Spectacle de Dieudonné:
rires non-stop, obsession des juifs ,
un reportage de Stéphane JOURDAIN
Devant le théâtre de la Main d’or, à Paris, la file d’attente est bigarrée. Casquettes, bonnets, belles vestes, femmes voilées. Deux amis se croisent. « Je ne te demande pas ce que tu fais là », dit le premier. Sourire du second. « Je suis avec des potes d’Alger, des purs et durs. » Blancs, Noirs ou Maghrébins, ils sont venus soutenir Dieudonné, que Manuel Valls veut interdire de spectacle.
Une voiture de police patrouille dans le passage de la Main d’or, où le théâtre éponyme vient de faire l’objet d’une alerte à la bombe. Dans la queue, un homme adresse une « quenelle » aux policiers, ce geste prétendument « anti-système » mais considéré comme antisémite. Son copain sourit: « Bientôt, on ne pourra plus rire que des Chinois. »
Dans le théâtre où le ticket est à 38 euros, un mur de « quenelles » accueille le spectateur. Des photos du geste sont « glissées » par des anonymes, devant une pancarte « Shoah » ou à côté de François Hollande.
Dans la petite salle s’entassent 250 personnes venues jeudi soir assister à l’une des premières représentations de Dieudonné depuis que le ministre de l’Intérieur menace d’interdire ses spectacles.
Les rires partent en rafales dès la première vanne. « Arrêtez, c’est moi qui risque de finir en taule », alerte « Dieudo », acclamé. « Au milieu d’escrocs et de voyous, j’aurai l’impression d’être au gouvernement.
» Suit une tirade sur François Hollande « votre président ». « Moi, je me suis arrêté à Pétain », dit-il. « Je l’aime bien, la casquette, la moustache, il avait un style. » « Je l’aime bien, il avait du nez. » Il est même « moins raciste » .
» ENTRE JUIFS ET NAZIS,
JE SUIS NEUTRE «
Une minute que le spectacle a commencé. La salle est hilare. « Arrêtez avec l’antisémitisme… Vous me faites de la pub », se marre Dieudonné.
« Je ne dis pas que je ne le serai jamais. Je me laisse un temps de réflexion. » Rires et applaudissements. « Je n’ai pas à choisir entre juifs et nazis, je suis neutre dans cette affaire », dit-il faussement agacé. « Je n’étais pas né, qu’est-ce qu’il s’est passé? Qui a volé qui? J’ai ma petite idée… » Des rires francs montent. Dieudonné en profite: « Mais qui continue à aller voir ce crétin sur
scène? » demande-t-il à propos de lui-même. « Tout le monde », crie un homme dans la salle.
En costume trois pièces noir, Dieudonné campe ensuite, tour à tour, personnages réels et de fiction: le prix Nobel de la Paix Elie Wiesel, un néo-nazi belge, un Antillais suprématiste noir…
Sur les 75 minutes que dure le spectacle, il ne s’en passe pas cinq sans une charge contre « les juifs », « la juiverie », « kippa city », « le maître esclavagiste banquier ». A un moment, Dieudonné imite un tirailleur sénégalais qui s’est battu en première ligne pour la France. Dans le public, des gens pleurent de rire. Tout d’un coup, le tirailleur que campe Dieudonné s’adresse à Hitler. Il lui demande « pardon ».
SHOAH -NANAS
Condamné au moins six fois pour antisémitisme, « Dieudo » se moque d’Arthur, Gad Elmaleh, Patrick Timsit, Elie Semoun, Patrick Bruel. Il réédite sa sortie sur les chambres à gaz et le journaliste Patrick Cohen qui lui a valu l’ouverture d’une enquête pour « incitation à la haine raciale ».
Très à l’aise sur scène, l’humoriste passe de la fiction à des réflexions personnelles sur l’actualité. Son show prend à la fois des allures de meeting et de spectacle comique, dans une ambiguïté soigneusement entretenue.
Il raconte une entrevue imaginaire entre Alain Jakubowicz, le président de la Licra, et Manuel Valls. « Je l’ai convoqué dans mon bureau », fait-il dire au président de la Licra sur fond d’éclats de rires et d’applaudissements. « Il rampait sur le sol, je lui ai dit, +mets-toi à genoux.+ »
Puis il arrête la fiction pour expliquer le titre de son spectacle: « le mur », comme le mur en parpaings qui coupe la scène en deux. Il y a d’un côté « le bien, le Mur des lamentations, les banques, les médias, le show business, Hollywood, toute la merde », plaide-t-il sérieux. De l’autre « le mal, la résistance et la révolte, les ronces, les orties, les cailloux ».
Le spectacle se termine par le moment tant attendu par ses fans: la reprise de la chanson d’Annie Cordy « Cho Ka Ka O ». Cette fois, les paroles sont remplacées par « Shoah-nanas ». « Dieudo » danse. Ses fans exultent. « Il est toqué du cerveau », dit un jeune spectateur, en sortant. Dans un grand sourire.
Stéphane Jourdain pour AFP
httpv://youtu.be/PDe-YZiOZCg
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