Hamid Enayat. « Détruire l’espoir de ceux qui croyaient en une réforme de l’intérieur du régime iranien »

Une femme passe devant une fresque murale représentant des drapeaux nationaux iraniens dans une rue de Téhéran, le 20 août 2024. AFP.

Hamid Enayat, politologue, spécialiste de l’Iran, collabore avec l’opposition démocratique iranienne (CNRI). Pour La Dépêche, il analyse la prochaine élection présidentielle. L’Iran a annoncé le 9 juin les six candidats, pour la plupart conservateurs, approuvés pour l’élection du 28 juin pour remplacer le président Ebrahim Raisi, tué dans un accident d’hélicoptère.

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Avec 29 exécutions en une seule journée, un mercredi sanglant sans précédent depuis trente ans, le régime iranien a annihilé tout espoir de réforme pour ceux qui y croyaient encore avec l’arrivée du nouveau président prétendument réformiste. Alors qu’en 2018, grâce à la vigilance des polices française, belge et allemande, ce régime n’avait pas réussi à faire exploser le grand rassemblement des opposants iraniens à Villepinte, Paris, dans le but d’éliminer la dirigeante de l’opposition Maryam Radjavi, cette fois, il a complètement réussi à faire voler en éclats l’espoir de ceux qui pensaient encore à une possible réforme.

La police des mœurs, tel un chien enragé, poursuit ses exactions. Une jeune fille a été violemment battue, et la vidéo est devenue virale. Les exécutions se multiplient à un rythme effréné, et certains prisonniers politiques, après avoir enduré 15 ans d’emprisonnement, ont été exécutés. La machine à tuer ne s’arrête jamais. Pendant ce temps, le nouveau président, Massoud Pezeshkian, refuse de prendre position et continue de penser à sauver un régime qu’il décrit lui-même comme étant au bord du précipice. Massoud Pezeshkian avait déclaré qu’il était venu pour sauver un régime fondé sur le principe du Guide suprême, dont la volonté prime sur celle du peuple, et dont tous les organes de sécurité et militaires dépendent directement de son bureau.

Ceux qui espéraient qu’un président pourrait empêcher la police des mœurs de s’en prendre aux femmes et aux jeunes filles iraniennes, lever le filtrage de l’internet, ou autre, sont soit des charlatans et des démagogues, soit totalement ignorants de la véritable nature de ce régime. La deuxième option semble peu probable, car quiconque a vécu ne serait-ce qu’un jour sous la botte de ce régime médiéval comprendra que ce qui se passe en Iran n’a rien à voir avec un gouvernement au sens conventionnel du terme. C’est un mélange de pillage, de despotisme débridé, de dictature, de fascisme religieux, de totalitarisme, d’oligarchie, et de toutes les formes de domination.

Cette entité, surgie des profondeurs de l’histoire, a pris en otage l’Iran et sa civilisation depuis plus de quatre décennies en abusant du nom de Dieu et de la religion. Promouvoir la réforme et le changement de ce régime de l’intérieur, tout en diabolisant ceux qui aspirent à son renversement, n’est pas seulement du charlatanisme, mais aussi une complicité active avec ce régime pour prolonger sa survie.

Complicité dans les crimes et les exécutions

Ce que Massoud Pezeshkian et son complice Javad Zarif, ancien ministre des Affaires étrangères, ont accompli relève d’une véritable complicité dans les crimes et les exécutions. Ils ont fait croire que, sans un vote pour Massoud Pezeshkian, Saïd Jalili, le candidat malheureux, ainsi que d’autres figures de l’aile dure, accéderaient au pouvoir, ce qui serait source de regret, mais trop tardif pour agir.

Ils ont ignoré que toute véritable réforme commence par l’abolition des exécutions, la mise en place de mesures pour contrôler la police des mœurs, et se poursuit par la levée des restrictions et la fin du filtrage d’internet, entre autres. Le président, qui se déclare lui-même soumis aux « politiques générales du Guide suprême », n’a même pas osé, ne serait-ce qu’en parole, s’opposer aux exécutions incessantes et à la censure d’internet, et encore moins remettre en question la « dissolution du Conseil des Gardiens » ou d’autres réformes essentielles.

La politique de consolidation se poursuit

Avec la présentation d’un cabinet dont la composition a été dictée par le bureau de Khamenei, il est une fois de plus évident que toute attente de changement de l’intérieur de ce régime n’est qu’un mirage. La politique de consolidation, que Khamenei a initiée durant le dernier mandat de Hassan Rohani pour faire face aux vagues de soulèvements nationaux, reste désormais sa seule option. Il n’a même plus la capacité de manœuvrer. Cependant, Massoud Pezeshkian ne fait qu’accentuer les divisions au sein du régime. Ce régime ne peut survivre que par la répression interne, le bellicisme, ainsi que le terrorisme à l’étranger.

Il est indéniable que ce régime est condamné à accepter la fracture à son sommet, alors que les contradictions internes s’exacerbent, les crises mortelles en politique étrangère s’accumulent, les impasses militaires se multiplient, et la société se prépare à une nouvelle vague de soulèvements. Cette situation est si évidente que même les experts au sein du régime en sont conscients et lancent des avertissements dès maintenant :

« … Si M. Pezeshkian ne prend pas les bonnes décisions, je vous le garantis, dans quatre mois, nous assisterons à des manifestations massives dans les rues de Téhéran, et cela pourrait dégénérer en massacres à travers le pays » (Taghi Azad Armaki, YouTube Abdi Media, 22 août 2024).

Se tenir du bon côté de l’histoire

Dans ce contexte, un journaliste français d’un grand quotidien, connu pour sa complaisance envers le régime iranien, tient des propos qui poussent à céder au chantage du régime iranien concernant les otages en mettant la pression sur l’opposition iranienne que Téhéran craint le plus. Tenir ce genre de propos faisant l’éloge de la lâcheté n’est pas seulement déshonorant mais encourage le régime des mollahs à poursuivre d’avantage sa diplomatie ignoble des otages.

Ali Khamenei sait mieux que quiconque que des soulèvements encore plus puissants que ceux de 2022 se profilent à l’horizon, sans quoi il n’aurait pas misé toute sa stratégie sur la consolidation de ses forces et de son régime, au prix d’écarter ses meilleurs collaborateurs.
Si nous n’écoutons pas l’appel des opprimés en Iran, qui souffrent depuis quarante ans sous les tortures les plus atroces, si nous ne prêtons pas attention aux valeurs d’égalité et de justice issues de la Révolution française pour nous placer du bon côté de l’Histoire, écoutons au moins Ali Khamenei, ce vieux dictateur sénile, qui ne cesse de rappeler, par mille et un signes, l’inéluctabilité de sa chute.

© Hamid Enayat

https://www.ladepeche.fr/2024/08/20/tribune-detruire-lespoir-de-ceux-qui-croyaient-en-une-reforme-de-linterieur-du-regime-iranien-12150604.php

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