Un village lorrain réhabilite Raphaël Lévy brûlé vif en 1670.
La commune de Glatigny (Moselle) a réhabilité dimanche un juif innocent, 344 ans après sa condamnation à mort en 1670 à Metz pour le meurtre d’un garçonnet du village, a-t-on appris auprès du maire.
Raphaël Levy, un marchand de bestiaux juif de 56 ans originaire de Boulay, avait été désigné coupable d’avoir enlevé et tué le petit Didier Lemoine, un enfant du village âgé de 3 ans.
Des membres du Consistoire israélite de Moselle, le président du Consistoire central de Paris Joël Mergui, le maire Victor Stallone (sans étiquette) et le préfet de Moselle ont dévoilé une plaque rendant hommage au « martyr juif de Boulay » accusé d’un « crime rituel qu’il n’avait pas commis ».
Une cérémonie solennelle a rassemblé plus d’une centaine de personnes, selon les participants. Des descendants de Raphaël Levy étaient également présents.
« Gessaert » : Maudit
« Aujourd’hui nous repartons à zéro, nous sommes réconciliés, nous reprenons des relations normales avec la communauté juive », a réagi avec satisfaction le maire. « Glatigny était maudite depuis cette époque en raison d’un arrêté moral pris par la communauté israélite », a-t-il expliqué.
Henry Schumann, en charge du patrimoine au sein du Consistoire de Moselle, a qualifié cet hommage de « grand moment de réconciliation républicaine ». Le village avait depuis 1670 été déclaré « gessaert » (maudit) interdisant à tout juif d’y passer la nuit, une interdiction qui était encore respectée de nos jours. « Depuis cette époque il n’y a jamais eu aucun juif à Glatigny », a expliqué M. Schumann.
La réhabilitation de Raphaël Levy permet désormais aux juifs de se rendre à nouveau dans le village. »La réconciliation n’a pas été facile. Aujourd’hui nous avons levé symboliquement cet interdit. Nous avons tourné une page », a réagi M. Schumann soulignant avoir entamé les premières recherches historiques sur cet homme il y a quatre ans.
Le nom de Raphaël Levy avait été quasiment oublié de la mémoire du village, a souligné le maire. « En fin de compte ce qui nous a séparés nous a réconciliés », a commenté l’élu.
Raphaël Levy s’était rendu à Metz le 25 septembre 1669 à la veille des grandes fêtes juives du Nouvel An pour faire des achats, selon M. Schumann. Il s’était arrêté en chemin pour faire ferrer son cheval. Une mère était allée laver son linge avec son petit garçon à une fontaine près de Glatigny. « Cette femme se retourne et l’enfant a disparu », a expliqué M. Schumann. Le garçonnet avait été retrouvé mort un mois plus tard dans un buisson.
Témoignages de débiteurs
Au terme d’un procès émaillé de faux témoignages, Raphaël Levy avait été condamné à mort et brûlé vif le 17 janvier 1670 à Metz. « Les sources ont révélés que ce sont en général les témoignages de femmes dont les maris étaient débiteurs de ce marchand qui l’avaient fait condamner à mort », a relevé M. Schumann.
Le roi Louis XIV en personne s’était intéressé à cette affaire, avait relu le procès, et le jugeant innocent, l’avait réhabilité quelques années après, a affirmé M. Schumann.
La plaque inaugurée dimanche a été apposée au centre du village, sur une place où se trouve une fontaine-lavoir située sur l’ancienne route de Metz empruntée par Raphaël Levy.
AFP
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