Quelque chose m’échappe dans votre analyse. A ma connaissance aucun magazine n’est allé aussi loin que les Inrocks dans les propos tenus sur, ou plutôt contre Dieudonné, et si vous ne l’avez pas lu, je vous suggère de lire cet excellent billet dur : http://blogs.lesinrocks.com/billetdur/2012/07/02/cher-dieudonne/ .
De plus, dans le dossier auquel vous faites référence, le titre laisse peu de place au doute ou à l’ambigüité : « Devenue un geste viral, la quenelle se propage sur les plateaux de télévision, les photos de classe ou de vacances. Pourtant, derrière la pose potache relayée sur les réseaux sociaux, l’humoriste véhicule une idéologie antisémite. »
On ne nous « assure » pas qu’il s’agit d’une coquille vide, on nous expose les avis de diverses personnalités sur ce geste, et si l’un, Stephen Bunard, estime que oui, petit à petit ce geste se vide de sa signification initiale, comme beaucoup de gestes et de mots que le grand public s’approprie, on nous cite aussi deux avis totalement contraires. Ainsi on peut lire que pour Rudy Reichstadt, fondateur du site Conspiracy Watch « La quenelle n’est pas un geste anodin », et on peut également lire la position d’Alain Jakubowicz (LICRA) sur le sujet.
Les auteurs de ce dossier enchaînent sur l’historique de la dérive antisémite de Dieudonné, et leur analyse n’est complaisante ni pour lui ni pour une extrême droite qui louvoie entre bienséance de façade et antisémitisme traditionnel.
Alors de grâce, évitons d’incriminer inutilement un média qui nous régale d’articles sur les musiciens israéliens, les auteurs israéliens, les films israéliens, que tant d’autres « amis des juifs » ignorent et dédaignent. Et si les Inrocks publient aussi des articles qui ne me plaisent pas forcément, j’y vois simplement la marque de leur diversité.
Sur un autre point, je ne suis pas d’accord non plus. Les manifestations de soutien à Mme Taubira se focalisaient sur un sujet : mettre fin à la vague d’attaques racistes dont elle a été la victime, et qui, sans réaction rapide (mais a-t-elle été assez rapide cette réaction?) ouvrirait une brèche où tous les racismes rêvent de s’engouffrer.
L’antisémitisme n’est pas le pire des racismes : c’est une des faces du racisme. Tous les racismes tuent ou ont tué, et je ne vois pas de gradation possible dans cette abjection. La Shoah est la pire expression de l’antisémitisme et du racisme, mais un antisémite n’est pas une pire ordure qu’un raciste anti noirs ou anti arabes. Les trois rejettent l’autre, et le même parfois vomira « les juifs qui ont de l’argent, les arabes qui ne travaillent pas et les noirs qui dealent ».
Bien sur, une partie de la population bien aidée par certains média trouve dans un soit-disant « antisionisme » une justification à ce qui n’est souvent qu’un antisémitisme de base. Et nous devons le combattre. Mais ce n’est pas en affirmant que nous valons mieux que les autres, et c’est bien à cela que revient de proclamer que l’antisémitisme est le pire des racismes, que nous obtiendrons des résultats. Ni en incriminant les média qui ne nous sont pas hostiles.
Line Tubiana
Réponse de Jean-Paul Fhima
L’ambivalence des termes et de la forme employés dans le dossier des Inrocks parle d’elle-même : les photos et vidéos multiples qui accompagnent le texte montrent un Dieudonné en »situation » et il y a là-dedans à mes yeux une complaisance insupportable. On ne peut pas distinguer la quenelle de son auteur. On ne peut pas distinguer son auteur des idées antisémites qu’il véhicule. On ne peut pas traiter un tel sujet sans susciter critiques et suspicions.
Rappeler l’existence de ce sinistre individu est déjà une position suspecte à mes yeux.
Donner au début du dossier une explication très détaillée pour faire le geste (et donc pour le reproduire) est « une incitation au geste » comme je le confirme. Le terme de coquille vide, ainsi que les synonymes et les mots-lien sont employés à tour de bras dans ce dossier qui est très problématique dans tous les sens du terme : le choix du sujet, l’individu que cela implique, les idées qu’il y a derrière, la publicité que cela provoque, l’absence réelle de critique distanciée.
La mise au ban de Dieudonné a pris fin semble-t-il dans les médias. Pourquoi ?
Je n’accuse personne, je constate.
D’autre part, je ne fais pas de hiérarchie entre les racismes, je mets en perspective et tente de comprendre. Je confirme que seul l’antisémitisme en France parait aux yeux de beaucoup un racisme acceptable et toléré, contrairement aux autres. C’est pourquoi j’ai employé des exemples emblématiques, que vous ne citez pas.
Ni victimisation, ni inconscience, Je vois, j’écris.
Le mieux est de laisser nos lecteurs lire par eux-mêmes, voir ou constater par eux-mêmes. J’ai écrit cet article précisément pour cela. Pour ne pas laisser les médias et pire, les journalistes, décider pour nous de ce qui est bien ou de ce qui est mal. Je répète, le dossier des Inrocks pose un vrai problème de déontologie car il questionne directement le métier de journaliste aujourd’hui. La façon de le faire, la façon d’informer. La façon de laisser entendre entre les lignes. Aux lecteurs de juger par eux-mêmes Ce controversé dossier des Inrocks était présenté par l’une des journalistes aux actu de France 3 vendredi soir (la responsable du dossier je crois, rappelez-moi son nom s’il vous plait !!!) avec un »éclatant » sourire, aucunement avec une gravité de circonstance que j’aurais bien aimé voir. Le sujet ne semble pas très sérieux aux yeux de ces journalistes-là qui font dans la démagogie pour vendre du papier.
Et bien moi je trouve que ce sont ces journalistes-là qui ne sont pas sérieux.
Et j’ai le droit de le dire.
Jean-Paul Fhima
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