il etait une fois une rue Saint Charles à Tunis… là où s’imprimait le « PETIT MATIN » de Simon Zana. Pour certains c’était la rue qui menait au Lycée Carnot. Pour d’autres celle qui menait à l’Avenue Jules Ferry, et pour de très nombreuses personnes, c’était le coin de Nanou.
« Chez Azar rien n »est au hasard », un des lieux les plus populaires de la Capitale… C’était, tous les matins, le délicieux bol de CHAHLEB -sorgho-saupoudré de HABET HLAOUA-gingembre-, ou l’appétissant bol de LABLABI -pois chiches- avec de l’huile, de l’harissa et du citron.
Nanou préparait les meilleurs casse-croute tunisiens.
Il faut se rappeler cet homme souriant et affable, accueillant et généreux, qui avait inventé pour lui tout seul des « protège-chaussures » tenus par un élastique pour éviter de salir ses souliers avec cette excellente huile d’olive qui dégoulinait… Il avait devant lui des bols -qu’il changeait fréquemment, signe de fraicheur mais aussi illustration du très grand nombre de clients. On remarquait avec quelle dextérité ses mains passaient du thon de Sidi Daoud aux olives noires et vertes, du citron à la saumure aux navets, des carottes bouillies à l’harissa et aux rondelles d’oeufs durs dont il farcissait ce petit pain italien qui devenait le meilleur casse-croute du monde.
Et là, Juifs, Arabes, Italiens, Francais, Maltais et Grecs, bref tout ce Tunis pluriel se rendait chez Nanou la salive à la bouche pour déguster avec un appétit vorace cette nourriture… qui -comme disait la chanson populaire- donne « des forces et de l’énergie ».
Nanou avait réussi à transformer la gastronomie en une forme élaborée de la civilisaton juive tunisienne.
La Tunisie a fait quitter ses Juifs… et Nanou se retrouva à Paris.
il a reconstitué avec autant de coeur que de talent à la rue Geoffroy Marie son restaurant et c’était toute la cuisine tunisienne, bkaila et akoud, minina et briks, bsal loubia et ganaouia et j’en passe, pour arriver à son célèbre arissat louz qui remplissait d’aise Albert Simon, Charles Haddad mais aussi surtout son client numéro un, Philippe Seguin.
Vous comprendrez aisément que de passage à Paris, c’était ma cantine. Je n’oublierai jamais la chaleur avec laquelle il m’accueilait: je venais de Jerusalem et c’était très important pour lui.
C’est avec la disparition de Nanou un pan de l histoire des juifs de Tunis qui disparait, mais le fait que les restaurants tunes se soient multipliés c’est peut-être le plus coup de chapeau à l’un des pères de la cuisine tunisienne.
SAHA YA NANOU
Claude Sitbon
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