Lettre du B’nai B’rith France, Association Hatikva, à Madame la Sénatrice Sylvie Goy-Chavent.
Madame la Sénatrice,
Notre association fait partie d’une ONG reconnue par l’ONU. Elle a pour objectifs le soutien aux droits humains et la promotion de l’identité juive.
Nos adhérents ont pu lire une information circulant sur le net, selon laquelle vous auriez affirmé que : « Le consistoire juif reçoit des millions d’euros pour l’abattage des animaux. Ces sommes permettent à une communauté de soutenir la politique d’Israël ; Aussi, je pense que le consommateur a le droit de manger un gigot sans pour autant, à son insu, financer la politique d’un autre pays ». Si cette information s’avérait fausse, et que vous l’auriez démentie, nous vous remercierions de nous en avertir.
Car, en effet, de tels propos ont interpellé nos adhérents. Ils ne sont pas choqués à l’idée de soutenir Israël, car cela correspond, pour eux, à un sentiment profond. De fait, les montants des aides sociales étant faibles en Israël, notre association contribue à aider des familles défavorisées en collectant des fonds auprès de particuliers, notamment à l’occasion de manifestations culturelles. Les dons de notre association sont collectés et répartis en toute transparence.
Nos adhérents ne sont pas choqués non plus par l’idée que des institutions françaises utilisent les dons ou nos impôts de citoyens français pour financer ou aider d’autres pays par le biais de subventions ou de politiques « d’aide ». Pour rester sur le Moyen-Orient, l’Autorité Palestinienne bénéficie ainsi d’aides importantes.
Madame la Sénatrice, nos adhérents sont interpellés tout simplement parce que votre affirmation, reprise ci-dessus, est fausse. Il n’est pas dans les objectifs du Consistoire d’apporter un soutien politique à Israël. Notre génération d’après la shoah ne supporte plus les affirmations sans preuves qui cautionnent des mythes de la propagande antijuive d’antan, aujourd’hui propagande anti-israélienne tels : «les Juifs et l’argent».
Surpris, pour en avoir le cœur net, nous avons consulté dans le rapport du Sénat, dont vous êtes rapporteur, l’audition de MM. Mergui et Fiszon. Certains de nos membres ont visionné cette audition.
Aviez-vous déjà en tête cette idée de financement « de la politique israélienne », lorsque vous demandiez (page 478) : « où va cet argent [du Consistoire] ? » Pourquoi ne pas avoir alors pris acte de la réponse de M. Mergui, réponse détaillée que vous n’avez même pas relevée ? Si l’on n’écoute pas les réponses, pourquoi poser des questions ?
Autre remarque surprenante : « Soyons bien clairs : ce qui me dérange, ce n’est pas le fait que le sacrificateur soit juif, mais le fait qu’il accomplisse un geste religieux ».
Madame, nul besoin d’être religieux pour reconnaître que les religions monothéistes et la religion juive, tout particulièrement, ont eu un apport moral et éthique considérable dans nos sociétés occidentales, laïques ou non.
Dans le domaine de votre rapport, c’est au nom de l’éthique juive que, le 2 octobre 2005, le gouvernement israélien a interdit le gavage des oies et l’importation de foie gras. Pourtant Israël était à ce moment le quatrième producteur mondial de foie gras.
En ce qui concerne l’abattage des animaux de boucherie, le rituel juif (shehita) a été, pendant des siècles, la seule façon de minimiser la douleur animale. Les règles qui l’entourent témoignent d’exigences éthiques essentielles : marquer une forme de respect pour l’animal que l’on doit abattre et minimiser sa souffrance.
Faut-il vous rappeler que l’étourdissement n’a été introduit, en France, que dans les années 1940 et que, jusqu’à une date très récente, c’était un procédé particulièrement barbare ? Ce qui n’empêchait pas alors des antijuifs déguisés en soi-disant « amis des animaux » de prétendre disqualifier l’abattage selon le rite juif au profit des techniquesd’étourdissement.
L’étourdissement a fait ces dernières années de gros progrès et il faut souhaiter qu’il en fasse d’autres. Mais à notre sens, aujourd’hui encore, l’abattage selon le rituel juif est au moins aussi efficace que l’étourdissement pour limiter la souffrance animale.
Pourtant, en lisant les auditions de MM. Mergui et Fiszon, nous avons constaté que vous balayiez cette idée d’une phrase : « Nous avons auditionné de nombreux vétérinaires qui ét aient tous du même avis » (p. 472).
N’avez-vous pas été gênée de lui donner cette réponse lapidaire ?
Car, Madame la Sénatrice, vous balayiez ainsi la compétence d’un interlocuteur se trouvant devant vous à ce moment là, un vétérinaire, le Dr. Fiszon, Membre de l’Académie Vétérinaire de France. Étant à la fois Rabbin et scientifique, il est l’un de ceux qui, en France, ont le plus étudié la question de la souffrance animale lors des différentes techniques d’abattage, dont le rituel juif.
L’objet de ces auditions est d’écouter toutes les parties présentes concernées par le sujet. Pourquoi écarter ou ignorer les réponses qui ne vont pas dans votre sens ? Un vétérinaire serait-il disqualifié parce que juif ?
Parmi ces « nombreux vétérinaires » dont vous faites état, combien sont des spécialistes de la souffrance animale ? Apparemment très peu d’entre eux. Car ils vous ont bien mal renseignée : pour preuve, le chiffre de 14 minutes d’agonie et de souffrance après un abattage rituel, que vous avez repris. Vous avez mis les formes : c’est un cas « extrême », avez-vous dit. Mais vous avez utilisé quand même ce chiffre. Sachez que ce chiffre est à manier avec prudence, car il est brandi non pas par des scientifiques, mais par des antijuifs qui veulent prouver que les Juifs seraient des gens cruels qui feraient souffrir inutilement les animaux.
Nous vous recommandons la lecture du rapport de l’INRA sur la douleur animale, pages 151-155. Vous n’y trouverez pas les 14 minutes. Mais vous y découvrirez que la perception de la douleur animale requiert des méthodes d’étude complexes, dont les « nombreux vétérinaires » ne sont sans doute pas spécialistes.
Madame la Sénatrice, de nombreux consommateurs mangent de la viande casher parce qu’ils sont convaincus que c’est la méthode la moins douloureuse lorsqu’on doit tuer un animal. Si l’information que vous souhaitez donner aux consommateurs était bien faite, ils seraient plus nombreux encore.
Pourquoi, Madame la Sénatrice, ne pas faire une remise au point ?
Pourquoi ne pas reconnaître qu’il y a un vrai débat dans la communauté scientifique à ce sujet ? Le Dr. Fiszon a cité Madame la Professeure Grandin, de l’Université du Colorado.
Cette dame était une des principales opposantes à l’abattage selon le rite juif. Elle est encore citée dans des textes de la Fondation Bardot. Mais depuis, elle a étudié ce dossier en profondeur. Elle est maintenant un défenseur de la shehita, sur la base de l’évaluation de la souffrance animale.
Pourquoi ne pas recommander qu’un programme de recherche publique sur la douleur animale soit mis en place, avec un comité scientifique international, composé de spécialistes sérieux PRO et ANTI, qui se mettraient d’accord sur un protocole d’étude dont les conclusions seraient alors incontestables ?
Pourquoi ne pas recommander une saisine de l’ANSES ou de l’Autorité Européenne de Sécurité Alimentaire (EFSA) sur un problème aussi important ? Il y a un vrai débat dans la communauté scientifique, un débat qu’on ne peut pas balayer légèrement.
Nous sommes dans l’espoir d’être entendus.
Dr. Alexandre Feigenbaum et Mme Myrna Sitbon, co-présidents d’Hatikva
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