En Autriche l’antisémitisme renait de ses cendres. Par Francis Moritz

Le centre autrichien des archives de la résistance (source DÖW-Rechtsextremismus-Barometer 2024, Wien)  a réalisé une enquête d’opinions en ligne auprès de 2200 personnes fin avril. On risque d’être surpris des résultats, en se référant au passé,  au vu de certaines réponses qui semblent indiquer une renaissance importante de l’anti-judaïsme. On a encore en mémoire le comportement majoritaire (99%) de la population après l’Anschluss (annexion en mars 1938 de l’Autriche au grand Reich ) et du sort des Juifs autrichiens qui a suivi.  

La réponse subliminale, qui ressort en creux de cette enquête: l’Autriche, redevenue un petit pays d’Europe centrale une fois la guerre finie, a-t-elle des regrets de ne plus être partie du Grand Reich, et appellerait-elle de ses vœux un nouveau grand Chef autoritaire ?

Ce qu’on retient assez clairement

Un choix orienté vers des attitudes racistes, autoritaires et antisémites.  Sans doute ne faut-il pas prendre comme des évidences toutes les réponses recueillies. Le mélange des genres est visible, par la variété des questions posées. On relèvera aussi l’influence de certains médias qui à défaut d’apporter aux lecteurs une information exacte, deviennent, eux-mêmes, toxiques et, oserais-je, génocidaires, faisant très fréquemment le lit d’une information souvent partielle, sinon même tronquée, non vérifiée, histoire d’hurler avec les loups et finalement d’influencer le citoyen qui n’en peut plus de ce flot d’informations dirigé, de désinformation. Ce phénomène n’est pas qu’autrichien. La France en est aussi victime. 

Ce qui peut surprendre

On y lira aussi des contradictions : les personnes interrogées souhaitent « un homme fort à la tête du pays, qui n’a pas à se préoccuper du parlement qui s’oppose à une affirmation, Tout le pouvoir ne doit pas être entre les mains d’un seul homme, mais entre les mains du peuple »:  C’est une réponse majoritaire chez les personnes se déclarant d’extrême-droite.  Cette contradiction, là comme ailleurs, est la traduction d’une incompréhension du système existant. On croirait avoir entendu la même chose en France.

Dans le détail :

Les participants sont d’accord , voire tout à fait d’accord, avec les affirmations suivantes :

82% pensent que tout le pouvoir ne devrait pas être concentré entre les mains d’un seul responsable, 

pendant que 21% pensent qu’un homme fort est nécessaire à la tête.

22% préféreraient un parti fort qui parlerait d’une seule voix. 

66% estiment que moins de décisions devraient être prises au parlement et qu’il devrait y avoir plus de référendums.

51% pensent que les médias mentent systématiquement « mais pas sur tous les sujets »

29% pensent que l’épidémie du Covid « a été mise en scène pour permettre restructurer substantiellement la société »

La haine des Juifs, le bouc-émissaire de service

Le point inquiétant de cette étude, se trouve être – on dirait comme d’habitude – Le choix des Juifs comme bouc émissaire face aux problèmes de société, en Autriche comme ailleurs. Ce qui est manifestement d’une très grande actualité. Les vieilles recettes servent toujours.

42% sont d’avis qu’il faut mettre un terme aux discussions sur la Seconde Guerre Mondiale et l’holocauste

14% affirment que les Juifs travaillent plus que les autres « avec des astuces diaboliques  

49% estiment que les indemnisations ne profitent souvent « qu’à l’industrie de l’Holocauste et à ses avocats ingénieux »

16% pensent qu’il y a quelque chose de « particulier chez les Juifs » 

26% affirment que La haine contre les Juifs n’existe que parmi les immigrés

23% pensent qu’aujourd’hui encore, l’influence des Juifs est encore trop grande

24% pensent que la politique israélienne rend les Juifs antipathiques  

35% Trouvent exaspérant de voir les attaques alliées minimisées

Pour 42% des interrogés, la politique d’Israël en Palestine ressemble à cette des nazis pendant la seconde guerre mondiale

22% pensent que les crimes d’Israël sont pires que ceux des autres nations

La Rhétorique employée

L’antiégalitarisme – tous les hommes ne sont pas égaux

L’extrémisme de droite considère la société comme hiérarchisée et postule deux types d’inégalité. Premièrement, il existe une inégalité en faveur des élites dirigeantes, d’autre part entre différents

groupes de population, sur la base de différences telles que l’âge, le sexe, l’ethnie, la nationalité, etc.

Par exemple, les personnes âgées ou les hommes devraient avoir leur mot à dire, plus que les jeunes ou les femmes.

La suprématie des élites dirigeantes (alternatives) implique une soumission sans critique et caractérise l’élément autoritaire de l’extrémisme de droite.

La volonté de soumission est étroitement liée à l’autoritarisme.

La suprématie de différents groupes de population au sein de la société et au sein de l’humanité entraîne la désobéissance des groupes subordonnés (p. ex. les immigrés, les juifs, les femmes, les jeunes) et l’exaltation des groupes dominants (p. ex. ethnocentrisme, le vieil homme blanc) 

 Dans les deux cas, la pensée inégalitaire repose sur l’hypothèse fondamentale que tous les êtres humains n’ont pas la même valeur.

Quatre affirmations positives et trois affirmations négatives ont été formulées. L’accord avec les quatre questions suivantes signifie une préférence pour l’orientation de dominance sociale : « L’égalité des droits va désormais trop loin en Autriche »,

64% « On devrait d’abord participer aux discussions et aux décisions,

Le baromètre de l’extrémisme de droite montre des liens politiques clairs entre l’autoritarisme et différentes formes d’hostilité envers certains groupes d’une part, et l’auto-évaluation politique d’autre part, ou encore la préférence partisane. On peut ainsi distinguer au sein de l’éventail politique de droite, une proportion de personnes ayant des opinions d’extrême droite particulièrement marquée.

Un groupe qui représente un potentiel violemment antidémocratique et anti-égalitaire pour les organisations d’extrême droite.  Comme en Allemagne, le présent baromètre de l’extrémisme de droite, montrent que les forces d’extrémisme droite, et en particulier celles à tendances néonazies, sont encore minoritaire, mais qu’elles ont fortement progressé et sont actuellement présentes dans tous les corps législatifs des neuf provinces autrichiennes, parfois même en première place.

Les opinions exprimées, considérés dans leur ensemble, et les résultats de l’étude n’incitent pas à l’alarmisme.

Même si l’on peut identifier un groupe de personnes d’extrême-droite, la plupart des personnes interrogées sont plutôt démocrates. Mais certains résultats sont également significatifs.

29 % des 2 200 personnes interrogées estiment que les musulmans devraient être interdits d’immigration en Autriche.

38% ne souhaitent pas vivre aux côtés des Roms.

42% pensent que la politique d’Israël en Palestine est aussi mauvaise que la politique des Nazis pendant la Seconde Guerre mondiale. Une affirmation qui pourrait tout de même être interprétée par les tribunaux comme un délit au sens de la loi autrichienne.

En résumé, le baromètre de l’extrémisme de droite révèle un besoin non négligeable de la société de « faire la différence ». La plupart des personnes interrogées ont déclaré qu’il n’y avait pas d’autre solution que de s’opposer à l’extrémisme violent.

Nous voyons dans cette étude qu’il est clairement question d’une frange de la population qui a fait sienne des théories racistes et antisémites. Ce qui ressort surtout c’est la perception très claire d’un extrémisme. Il se trouve que pour des réalisons historiques et culturelles, ce mouvement vient de l’extrême-droite dont une partie a des relents antisémites.

Tandis qu’en France, à l’inverse, il s’agit d’une vague d’extrême-gauche drapée dans un antisémitisme new-look, on n’est pas antisémite, juste anti-sioniste. C’est l’outil principal, qui s’ajoute à une rhétorique contre la société en place avec comme objectif final, le chaos et la prise du pouvoir. 

Ainsi va le monde.

© Francis Moritz


Francis Moritz a longtemps écrit sous le pseudonyme « Bazak », en raison d’activités qui nécessitaient une grande discrétion.  Ancien  cadre supérieur et directeur de sociétés au sein de grands groupes français et étrangers, Francis Moritz a eu plusieurs vies professionnelles depuis l’âge de 17 ans, qui l’ont amené à parcourir et connaître en profondeur de nombreux pays, avec à la clef la pratique de plusieurs langues, au contact des populations d’Europe de l’Est, d’Allemagne, d’Italie, d’Afrique et d’Asie. Il en a tiré des enseignements précieux qui lui donnent une certaine légitimité et une connaissance politique fine. Fils d’immigrés juifs, il a su très tôt le sens à donner aux expressions exil, adaptation et intégration. © Temps & Contretemps


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4 Comments

  1. « Anti-démocratique et anti égalitaire » : c’est le fondement même du Macronisme. Et de l’europeisme.
    Avec en outre la collaboration totale avec l’islamisme, le wokisme et l’indigénisme, qui cochent toutes les cases du Nazisme. F.Moritz ne semble pas voir que tous les régimes politiques qu’il soutient ont basculé dans le racisme (inversé), l’antisémitisme, le rejet de la démocratie, l’anti-égalitarisme, le mépris total de la vie humaine et le culte de la violence. C’est à dire dans le Nazisme.
    Dans le sens inverse, assimiler le refus de l’immigration musulmane, c’est-à-dire de l’islamisme, c’est-à-dire du Nazisme à de l’extrême-droite relève évidemment du contre-sens le plus absolu. Quand l’Allemagne a-t-elle de nouveau basculé dans le Nazisme, c’est-à-dire l’islamonazisme ?…Depuis l’arrivée d’Angela Merkel et sa politique d’immigration massive pro islamiste et antisémite.

    F.Moritz fait partie de ces « observateurs politiques » qui n’observent rien et voient le monde avec 50 ans de retard. Pour preuve :
    il écrit
    « l’exaltation des groupes dominants (ethnicentrisme, le vieil homme blanc) »…
    Comment peut-on écrire cela en 2024 !!!???…à moins d’être mélenchoniste ou wokiste)

  2. Il est également paradoxal de déplorer le regain d’antisémitisme en Autriche tout en soutenant le régime ukronazi de Kiev. Vous savez, le merveilleux pays symbolisant les valeurs de l’UE, l’Eden démocratique ayant pour héros nationaux Stepan Bandera et ses amis de l’OUN.

    A Kiev, ils ont encore les croix gammées à l’ancienne. Un peu démodée. A Londres, Paris, Berlin et Bruxelles on a le croissant islamique et le drapeau palestinien : c’est la même chose, mais en plus chic, en plus tendance.

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