Deux ans après, l’étrange meurtre du millionnaire Claude Dray
Pas de trace d’effraction, un coffre fort intact, une arme atypique: deux ans après, l’assassinat de Claude Dray, richissime homme d’affaires abattu dans son hôtel particulier de Neuilly, reste une énigme, une seule piste restant explorée par les enquêteurs.
VILLA MADRID A NEUILLY
Le 24 octobre 2011, comme chaque soir, le majordome du multi-millionnaire boucle les issues de la résidence: un hôtel particulier de près de 1.000 m2 situé Villa Madrid, une voie privée où cohabitent célébrités des affaires et du spectacle. Dray y réside avec sa femme, aux Etats-Unis au moment du drame.lLe lendemain matin, l’employé découvre son patron, âgé de 76 ans, étendu sur le sol en tee-shirt et caleçon. Autour du corps, trois douilles d’un pistolet 7,65 mm, un calibre rarement utilisé. Alertée, Police secours fait le tour de la maison et ne découvre aucune trace d’effraction. Rien ne manque dans la villa, truffée d’objets d’art, et le coffre fort n’est pas fracturé.
« Les premiers policiers dépêchés sur les lieux n’ont pas vu l’arme laissée par le ou les assassins et ont cru à un suicide. Ils ont saccagé la scène du crime, rendant les investigations postérieures très difficiles », regrette aujourd’hui une source proche du dossier.
Un mauvais départ pour une affaire rapidement baptisée « Le mystère de la chambre jaune », du nom du célèbre polar de Gaston Leroux, par la brigade criminelle de la police judiciaire (PJ) parisienne, en charge de l’enquête.
Deux ans plus tard, plusieurs personnes ont été auditionnées, mais aucune n’a été placée en garde à vue, d’après une source proche de l’enquête. Et très peu d’éléments ont filtré autour de ce dossier sensible en raison de la personnalité de la victime.
Son entourage se veut aussi très discret. « La famille continuera de protéger sa mémoire et son honneur (…) et fait toute confiance au juge d’instruction », indique seulement Me Cyril Bonan, avocat de la veuve du millionnaire et de ses quatre filles.
SAINT TROPEZ, MIAMI
Dans un premier temps, les policiers se sont intéressés au passé de l’entrepreneur. Un simple certificat d’études en poche, il a bâti en trente ans un véritable empire. Né à Oran (Algérie), Dray se lance au début des années soixante dans l’hôtellerie haut de gamme, puis fonde en 1973 la chaîne de parfums Patchouli avant d’investir dans plusieurs immeubles dans les quartiers chics de la capitale.
« Claude a toujours eu une longueur d’avance. Il ne pensait qu’à gagner de nouveaux marchés », se souvient son ami Georges Benazera, président de l’Association des Israélites de l’Oranie en France (AIOF), avec qui il avait fondé une synagogue rue du Faubourg Saint-Honoré.
Outre la maison de Neuilly, le millionnaire possède une villa à Saint-Tropez, une autre à Miami, des hôtels de luxe en Israël et en Floride, des immeubles à Paris ou encore une collection Art Déco, dont des oeuvres de Niki de Saint-Phalle, qu’il cèdera en 2007 pour une soixantaine de millions d’euros. De quoi susciter les convoitises.
Claude Dray avait aussi racheté en 2001 le très emblématique Hôtel de Paris, à Saint-Tropez. Son titre de propriété avait été attaqué à trois reprises, mais il avait finalement eu gain de cause et l’établissement devait ouvrir en 2012.
L’entrepreneur, toujours très discret, avait été l’objet de menaces et d’une tentative d’extorsion de fonds en 2009. Une affaire finalement classée par le parquet de Paris au printemps 2010.
UN ANCIEN GENDRE
« Ces pistes ne mènent donc, semble-t-il, nulle part », selon la source proche de l’enquête. Elle insiste en revanche sur le rôle qu’aurait pu jouer l’un des deux anciens gendres de M. Dray. « Il était en conflit ouvert avec son ex-épouse, l’une des filles de la victime, et c’est une personne bien peu recommandable », souligne-t-elle.
Ce proche apparaît dans le dossier de la fraude à la taxe carbone, une escroquerie de plusieurs centaines de millions d’euros, dont l’un des instigateurs présumés a été tué en septembre 2010 à Paris. « Nous nous accrochons à cette piste, car il semble que cela soit la seule qui nous reste », confie la source.
Sollicité, le parquet de Nanterre, en charge du dossier, n’a pas souhaité s’exprimer sur cette affaire.
Sophie Deviller pour AFP
Poster un Commentaire