur pied une nouvelle coalition composée de ses anciens opposants qui devront  le soutenir vaille que vaille. Alors dans une chorégraphie,  de deux pas en avant un pas en arrière, les meneurs de ce revirement devront déplacer le centre de gravité de leur ancienne base   pour l’orienter vers leur nouvelle plate-forme.
Thomas Friedman –  Editorialiste au New-York Times
Traduction de l’anglais : Betty HAREL
http://nosnondits.wordpress.com/
 

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