Assouline ou Rouaud + Skowronek … De précieux conseils en écriture 

Comment écrire ? A cette épineuse question, si souvent posée à toutes les époques aux écrivains reconnus par des candidats à l’écriture (ceux-là mêmes qui remplissent les dizaines d’ateliers d’écriture fleurissant aux quatre coins de France), Pierre Assouline de l’Académie Goncourt d’une part (1), Jean Rouaud et Nathalie Skowronek d’autre part (2) apportent en parallèle leur réponse en cet automne 2024. 

« Comment Ecrire » titre Pierre Assouline pour son livre de 336 pages paru chez Albin Michel. « Nécessaire d’écriture… Conseils aux jeunes romanciers » titrent Rouaud, Skowronek et les éditions Seghers pour leur livre de plus petit format mais de 320 pages.

Bel objet que le premier cité, avec sa couverture cuivrée et une longue liste d’auteurs écrits accompagnant ces mots : « Tous les conseils techniques et secrets des meilleurs écrivains français et étrangers ». Le reste de l’ouvrage est à l’unisson, avec de belles illustrations monochromes au cœur du texte, des photos d’auteurs et de manuscrits, des dessins et des couvertures d’ouvrages, ainsi que des citations et autres intertitres qui permettent d’aborder l’ouvrage en le picorant tel un dictionnaire et non pas obligatoirement en le lisant « dans l’ordre ». 

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Plus petit de format, et doté d’une maquette somme toute plus classique, le Rouaud + Skowronek bénéficie aussi d’illustrations, mais en moins grand nombre (surtout des photos de manuscrits célèbres). Régulièrement, un aplat sombre apparait qui recèle un exercice, inspiré des meilleures pratiques des ateliers d’écriture. 

Opposés sur la forme, ces deux beaux et bons ouvrages ne s’opposent pas tant que cela sur le fond. L’idée n’est pas de fournir à l’apprenti-écrivain un simple vadémécum ou une somme de recettes basiques à appliquer sans discernement, comme des « tutos » vulgarisés par Internet et les réseaux sociaux. Pas plus de se transformer en guide spirituel et de vie, comme Rilke dans ses « lettres à un jeune poète ». 
Dans les deux ouvrages, il y a le plaisir de la découverte mais il y a surtout la nécessité de comprendre les ressorts de la « bonne » littérature, pas stéréotypée, alimentée par la vie de l’auteur et de ses rencontres, ouverts à son époque, ses congénères, ses consœurs et confrères, etc.  

« Ce livre ne vous rendra pas écrivain » prévient d’emblée Assouline, avant d’ajouter : « Et un enseignement, pas davantage. L’un et l’autre vous aideront seulement à écrire si vous avez en vous le désir, la capacité, la disposition, le coup de menton nécessaires. » 

S’appuyant sur un nombre impressionnant de sources, citées exhaustivement en fin d’ouvrage, son « Comment Ecrire » nous parle de la méthode, du plan, du genre (et son roi, le roman), du narrateur (qui parle ?), du style, de la construction des lieux et des personnages, des dialogues aptes à transformer une simple histoire en un grand récit, des affres nécessaires de la relecture, de la révision et de la correction, de l’intitulé du livre et de sa conclusion (savoir terminer une histoire n’est pas chose aisée). 

Habilement structuré lui aussi, le livre du duo, publié chez Seghers, justifie son titre « Nécessaire d’écriture », comme il peut y avoir pour la couturière un « Nécessaire de couture », par la volonté de fournir à l’écrivain en début de parcours les outils qu’il lui faut pour avancer et adapter ses moyens à sa volonté, au motif qu’on ne nait pas écrivain on le devient, quand bien même certains ont bien entendu des prédispositions ou un talent natif marqué. 

S’appuyant là encore sur une bibliographie en béton, l’ouvrage de Rouaud et Skowronek propose un plan différent (mais somme toute complémentaire) de celui d’Assouline. Après s’être interrogés sur le pourquoi de l’écriture et sur les débuts face à la page blanche, les deux auteurs posent la question « quoi écrire ? » quand on veut devenir romancier, et offre régulièrement au fil des pages plusieurs exercices pour y répondre. 
Les autres thèmes sont à l’avenant : l’inspiration et les influences de l’écrivain, sa capacité à entendre ou à écouter (ce qui n’est pas la même chose), la construction d’une scène et son insertion dans un récit global, les questions de genres (on parle ici de genres littéraires), la création des personnages, là encore l’intérêt à savoir construire des dialogues qui soutiennent le récit, et puis l’imaginaire, les questions du temps et de l’inconscient, de la conclusion et du rapport de l’écrivain à son manuscrit (quand sait-il par exemple que l’heure du point final est arrivé ?).

Bref, vous l’avez compris, ces deux livres, qui fourmillent tous les deux d’exemples et d’anecdotes (et de magnifiques images pour l’ouvrage de Pierre Assouline), s’avèrent plus qu’utiles et vraiment complémentaires, pour appréhender le travail de l’écriture. 
Car il s’agit bien d’un travail. Souvent d’un sacerdoce… 

Cette question vous passionne, comme elle me passionne ? Vous avez envie de passer d’un statut de monsieur Jourdain à un statut de réel d’auteur construisant des récits dignes d’intérêt et les partageant avec un public ? Ces deux livres valent le coup à la dépense (24,90€ pour l’Assouline, 21€ pour le Rouaud + Skowronek). Pour les passionnées d’écriture et de littérature, ils valent indéniablement beaucoup plus que leur valeur faciale ! 

© Gérard Kleczewski

  • « Comment Ecrire », de Pierre Assouline de l’Académie Goncourt, Editions Albin Michel, 336 pages.
  • « Nécessaire d’écriture », de Jean Rouaud (prix Goncourt 1990) et Nathalie Skowronek, Editions Seghers, 320 pages.  

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