L’imam Mohamed Nadhir répond à la question: « Mon mari a-t-il le droit de m’empêcher de sortir »

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  1. Mais à quoi bon sortir ? Quand dehors règnent le Mal, Satan, les regards concupiscents des autres. L’Occident, depuis les Grecs, a partagé le monde des hommes d’une toute autre manière. Il existe selon eux deux espaces bien distincts, et qui se définissent chacun positivement : le privé, le domestique, l’oïkos (dans lequel à l’époque des Grecs, les femmes sont cantonnées, voire cloîtrées) et le public, la polis, la cité, donc d’un côté la société civile des familles et de l’autre l’État inter-familial. Toute l’histoire de l’Occident est l’histoire difficile, lente et progressive de l’émancipation des femmes. Ou comment elles sont sorties du gynécée, de l’espace domestique pour conquérir peu à peu l’espace public, inter- et trans-domestique. Il fallait pour cela au passage qu’elles soient autre chose que des mères ou qu’elles ne soient pas que des mères, c’est-à-dire qu’elles soient reconnues d’abord comme des femmes, terme qui signifie autre chose que « mères en puissance ». Ce mouvement de libération commence à s’amorcer dès la Grèce classique comme en témoigne Aristophane, mouvement sur lequel, le monde latin romain puis catholique, saura mettre un coup de frein énergique jusqu’à la Renaissance.

    Dans l’Islam, il n’y a pas d’opposition entre le privé et le public, mais plutôt entre le domestique et le « non-domestique », le « dehors », espace interdit aux femmes (haram) et autorisé aux hommes (halal) à la condition qu’ils comprennent que cet espace extérieur n’est pas un lieu d’associations collectives (capables de produire des innovations en matière économique, culturelle, sociale, scientifique, etc., que Bacon nommera dès le XVIIe siècle « le progrès ») mais un lieu fait de menaces, un tissu de tentations, au mieux un lieu de prières (la mosquée). Dehors, en effet, le mal rôde partout. Dans la maison, où le mari doit faire la loi au nom d’Allah, les choses sont plus rassurantes si le mari exerce bien son autorité, qu’il se montre bon musulman, c’est-à-dire tyran domestique. Dans l’espace « non-domestique », extérieur, défini de manière purement négative, c’est aux autorités religieuses et politiques de faire la police, de surveiller en permanence les bons musulmans. Un bon État musulman est d’abord un bon État policier, un bon tyran public ! Bref des tyrans ou des seigneurs partout à la maison comme au dehors à recevoir les hommages fidèles de leurs vassaux ! On comprend mieux ainsi pourquoi les femmes doivent être voilées c’est-à-dire niées, effacées du monde extérieur, monde dans lequel, quand elles apparaissent, elles ne doivent le faire que sur le ton de l’anomalie ou de l’intrusion, vêtues de ces habits de deuil évoquant irrésistiblement aux yeux de tous la mort plutôt que le désir ou la vie. Le voile, c’est un peu le « memento mori » du musulman, une sorte de « vanité » sortie des cadres d’un tableau. Ce regard paranoïaque, jamais en sommeil, frappe immédiatement ceux qui ne sont pas nés en terre d’Islam. Je me souviens de ce qu’en disait Claude Lévi-Strauss à ce propos. Ainsi la prière qui n’est pas laissée à la liberté de chacun mais qui procède d’un appel ou d’un rappel à l’ordre du haut du minaret où Allah et les autorités veillent et surveillent ! Au point même que tout cela dénote peut-être un certain manque de confiance dans le pouvoir du Dieu auquel on dit croire, à vaincre le Mal… Preuve supplémentaire de pessimisme ou de décadence aurait dit Nietzsche. Nulle confiance jamais devant ce que les hommes et les femmes réunis peuvent faire collectivement, ensemble (en dehors des enfants, mais cela c’est chez eux !) Méfiance de chaque instant à leur endroit, même souci de les séparer et les surveiller en toute rigueur, avec l’aide d’une police de la vertu si besoin est comme en Iran ou à Wuppertal ! Ne dites pas qu’il n’y a que le ridicule qui ne tue pas, car l’Islam fournit, hélas, en la matière, de nombreux et tristes contre-exemples.

    On peut comprendre que nombre de musulmans acculturés et occidentalisés veuillent changer cet état de fait civilisationnel. Bon courage à eux ! Mais quelques rares arbres ne doivent pas nous cacher l’ensemble de la forêt. Le monde musulman ne changera pas sa vision du monde, ses cadres conceptuels tant qu’il sera musulman. Et pourquoi les changerait-il quand par ailleurs les cadres conceptuels de l’Occident wokisé, algébétisé, déconstruit ont produit, pour leur part, cet effarant et effrayant pandémonium dont nous sommes les témoins au quotidien ? L’Occident s’effondre et l’Islam se radicalise, autre façon de s’effondrer, sans doute, plus « virile » et plus sanglante.

    Appelons tout ce que je viens de dire du mauvais essentialisme, si l’on veut. Il n’empêche. Qu’on relise quand même le prophétique Samuel Huntington, si injustement diffamé par tout le Gauchistan de l’époque. Les changements opérés dans le monde musulman, sous l’effet du progrès technique par exemple, totalement universel et acculturé, du moins en apparence, n’entament en rien cette structure conceptuelle fondamentale, à laquelle de nombreux musulmans fréristes ou salafistes radicalisés souhaitent ardemment qu’on s’en tienne mordicus ou qu’on fasse retour.

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