Le dernier Rosh Ha-Shana d’Amos Oz. Par Daniel Sarfati

Pour son dernier Rosh Ha-Shana, l’écrivain Amos Oz avait reçu une étrange visite, à Tel Aviv. 

Celle du Rabbin Shneour Zalman Schneerson. 

A priori, pas de lien de parenté avec Menachem Mendel Schneerson, le grand rabbin de Loubavitch, décédé en 1994, et longtemps tenu comme le Messie par ses disciples. 

Shneour Zalman n’était lui, que le modeste représentant du mouvement Habad à Rivne. 

Rivne ( Rovno ),  autrefois polonaise, maintenant en Ukraine, est une petite ville dont était originaire la mère d’Amos Oz, Fania Mussman.

L’écrivain a parlé de sa mère dans « Une histoire d’amour et de ténèbres », et il a nommé sa fille aînée, Fania. 

Oz et Schneerson se sont déjà rencontrés 4 ans auparavant. 

Les autorités de la ville de Rivne avaient demandé au rabbin d’être l’intermédiaire pour obtenir l’accord de la famille Oz, afin de déposer une plaque commémorative sur la maison familiale, devenue une attraction touristique pour les lecteurs d’Amos Oz. 

Amos Oz avait accepté. 

Schneerson lui avait alors demandé si il souhaitait qu’il prononce un Kaddish à la mémoire de sa mère et de sa grand-mère.

Non, avait répondu Amos Oz, mais si vous devez dire le Kaddish, faites le pour tous les juifs assassinés à Rovno. Pas uniquement pour ma famille. 

En ce Rosh Ha-Shana 5779, septembre 2018, Amos Oz est très affaibli par sa chimiothérapie.

C’est à peine si il peut se lever pour accueillir Schneerson.

Les deux se mettent à discuter, comme de vieux amis. De Dieu bien sûr, mais aussi du « Tania », un ouvrage mystique qu’Amos Oz affectionne particulièrement. 

Amos Oz n’est pas croyant mais aime parler des textes du Talmud, qui pour lui, sont les fondations de la culture juive. 

« Vous n’irez pas à la synagogue, demain ? », demande Schneerson. 

Amos Oz a un sourire pâle.

« Non. Pas plus que les autres années. »

Le rabbin sort de son sac, un shofar. 

Humblement, il demande : 

« J’aimerais sonner le shofar pour vous et votre famille. Le permettez vous ? »

Amos Oz ferme les yeux, il semble endormi. 

Puis, d’une voix basse, il répond :

« Vous êtes un peu en avance, cette année…

Mais, oui… J’aime le son du shofar. »

Schneerson souffle plusieurs notes brèves et sourdes. 

Amos Oz a moins de souffle, mais il parvient à dire. 

« Je vous remercie.,, Shana Tova Rabbi. »

Amos Oz est décédé trois mois plus tard, le 28 décembre 2018. 

J’ai appris cette mauvaise nouvelle à Bilbao. 

Je sortais du Musée Guggenheim. 

Sur le parvis, un homme jouait du saxophone. 

Un morceau de John Coltrane, « Naïma ».

Une mélodie à la fois belle et triste, qui soudain s’interrompt comme un point final. 

J’étais devenu orphelin.

© Daniel Sarfati
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