Des personnalités religieuses et civiles, juives et catholiques, ont rendu hommage mercredi au cardinal Lustiger , juif converti, très impliqué dans le dialogue inter-religieux, au cours de l’inauguration d’un mémorial paysager qui lui est dédié au monastère bénédictin d’Abou Ghosh, près de Jérusalem.
La cérémonie, dans ce village arabe israélien, a eu lieu en présence du cardinal André Vingt-Trois, successeur de Mgr Jean-Marie Lustiger à la tête de l’archevêché de Paris, et de Richard Prasquier, ex-président du Crif (Conseil représentatif des institutions juives de France), initiateur de ce mémorial, symbole de « la volonté des Juifs d’honorer le cardinal ».
UN LIEU DE PRIÈRE VIVANTE
« A la mémoire de celui qui par sa place unique contribua au rapprochement entre juifs et catholiques, peut-on lire sur une plaque de dédicace en hommage à « Aron (son nom de naissance, NDLR) Jean-Marie Lustiger ».
« Ce n’est pas un lieu d’exaltation de la personnalité du cardinal Lustiger mais un lieu de prière vivante », a dit Mgr Vingt-Trois, en saluant celui qui « a eu des relations d’une audace évangélique avec les Juifs ».
Invité par les Grands rabbins d’Israël, l’archevêque de Paris conduit une délégation de 150 personnes en Terre sainte pendant un voyage d’une semaine ayant comme thème « aux sources de la Promesse », la promesse donnée par Dieu à Israël (auquel Jean-Marie Lustiger avait consacré un essai en 2002).
M. Prasquier, qui a créé à titre personnel un fonds de dotation spécial pour cette « initiative de paix », a fait part de son « immense respect » pour « un homme de conviction et un acteur majeur contre l’antisémitisme ».
Parmi les invités figuraient aussi le patriarche latin de Jérusalem Fouad Twal et le rabbin David Rosen, engagé dans le dialogue avec le Vatican au nom du grand rabbinat d’Israël.
JUDAÏSME, SOURCE DU CHRISTIANISME
Conçu comme « un gage d’espoir pour l’avenir » par l’architecte israélien Zvi Efrat, le mémorial Lustiger de l’abbaye d’Abou Ghosh –un domaine national français– n’est pas un monument, mais « un lieu de méditation ».
Il s’intègre dans un jardin en terrasse, agrémenté d’une exèdre, où peuvent se recueillir les pèlerins, et traversé de petits canaux alimenté par l’eau de la crypte du monastère – l’eau comme symbole du baptême et « du judaïsme à la source du christianisme », explique un des moines.
Au milieu des figuiers, grenadiers, oliviers, citronniers et autres espèces bibliques, sont disséminées des plaques de céramique sur lesquelles sont inscrites des pensées de Jean-Marie Lustiger en français, en hébreu et en arabe.
Né juif en 1926, converti à l’âge de 14 ans, pendant la Deuxième Guerre mondiale, mais resté « membre de son peuple », Jean-Marie Lustiger est « l’un des hommes qui, à la tête de l’Église (catholique), ont le plus contribué au rapprochement judéo-chrétien ces trente dernières années », selon l’archevêché de Paris.
Il fut notamment en 1997 à l’initiative d’une démarche de « repentance » des évêques français pour la passivité de l’Église catholique face aux persécutions à l’encontre des Juifs et à leur déportation vers les camps de la mort pendant l’occupation allemande.
» JE SUIS DEMEURÉ JUIF «
« Devenu chrétien par la foi et le baptême, je suis demeuré juif comme le demeuraient les Apôtres », a-t-il écrit.
Mais sa conversion, et surtout sa revendication toujours affirmée de ses origines juives, n’ont pas été sans déclencher de vives polémiques et lui attirer l’animosité des milieux fondamentalistes juifs et chrétiens.
Mgr Lustiger a été archevêque de Paris de 1981 à 2005 et fait cardinal par le pape Jean Paul II en 1983. Proche de ce dernier et du pape Benoît XVI –il fut leur conseiller sur le dialogue judéo-catholique– il est décédé en 2007.
Il avait l’habitude de venir en pèlerinage en Terre sainte et a passé sa dernière semaine sainte chez les moines d’Abou Ghosh, une communauté tournée vers le monde juif et Israël, installée au coeur d’un village arabe où cohabitent musulmans et juifs, l’abbaye et la mosquée.
Philippe Agret pour AFP
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