Mais que pense le nouvel homme fort de Syrie ?

Abu Mohammad al-Julani en 2018, il était commandant en chef du groupe militant syrien Tahrir al-Sham ; il a été également l’émir de l’organisation qui l’a précédé, le Front al-Nosra, la branche syrienne d’Al-Qaïda
Crédit : U.S State Department – Wikipedia / Domaine public

Al-Julani : « Lorsque nous la libérerons, la Syrie sera gouvernée par la sharia » – « les Chrétiens qui en ont les moyens paieront la jizya » – « Les Frères Musulmans se sont fourvoyés en abandonnant la lutte armée » – « Nous n’atteindrons pas juste Damas. Jérusalem nous attend ».

La chute du régime Assad (père & fils), après 54 ans de mains de fer, est la conséquence d’un jeu de domino complexe, dont la première pièce est tombée le 7 octobre 2023.

Bien sûr, cette assertion peut être débattue. En revanche, l’arrivée au pouvoir de Abu-Muhammad Al-Julani, (de son vrai nom Ahmed Hussein al-Sharaa), dirigeant du groupe HTS-Hayat Tahrir Al-Sham[1] – groupe islamiste sunnite largement considéré comme organisation terroriste par les États-Unis, l’Union Européenne et d’autres, elle, constituera assurément le début d’une nouvelle cascade de dominos.

Il est donc essentiel de savoir qui est Al-Julani. L’état de grâce « fleur bleue » dont de nombreux occidentaux sont prêts à l’enrober devrait rendre très méfiant tout observateur du Moyen-Orient qui n’est pas né de la dernière pluie de missiles balistiques.

Ce numéro sera donc entièrement consacré aux déclarations de Al-Julani, au cours des dix dernières années.

Info n°1, décembre 2013 : « Lorsque nous la libérerons, la Syrie sera gouvernée par la sharia »

Déjà à cette époque, et avant même que HTS ne soit formellement créé, Al-Julani avait prévu qu’avec la libération de la Syrie d’Assad, de larges consultations religieuses et la création de comités composés d’autorités diverses et même étrangères seraient établis. Il en sortirait un plan adapté à la gouvernance de la Syrie. Ce plan serait, bien entendu, en conformité avec la sharia d’Allah.

On le voit, Al-Julani, déjà en 2013, avait une vision claire de la Syrie post-Assad.

Pour en savoir plus : https://www.memri.org/tv/jabhat-al-nusra-commander-al-joulani-first-ever-interview-syria-will-be-governed-according-sharia

Info n°2, mai 2015 : « les Chrétiens qui en ont les moyens paieront la jizya[2] »

Deux ans plus tard, Al-Julani avait encore précisé sa vision de la nouvelle société syrienne post-Assad. Selon lui, les Alaouites[3] ne font pas partie de l’Islam. À ce titre, il estime que malgré le fait que les Alaouites soient responsables de la mort de très nombreux Musulmans sunnites, s’ils déposent leurs armes et abandonnent leur soutien à Assad, nous les considérerons comme nos frères.

Pour être plus précis, Al-Julani professe :

Si nous leur [aux Alaouites] expliquons leurs erreurs et comment ils ont dévié de leur foi, s’ils choisissent de se rétracter [de renier leur foi], de déposer les armes et d’abjurer les actes de Bashir Al-Assad, non seulement n’auront-ils rien à craindre de nous, mais en plus, nous les défendrons.

Al-Julani, à ce stade, n’a donné aucune explication sur la manière dont « ils expliqueraient leurs erreurs aux Alaouites ».

En ce qui concerne ses relations avec l’Occident, Al-Julani explique qu’Al-Nusra, le groupe qu’il commandait à l’époque, avait eu pour instructions de ne pas lancer d’attaques « contre l’Europe et l’Occident au départ du sol syrien ». Mais si la situation internationale continue de la même manière, « cela pourrait changer », avertissait-il.

Grand prince, Al-Julani promet qu’ils ne s’attaquent pas aux Chrétiens, « pour l’instant ». Malgré ce que les États-Unis ou les Coptes en Égypte accomplissent, « nous considérons qu’ils n’en sont pas responsables », précise-t-il. En application de la sharia, Al-Julani précise qu’ils appliqueront l’impôt spécifique de la jizya aux dhimmis[4]. Il prévoit même que, ceux qui n’en n’ont pas les moyens, en seront épargnés.

Al-Julani, estimait que le Hezbollah du Liban voulait effrayer ce pays en prétendant qu’il était en danger.

Mais la vérité est que c’est le Hezbollah qui est en danger, pas le Liban.

Il avait bien compris la force du lien entre le Hezbollah et le régime Al-Assad… Mais dans le mauvais sens, si l’on en juge par les faits des derniers mois.

Il y a une relation directe et organique entre le sort du Hezbollah et celui d’Al-Assad. La chute de Al-Assad signifiera la chute automatique du Hezbollah.

Au vu de la bonne qualité de cette prévision, nous serions bien inspirés de prendre en compte cette autre prédiction de la part de Al-Julani :

Le Hezbollah a de nombreux rivaux au Liban. Ces rivaux deviendront plus forts dès qu’Assad sera tombé.

Pour en savoir plus : https://www.memri.org/tv/jabhat-al-nusra-commander-joulani-we-have-instructions-refrain-launching-attacks-west-syria

Info n°3, juin 2015 : « Les Frères musulmans se sont fourvoyés en abandonnant la lutte armée »

Al-Joulani est clair :

Les peuples doivent se libérer par la force. Les moyens pacifiques, les manifestations, constituent un langage que les gouvernants ne comprennent pas.

Il en veut pour preuve la chute du régime de Morsi en Égypte. Morsi, leader frériste égyptien de 2012 à 2013, « s’était soumis à la volonté de l’Occident et s’en était accommodé, même au-delà de ce qui leur était demandé » estime Al-Joulani. Il poursuit :

Morsi a combattu les moudjahidin au Sinaï, il a accepté les accords de Camp David, est entré à l’ONU et n’a pas appliqué la loi islamique. Il a établi un parlement, tenu des élections, et a accepté tout ce que les États-Unis voulaient. Quel prix a-t-il payé ? Ce n’est pas Al-Sissi qui s’est retourné contre Morsi. Ce sont les Américains qui se sont servis de Al-Sissi.

Et pour ceux qui envisageraient la possibilité d’un accommodement avec Al-Joulani en Syrie, je conseille de bien lire cet espoir qu’il a formulé en juin 2015 :

Nous espérons tous qu’un jour, les Frères musulmans réaliseront que leur plan d’action est une erreur. Ils doivent revenir à leurs racines et prendre les armes. Le Jihad est notre voie. Ils doivent prendre les armes, et mener le Jihad au nom d’Allah.

Pour en savoir plus : https://www.memri.org/tv/jabhat-al-nusra-commander-abu-muhammad-al-joulani-muslim-brotherhood-should-bear-arms-and-wage

Info n°4, janvier 2018 : « Nous n’atteindrons pas juste Damas. Jérusalem nous attend »

Dans un discours de motivation, Al Julani promet qu’une fois qu’ils auront atteint Damas, ils iront vers Jérusalem.

Pour encourager ses djihadistes, il précise que la guerre qu’ils mènent, n’est pas une guerre de la vérité contre le mensonge. C’est plutôt une guerre des idées, des pensées, une guerre des volontés et de fidélité.

À l’attention de jeunes guerriers qui lui ont prêté allégeance, il menace :

Peu importe combien nous tuons d’ennemis, combien nous avons de victimes. Il est possible que nous ayons des dizaines de milliers de morts, et notre ennemi que quelques milliers. Ce qui est important, c’est qui est le vainqueur à la fin.

Pour se justifier, il poursuit :

Notre guerre est une guerre d’idées, de foi et de croyance. Nous devons tout faire pour protéger les Sunnites. Nous devons utiliser nos cerveaux et demander de l’aide à Allah […] ne pas perdre confiance dans le fait que Allah nous apportera la victoire. C’est la promesse qu’Allah nous a faite. C’est écrit dans le plus noble des livres, le Coran.

Pour continuer à encourager ces jeunes djihadistes, Al Julani promet :

Nous n’atteindrons pas que Damas. Jérusalem nous attend aussi. Chaque balle que nous lançons ici, a des répercussions dans tout le monde islamique.

Et pour flatter ses troupes, il ajoute :

Votre place de combattant du Jihad sur cette terre bénie est en soi un honneur que vous prodigue Allah, qui vous a choisi parmi des milliards de personnes.

Et comme pour les rassurer :

Vous ne devez pleurer que pour une seule chose : d’être tué sans avoir fourni satisfaction à Allah.

Pour en savoir plus : https://www.memri.org/tv/hts-leader-joulani-in-pep-talk-not-defeated-jerusalem-awaits-us

[1] Assemblée pour la libération du Levant.

[2] La jizya est l’impôt spécifique aux non-Musulmans dans les sociétés régentées par la sharia. Il va de pair avec le statut de dhimmi. « Le Coran spécifie que le dhimmi se doit de payer la taxe de la Jizya en étant ‘humilié’ » : https://wikiislam.net/wiki/Coran,_hadith_et_savants_:_La_Jizya

[3] Les Alaouites représentent 12% de la population syrienne. La dynastie Assad en est issue. Ils se rapprochent de l’Islam chiite.

[4] Le statut de dhimmi, dans les sociétés musulmanes, est réservé aux Juifs et aux Chrétiens. En échange d’un impôt spécifique supplémentaire et de certaines discriminations auxquelles ils sont soumis, ils sont « protégés » par le pouvoir. https://fr.wikipedia.org/wiki/Dhimmi

© Laurent Cudkowicz

Source: Times of Israel

https://frblogs.timesofisrael.com/mais-que-pense-le-nouvel-homme-fort-de-syrie

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1 Comment

  1. En lisant ceci, on comprend mieux pourquoi les autorités de la Raie Publique se félicitent de cette prise de pouvoir. De nouvelles atrocités et possiblement de beaux crimes contre l’humanité en perspective…

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