UNE OUVERTURE SUR L’AVENIR
Deux grands témoins de notre époque portent des regards croisés sur l’avenir que réserve aux générations suivantes le xxie siècle : sera-t-il aussi barbare que celui qui l’a précédé, avec les dizaines de millions de victimes des totalitarismes, des guerres mondiales, des guerres d’indépendance et des conflits postcoloniaux ?
Paradoxe : jamais il n’y a eu autant d’États représentés à l’ONU, et jamais les frontières n’ont été autant ignorées par un homme redevenu nomade, par les flux financiers, par les transferts de technologies, par les échanges de toutes sortes et en tous sens. De ce paradoxe lié à la mondialisation naissent des tensions qui ne se résoudront que par l’institutionnalisation au niveau planétaire de centres de décision évoluant vers un gouvernement mondial, mais aussi par un essor sans précédent de l’individualité et de ses facultés d’autocontrôle.
Économie du futur, nouveaux matériaux, éducation et formation permanentes grâce aux nouveaux outils informatiques, extension de la démocratie mais aggravation des risques qui la menacent, armes nouvelles, terrorisme, zones de conflits, printemps des peuples, tous ces thèmes sont abordés avec une généreuse lucidité dans ces « figures de l’avenir » dont le réalisme et parfois le pessimisme à court terme n’excluent pas l’optimisme au long cours.
« Un monde en mutation » – Shimon Peres :
La révolution introduite par Facebook est plus grande que la révolution communiste. La dictature de Lénine et Staline causa des décennies de souffrance à leur peuple, des millions de personnes perdirent la vie et la liberté à cause de diktats imposés à des populations entières ; aujourd’hui, ce n’est plus qu’une amère leçon de l’Histoire. Mark Zuckerberg, lui, n’a rien d’un dictateur. Il n’avait ni gouvernement, ni armée, ni police de quelque sorte que ce soit. Il n’a pas tué, volé ou triché. Pourtant, il a changé notre façon de voir le monde […].
« Science et technologie » – Shimon Peres :
La science est le phénomène le plus indiscipliné qui soit au monde, puisqu’elle s’occupe d’un avenir inconnu. Nul ne peut prétendre gouverner ou prédire l’avenir. […] Personne ne peut ériger des barrières autour de la science, aucune administration n’est à même de la contrôler par la loi ou par les armes.
« L’avenir de la guerre et de la paix » – Jacques Attali :
Les guerres de demain, si elles ont lieu, seront menées par des parties moins identifiables telles que les cartels, les narcotrafiquants, les terroristes politiques tels que les combattants talibans disséminés au sein de la population pakistanaise, les terroristes nigérians intimement liés à des cartels du crime organisé, ou encore les hackers sans lien avec un État […]. Des ennemis invisibles, décentralisés, rendront la notion de « cibles » inopérante et ralentiront les opérations […]. Il n’y aura ni ligne de front, ni bases arrière, mais un entrelacs de combattants et de populations civiles. Ainsi, pour en revenir à Clausewitz, la guerre cessera d’être une épreuve de force pour devenir une épreuve de volonté. Dans de tels conflits, la « capacité d’influence surpassera la capacité de détruire ».
L’humanité a besoin d’instaurer un état de droit mondial afin d’éviter sa destruction totale par les guerres et autres formes de conflits. Un tel état de droit éviterait la domination d’un seul pays sur les autres, de même que le développement d’une anarchie mondiale.
Les guerres ont toujours été remportées par ceux qui avaient les armes les plus neuves : les archers au moment de la bataille de Crécy, les chars d’assaut pendant la Grande Guerre, la bombe atomique pendant la Seconde Guerre mondiale. Au cours des cinquante prochaines années, les nouvelles armes seront essentiellement concentrées autour du concept de surveillance : des infrastructures numériques d’une omniprésence nomade, des systèmes de surveillance des mouvements suspects, des moyens de protection d’installations, des réseaux d’intelligence économique.
« La sécurité mondiale… » – Shimon Peres :
Une poignée d’individus peuvent s’emparer d’un avion et causer des milliers de morts en l’espace de quelques minutes. […] La majorité n’est pas synonyme à elle seule de sécurité. Il y a un proverbe africain que j’aime à rappeler lorsqu’on fait face au terrorisme : « Quand on n’a qu’une pierre dans un panier d’oeufs, peu importe que les oeufs soient en plus grand nombre. »
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