“Soutenir la Palestine”. Note sur l’antisémitisme de synthèse. Par Georges-Elia Sarfati

  • Note sur l’antisémitisme de synthèse

L’attentat djihadiste perpétré au matin du 26 Août 2024 contre la synagogue Beit Yaacov de la Grande Motte présente tous les caractères du passage à l’acte motivé par ce qu’il y a lieu de nommer un antisémitisme de synthèse. Toutes les motions de la haine antijuive s’y trouve agrégées sous une justification lapidaire : cela a été fait “pour soutenir la Palestine”. 

Régulièrement, depuis le 7 octobre 2023, les instituts de sondage français chiffrent la montée hyperbolique de l’antisémitisme actif : entre 2022 et 2023, les agressions antijuives ont été multipliées par quatre (de 436 à 1676), à quoi s’ajoute une augmentation supérieure à 200% au cours du premier trimestre de l’année 2024. Ce taux de violence est d’autant plus symptomatique qu’il se concentre sur une population ne dépassant pas 1% de la population française[1].

L’auteur présumé de l’attentat, K. El Hussein, a mis ostensiblement en scène son forfait, affublé de la panoplie du terroriste islamiste, en se donnant les allures d’un stéréotype vivant. Même si la vidéosurveillance qui a permis de l’identifier n’avait pas fonctionné, cet homme, proprement endoctriné, a rejoint le lieu de ses cibles en arborant tous les insignes qui donnent sens à son geste : le visage entièrement enveloppé dans un keffieh, la taille et les jambes ceintes d’un drapeau palestinien, une arme de poing tenue par un ceinturon, et portant une bouteille d’essence à la main. Cet accoutrement, porté comme une bannière destinée à héroïser son projet de destruction et d’assassinat collectif, s’est volontairement offert aux regards pour témoigner de la signature du palestinisme. C’est le premier indice de l’antisémitisme de synthèse, puisque la violence antijuive contemporaine prend sa source dans la levée d’inhibition planétaire qui, depuis les massacres du Hamas, s’est substituée dans l’opinion à toutes les autres formes historiquement connues de l’idéologie judéocide.

D’autre part, le fait de s’en prendre dans une ville française à un édifice cultuel de la communauté juive de l’Hérault indique que cet antisémitisme est aussi fait pour dérouter les esprits faibles, sécularisés jusqu’au déracinement, conditionnés à tout ignorer d’une idéologie qui n’est pas la leur. Or le palestinisme, qui est la version occidentalisée de l’islam politique, n’a que faire de la distinction entre un Juif citoyen d’Israël et un Juif citoyen d’un autre Etat.

Cela nous oriente vers la caractérisation d’un troisième trait : l’antisémitisme de synthèse témoigne d’une haine de l’altérité juive, qui est aussi la marque de l’islam conquérant du premier siècle de l’Hégire, et ce schème fait partir intégrante de la transmission commune dans une mentalité culturelle qui est tendanciellement demeurée celle des sociétés closes. Les Juifs sont des dhimmis, qu’il convient de mépriser, d’opprimer, en les exposant périodiquement à une violence sans reste, notamment lorsqu’ils se mêlent d’affirmer aussi une velléité d’indépendance nationale. L’histoire de l’Etat d’Israël est l’histoire de la résistance constante d’un Etat à majorité juive souveraine contre les assauts répétés de ce refus radical. Et pour un musulman élevé dans cet état d’esprit archaïque, les Juifs citoyens des États modernes sont ipso facto des citoyens potentiels de l’Etat d’Israël, et même s’ils ne le sont pas ils sont forcément des sionistes dans l’âme.  Il faut donc aussi les frapper là où ils prospèrent, même si leur solidarité ou leur attachement sentimental vis-à-vis de la Terre d’Israël se ressource d’abord à une appartenance affective entretenue par les thèmes de la liturgie. Un autre point de vue qu’il convient de prendre en compte pour compléter la compréhension de cet antisémitisme.

Par son caractère multiforme, le palestinisme est la forme actuelle la plus achevée de l’antisémitisme de synthèse, puisqu’il fond dans le même enthousiasme l’antijudaïsme théologique (dans la version coranique du monothéisme), l’antisémitisme moderne (par la criminalisation des Juifs où qu’ils se trouvent), et l’antisionisme politique, dont l’une des souches s’enracine précisément dans l’idéologie du nationalisme palestinien qui est allé croissant tout au long de la période du Mandat britannique, principalement édifié sur une portion de l’ancien empire ottoman.

La composante antisioniste, ici fortement marquée par une théologie politique fondée sur le principe de la guerre sainte, entre en résonnance directe avec les représentations culturelles communes de ce que signifie Israël pour de vaste fractions de la population contemporaine : une présence occidentale en plein cœur du monde arabo-musulman, et – toujours dans le langage de l’idéologie européenne- une entreprise coloniale, quoi que nous apprennent et l’histoire du colonialisme et l’histoire distincte du sionisme. C’est dire que le palestinisme, en tant que paradigme actuel de l’antisémitisme de synthèse, voit l’efficacité de son discours redoublée par le prisme occidental, faussé par le wokisme et le post-colonialisme, lesquels viennent lui conférer, à point nommé, ses justifications les plus profondes. La preuve par le chiffre, une fois de plus, se traduit dans les faits, par l’absence spectaculaire des citoyens français non-juifs aux manifestations.

La dernière composante de ce montage idéologique, et là nous sommes très au-delà de la synthèse, puisque cela relève de la pure coïncidence spéculaire, consiste dans le discours de compassion qui caractérise si bien l’unanimisme de la classe politique à condamner dans une même réprobation le “fléau de l’antisémitisme”. Mais, il faut bien admettre que ce discours est d’autant plus fort qu’il est passéiste, et d’autant plus permissif à l’endroit de ce qu’il prétend réprouver que le personnel politique qui le profère se refuse à en nommer les causes.

En somme, ce que nous avons appelé l’antisémitisme de synthèse est un hybride de toutes les formes de la judéophobie, uniment et inutilement condamnées grâce à l’impératif rhétorique du déni civique, culturel et politique.

Georges-Elia Sarfati : Linguiste, philosophe, psychanalyste existentiel. Fondateur de l’Université Populaire de Jérusalem. Poète, lauréat du Prix Louise Labbé.


[1] D’après M. Sadoun, données fournies dans son article du 29 Août 2024 paru dans Le Figaro

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