Nous avons choisi de publier de larges extraits d’un éditorial du journal Le Monde d’abord parce que nous pensons qu’il intéressera nos lecteurs qui n’auraient pas lu le quotidien daté du 12 décembre .
Ensuite parce que c’est du vrai bon sens : le pays a besoin de se réformer, de se moderniser et ceux qui sont en charge des problèmes du pays font de bonnes analyses et proposent les bonnes solutions. Mais rien n’y fait : les profs des classes préparatoires aux Grandes Écoles ( 6.000 euros par mois pour moins de dix heures de cours), les chauffeurs de taxi, les cheminots de la SNCF ont le dernier mot et le gouvernement remballe ses projets. Peut être arrivera-t-il à mettre au pas les opticiens qui ne sont pas si redoutables?
Dans l’Ancien Régime, les charges se vendaient et se transmettaient , les bouchers ne pouvaient être volaillers ni tripiers. Chacun à sa place , c’était cela l’ordre ancien et l’éditorialiste du Monde a raison d’utiliser le mot : féodal.
Le marché est mondialisé mais derrière des lignes de défense que l’on n’arrive pas à bousculer , des catégories d’agents économiques maintiennent leurs positions et empêchent toute réforme qui toucherait à leurs privilèges.
Édito du Monde.
La France est-elle irréformable ? Paralysée par ses corporations et ses castes, ses privilèges et ses chasses gardées, ses statuts et règlements ? Décidément plus féodale que républicaine ? Sans autre point commun que la crispation sur les droits acquis, quelques épisodes récents semblent le démontrer.
Prenons l’exemple des opticiens. En septembre, un rapport au vitriol de la Cour des comptes dénonçait ce marché peu concurrentiel et opaque : les lunettes sont, en France, deux fois plus chères que dans les autres grands pays européens.
L’examen du projet de loi sur la consommation donne aux parlementaires l’occasion de réagir : ils viennent d’adopter, au Sénat, des dispositions ouvrant davantage ce secteur à la concurrence, notamment sur Internet. Immédiatement, la corporation des opticiens pousse des cris d’orfraie, dénonce un « procès d’intention révoltant », invoque la sécurité sanitaire .
Pour les taxis, la démonstration a été éloquente. En octobre, le gouvernement s’apprête à libéraliser – un peu – cette profession réglementée et notoirement malthusienne : il s’agit de favoriser l’activité des opérateurs de véhicules de tourisme avec chauffeur et d’assouplir les règles d’abonnement à ce type de service. Il ne faudra pas plus de deux jours à la corporation des taxis pour faire capoter ce projet : une menace de blocage de la capitale a suffi pour faire reculer le gouvernement.
C’est, aujourd’hui, ce qui menace le ministre de l’éducation nationale. Dans le cadre du chantier de la réforme du statut des enseignants, il voulait retoucher les obligations des professeurs de classes préparatoires aux grandes écoles. Mal lui en a pris, si l’on en juge par la fronde virulente qu’il a déclenchée. Voilà la France des « prépas » en révolte, l’Elysée fort embarrassé, et tout le dossier qui vient d’être gelé.
Quant aux cheminots, ils ont fait grève, le 12 décembre, pour protester contre la réforme de la SNCF. Peu importe que ce projet vise à stabiliser la dette du système ferroviaire (40 milliards d’euros, une paille !) et à préparer l’ouverture à la concurrence européenne du transport de voyageurs. La crainte majeure, en dépit des engagements de l’entreprise, est de voir remis en cause un statut très protecteur.
Autant de symptômes d’une France parcourue par mille petites lignes Maginot derrière lesquelles chacun espère se retrancher et se protéger. D’une France d’autant plus frileuse qu’elle sent le gouvernement affaibli et à la merci de la moindre fronde.
http://www.lemonde.fr/idees/article/2013/12/12/ces-mille-lignes-maginot-qui-bloquent-la-france_4333209_3232.html
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