Malgré la conclusion d’un accord intérimaire avec les grandes puissances sur son programme nucléaire, Téhéran doit encore accomplir le plus dur : prouver sa bonne foi. Et Israël n’a peut être pas encore dit son dernier mot.
Le jour d’après un accord avec l’Iran. A vrai dire, Israël s’y préparait depuis plusieurs semaines, conscient que les grandes puissances, Etats-Unis en tête, avaient à cœur de parvenir à un compromis sur ce dossier, certes sensible, mais qui n’a que trop mobilisé leur diplomatie. En visite éclair à Moscou la semaine dernière, Benyamin Netanyahou n’attendait pas des responsables russes qu’ils se désolidarisent soudainement du régime des Mollahs. Plus soucieux finalement du fond que la forme – autrement dit les négociations -, le chef du gouvernement israélien venait plutôt s’assurer que comme lui, le président Vladimir Poutine n’entendait pas laisser Téhéran se doter de l’arme atomique. Il semble avoir été entendu.
Un seuil critique
Dans son énoncé, l’«entente de Genève» reflète pleinement ce consensus réaffirmé du reste par François Hollande lors de sa visite d’Etat en Israël. L’accord intérimaire s’attelle à neutraliser tous les aspects potentiellement militaires du programme nucléaire iranien. D’une part, il interdit l’enrichissement d’uranium au-delà des 5% autorisés par la réglementation internationale et qui, en principe, suffisent à alimenter des centrales nucléaires ou à produire de l’électricité. De l’autre, il impose à la République islamique de diluer ou reconvertir la moitié de ses réserves d’uranium déjà enrichis à 20%. Un seuil critique à partir duquel les experts affirment qu’il est facile d’atteindre les 90% nécessaires à la fabrication d’une ogive.
plutonium militaire
Cet acquis, même provisoire, représente une victoire importante pour les occidentaux et, à moindre mesure, pour Israël. Il faut y ajouter la fermeture du réacteur d’eau lourde d’Arak, suspecté de servir au traitement du plutonium militaire et sur lequel les Iraniens devront prouver qu’il sert, comme cela est prétendu, à la recherche médicale. En vertu de cet accord, les inspecteurs de l’AIEA pourront enfin accéder quotidiennement à la centrale de Natanz qui abrite la moitié des centrifugeuses du régime et, surtout, au site souterrain de Fordow, à quatre-vingt mètres sous terre, où l’Iran est accusé de poursuivre clandestinement ses activités nucléaires.
Un compromis
Convenons-en le plus objectivement possible, il aurait été difficile pour les grandes puissances d’obtenir davantage de Téhéran dans une première phase, censée avant tout rétablir la confiance entre les parties. Certes, ce compromis qui permet à la République islamique de bénéficier d’un allégement des sanctions laisse intact, pour l’instant, ses capacités nucléaires. Il est vrai aussi qu’avec ses 18.000 centrifugeuses en état de marche, les ingénieurs iraniens n’ont théoriquement besoin que de six à sept semaines pour passer du nucléaire civil à militaire. Mais un premier accord, même largement perfectible, ne vaut-il pas mieux que de vaines et interminables négociations ?
« Money-Time »
Jusqu’au week-end dernier, l’échec de la diplomatie internationale avait surtout permis à l’Iran de grignoter un temps précieux. Cette fois, la pression repose plus que jamais sur le régime islamique lequel pourra difficilement user de fourberies. Dans les prochaines semaines, ses moindres faits et gestes seront surveillés de près, et certainement encore plus qu’avant par le Mossad et les renseignements militaires israéliens (Aman). Benyamin Netanyahou, partisan d’une « ligne rouge », peut aussi se réjouir qu’une échéance se profile enfin à l’horizon et qu’en attendant, le programme nucléaire iranien se trouve à l’arrêt. Dans six mois au plus tard, il aura toute légitimité à clamer haut et fort qu’il s’agit d’une « erreur historique ».
« Chiisme »
Evidemment, les agissements iraniens au cours de la décennie écoulée doivent inviter à la prudence, voire au pessimisme. Comment croire que Téhéran consente subitement à renoncer à ses ambitions nucléaires et, au passage, à assurer au chiisme un gage de survie dans un monde arabo-musulman qui lui est largement hostile ? Comment croire que ce pays renonce à armer le Hezbollah, aujourd’hui avec des missiles et demain, avec des charges non conventionnelles ? Dans le fond, Benyamin Netanyahou semble moins perturbé par le contenu de l’accord que par le fait que les grandes puissances aient conclu un pacte avec le diable.
Monter les enchères
La période qui s’ouvre s’annonce critique et sera à n’en pas douter décisive à bien des égards. Passé l’indignation générale, Israël doit très vite se remobiliser auprès de ses alliés occidentaux, notamment Washington qui reste son soutien le plus fiable, même avec un Barack Obama voué à désengager son pays du Moyen-Orient, quitte à lui ôter sa stature de superpuissance. Pour Benyamin Netanyahou, il est crucial de sortir son pays de l’isolement dans lequel il se trouve malgré lui. Exiger, à terme, un démantèlement total des infrastructures nucléaires de Téhéran est assurément ambitieux, mais c’est en faisant monter sciemment les enchères qu’il maintiendra jusqu’au bout une pression continue sur les chancelleries internationale. Dans les faits, tout reste encore à jouer.
Par Maxime Perez
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