En l’espace d’une semaine, deux incidents ont manqué de provoquer une sérieuse escalade entre Israël et le Liban.
La preuve qu’avec ou sans le Hezbollah, la frontière nord reste extrêmement volatile. En apparence c’est une banale querelle de voisinage.
Mais à la frontière israélo-libanaise, même un arbre déraciné par la tempête peut être source de tensions. Vendredi matin, les troupes libanaises ont brusquement élevé leur état d’alerte dans le secteur de Adaissé, face au kibboutz Misgav Am qui le surplombe. Sous prétexte que l’arbre serait tombé sur la Ligne bleue séparant les deux pays, des soldats israéliens auraient tenté de s’introduire en territoire libanais pour le sectionner. De l’autre côté, les militaires libanais reçoivent l’ordre de se tenir prêts à ouvrir le feu quand une unité de la FINUL, dépêchée en urgence, parvient à désamorcer la situation… et à extraire des lieux l’arbre de la discorde.
En août 2010, dans le même secteur, ce scénario presque insolite avait dégénéré en affrontements meurtriers entre les deux armées. Alors qu’il supervisait les travaux d’un camion-grue occupé à tronçonner un arbre obstruant le champ d’une caméra de surveillance, un lieutenant-colonel israélien était abattu par des snipers libanais retranchés dans un immeuble jouxtant la frontière. Une « embuscade » selon Tsahal qui, à l’époque, avait riposté en pilonnant la bâtisse, ainsi qu’une caserne de l’armée libanaise d’où provenaient les tireurs embusqués. Ces derniers étaient membres de la 9ème brigade d’infanterie, une unité dont la particularité est d’être exclusivement composée de chiites. Quelques jours plus tard, dans son rapport d’enquête sur l’incident, l’Etat hébreu n’excluait pas que certains puissent agir pour le compte du Hezbollah.
Cette thèse a de nouveau pris du sens, ce 15 décembre, après qu’un officiel de Tsahal – Shlomo Cohen – soit abattu par un soldat libanais alors qu’il se rendait vers l’avant-poste militaire de Rosh Hanikra, non loin du seul point de passage israélo-libanais. Un « acte isolé » et « mineur » martèle l’état-major libanais, il est vrai, débordé par les attaques-suicide de la veille contre des barrages militaires à Saïda – le fait de groupes salafistes – et l’embrasement inquiétant de la frontière syro-libanaise, théâtre des règlements de compte presque quotidiens entre le Hezbollah, qui utilise la plaine de la Bekaa comme base-arrière pour ses combattants en Syrie, et les djihadistes du Front al Nosra – auteurs cette semaine d’une attaque à la voiture piégée à Sbouba et de tirs de roquettes contre les villages chiites frontaliers. Reste que pour l’armée israélienne, les débordements répétés du conflit syrien ne dédouanent aucunement l’armée libanaise. Comme en 2010, Tsahal soupçonne ces troupes, au sud du pays, d’être de connivence avec le Hezbollah. Faut-il en déduire que certains éléments des forces de sécurité libanaises sont hors de contrôle ?
Menace(s) chiite(s)
Au sortir de la guerre de 2006, l’armée libanaise, fière de son identité multiconfessionnelle, effectuait un retour triomphal dans le sud du pays, fief du Hezbollah. Conformément à la résolution 1701 de l’ONU, 15.000 soldats devaient y être déployés pour empêcher un nouveau conflit avec Israël et, surtout, veiller au non-réarmement de l’organisation du Cheick Hassan Nasrallah, conjointement avec la FINUL. Or, du fait des nombreuses tensions politiques et sécuritaires à Beyrouth, l’armée libanaise ne remplira que très partiellement ses obligations. Aujourd’hui, son contingent stationné entre le fleuve Litani et la frontière israélienne n’excèderait pas 6 à 7.000 hommes.
Autre facteur aggravant : pour asseoir sa légitimité dans une région largement peuplée de musulmans chiites, souvent hostiles à toute autorité outrepassant celle du Hezbollah, Beyrouth a fait le choix d’envoyer des troupes issues de cette imposante minorité – elle représente un quart de la population libanaise. Une orientation qui rappelle celle prise au début des années 1990, quand près de 2.800 miliciens chiites du groupe Amal avaient été intégrés à la 6ème brigade mécanisée de l’armée libanaise. Dans un pays du Cèdre qui semble de nouveau en prise avec les vieux démons de la guerre civile, la volonté de pacification est réelle mais se fait, dans ce cas précis, au détriment d’Israël. Dimanche dernier, l’Etat hébreu a décidé de ne pas riposter à la mort d’un de ses soldats. Mais le pourra-t-il éternellement faire preuve de retenue face à une armée libanaise bien plus fragmentée qu’elle ne veut bien l’admettre?
Maxime Perez
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