État palestinien, mythes et mythes. Par Klod Frydman

 Dhimmi Watch

« Le peuple palestinien n’existe pas. La création d’un État palestinien n’est qu’un moyen de poursuivre notre lutte contre l’État d’Israël pour notre unité arabe. En réalité, aujourd’hui, il n’y a pas de différence entre les Jordaniens, les Palestiniens, les Syriens et les Libanais. Ce n’est que pour des raisons politiques et tactiques que nous parlons aujourd’hui de l’existence d’un peuple palestinien, puisque les intérêts nationaux arabes exigent que nous postulions l’existence d’un “peuple palestinien” distinct pour s’opposer au sionisme » (déclaration de Zaheir Muhsein, membre du comité exécutif de l’OLP, dans une interview publiée le 31 mars 1977 par le quotidien néerlandais Trouw, citée par Pierre-André Taguieff au Colloque de Dummi Watch, 11 avril 2024, à Paris).

Qui s’intéresse vraiment à un état de Palestine, aujourd’hui ? Pas grand monde, semble-t-il, à part ceux qui profèrent des slogans jihadistes. C’est pourtant un narratif essentiel des Frères musulmans, au nom duquel ils mobilisent l’extrême gauche. Aussi, DW donne ici la parole à Claude Frydman, ingénieur informaticien, spécialiste de la colonisation en Palestine. Claude montre ici comment les dirigeants arabes n’ont pas créé l’état palestinien lorsqu’il était pourtant à leur portée.

Prologue

La période du mandat britannique qui a précédé la création de l’État d’Israël a été marquée par la rivalité de l’Allemagne nazie et de l’Angleterre pour obtenir l’alliance avec les Arabes. Les Juifs de Palestine ont majoritairement opté pour la Grande Bretagne. Les clans arabes dominants se sont divisés, le clan Husseini a choisi l’Allemagne et le clan Nashashibi l’Angleterre.

En nommant Amin el-Husseini Grand Mufti de Jérusalem, l’autorité religieuse et politique suprême, les Anglais avaient choisi de s’allier au clan Husseini qui représentait ceux que la gauche palestinienne de l’époque appelait féodaux-cléricaux[1], alliance de la ploutocratie et de l’obscurantisme. Amin el-Husseini qui avait organisé les émeutes arabes contre les Anglais et les Juifs se tourna bientôt vers l’Allemagne nazie.

Les partisans du Muftî Husseini étaient appelés majlisin, terme dérivé de al-majlis al-islami al-a’la, le Suprême Conseil Musulman ; leurs adversaires étaient les mu’aridin, les opposants, du Parti National de la Défense dirigé par Ragheb Nashashibi, le maire de Jérusalem. En 1936, Nashashibi a rejoint le Comité Arabe Supérieur, formé à l’initiative d’Amin al-Husseini, cependant il en démissionna très vite avec ses alliés des clans Khalidi et Dajani.

Le clan Nashashibi a eu une fortement influencé les affaires palestiniennes durant la période du mandat britannique, de 1920 à 1948. Il a rivalisé avec le clan Husseini pour la direction des affaires politiques arabes palestiniennes. Les Nashashibi modérés, nationalistes et humanistes représentaient la bourgeoisie libérale, ils ont été vaincus.

Le 29 novembre 1947, l’ONU a voté le plan de partage de la Palestine mandataire entre un État Juif et un État Arabe. Trente-trois pays ont voté pour et treize contre. Les pays arabes refusent ce partage. Dès le lendemain de nouvelles émeutes arabes éclataient.

Le 14 mai 1948, dernier jour du Mandat britannique, David Ben Gourion, proclame l’indépendance de l’État d’Israël. Les armées des pays arabes voisins, Liban, Transjordanie, Égypte, Syrie, Irak ainsi que l’Armée de libération arabe[2]envahissent, dès le lendemain, le nouvel État. Toutes ces armées seront battues ou repoussées, à l’exception de la Légion Arabe jordanienne qui tiendra la Cisjordanie et Jérusalem Est. Cette guerre, très meurtrière, s’est terminée en juillet 1949.

État palestinien – acte 1

Le 30 Septembre 1948, sous le contrôle de l’Égypte, un congrès Palestinien réuni par la Ligue Arabe à Gaza, proclamait pour la première fois la création de l’État Palestinien alors que la guerre avec Israël faisait rage et que les clans palestiniens étaient rivaux. L’Égypte soutenait le Muftî. Le roi Abdallah de Jordanie, qui avait l’intention d’annexer la Cisjordanie, soutenait Ragheb Nashashibi.

Le périmètre de l’État Arabe de toute la Palestine a été défini : il recouvrait toute la superficie partagée par l’ONU en un État Juif et un État Arabe. Il comprenait, bien entendu, la totalité du jeune état d’Israël, « du fleuve à la mer (du Jourdain à la Méditerranée) ». Le président de cet État palestinien a été désigné par l’Égypte, c’était le Mufti, Amin el-Husseini, recherché comme criminel de guerre après la seconde guerre mondiale. Dans son gouvernement, on trouvait ses cousins Jamal el-Husseini, ministre des affaires étrangères et Raja el-Husseini, ministre de la Défense. De nombreux parents et partisans du Muftî en faisaient également partie. Le premier ministre était le banquier Ahmad Hilmi Pacha. Par contre, l’opposition y était absente.

Une Constitution provisoire fut votée. Jérusalem a été proclamée capitale. Un drapeau fut adopté, celui de la révolte Arabe de 1936, d’après le dessin réalisé par l’Anglais Mark Spikes pour l’armée bédouine de Lawrence d’Arabie. Une délégation à l’ONU fut désignée, des milliers de passeports distribués, une armée créée.

Cet État fut reconnu par l’ensemble des pays de la Ligue Arabe, sauf par la Transjordanie, qui avait annexé la Cisjordanie. Tous les Juifs ont été expulsés des zones restées sous souveraineté arabe, Cisjordanie, Jérusalem Est et Gaza.

Ce premier État palestinien était symbolique. Il n’avait aucun pouvoir exécutif. Le gouvernement n’a duré que quelques semaines. L’État Palestinien a fini par être dissout par le président égyptien Nasser qui a annexé la Bande de Gaza. Pour l’historien Benny Morris « tout était farce »[3].

État palestinien – acte 2

Depuis 1964, date de la fondation de l’OLP, l’indépendance de la Palestine est pour elle un objectif annoncé.

Le 31 juillet 1988, le roi Hussein de Jordanie renonce à revendiquer la Cisjordanie, que les Jordaniens avaient annexée en 1948. Il ne la contrôlait plus depuis qu’en 1967, à la guerre des six jours, elle était passée sous domination israélienne.

Après cet évènement, les dirigeants de l’OLP se sont réunis à Alger et le 15 novembre 1988, Yasser Arafat a déclaré l’indépendance de la Palestine. Il a accepté les résolutions 242 et 338 pour être reconnu par l’ONU, impliquant le rejet du terrorisme et la reconnaissance d’Israël.

Une vingtaine de pays ont immédiatement reconnu l’État palestinien qui est défini comme un État arabe, indissociable de la nation arabe (actuellement 147 pays ont reconnu la Palestine). Jérusalem a été déclarée capitale, Arafat a été élu président par les soixante dix sept délégués du Conseil central.

Aucune conséquence juridique ou politique concrète n’a suivi la proclamation extra-territoriale de l’État palestinien.

La définition d’un État en droit international adoptée par la convention de Montevideo de 1933, est indépendamment de la reconnaissance par d’autres États « une entité dotée d’un territoire déterminé et d’une population permanente dont son propre gouvernement a le contrôle, qui établit ou a la capacité d’établir des relations formelles avec d’autres entités semblables ». Rien de ce qui constitue un État n’est présent dans cette proclamation, en particulier ni territoire déterminé, ni gouvernement. Seule existe la reconnaissance par d’autres pays. L’État palestinien est reconnu mais il reste virtuel et théorique.

État palestinien – acte 3

2018. Nouvelles rumeurs concernant l’État palestinien en dépit d’une situation qui n’a pas évolué depuis 1948 entre Gaza et Ramallah. Après le Muftî et Yasser Arafat, Mahmoud Abbas, le troisième dirigeant palestinien, s’est rendu à l’ONU pour exiger la reconnaissance de l’État de Palestine avec Jérusalem comme capitale. Sans aucune surprise il a obtenu une majorité écrasante. Cette proclamation n’engage en rien les pays favorables. Elle ne sera d’évidence pas suivie d’effets et le statu quo symbolique continuera jusqu’à la prochaine fois.

C’est une étrange obsession des dirigeants palestiniens de chercher une reconnaissance internationale sans mettre en œuvre les outils qui rendent un État viable. Ce n’est pas par des intifadas, des assassinats, des tirs de roquettes que l’on peut fonder un État. Un État tourné vers l’avenir se construit sur un projet positif, et pas avec pour référence la Nakba, la catastrophe, et la glorification du martyre.

Ce qui fait l’État, c’est principalement l’économie, la politique, la culture et la capacité de faire respecter ses institutions et ses infrastructures. Sur tous ces points, même s’ils le nient, même si certains le déplorent, les Palestiniens sont totalement dépendants d’Israël. Si l’Autorité Palestinienne voulait vraiment un État, elle ne se contenterait pas de proclamations symboliques même si l’ego des dirigeants en sort momentanément renforcé. Elle chercherait, par la négociation avec Israël à obtenir une réelle autonomie.

2024 : L’Europe entre dans la danse, acte 4

En Europe, l’Espagne, l’Irlande, la Norvège, la Belgique, la Slovénie, peut-être bientôt la France, pour des raisons de politique intérieure liée à l’influence arabo-musulmane grandissante demandent la proclamation d’un état palestinien. Il n’est plus question de projet politique palestiniens, d’opposition entre libéralisme et absolutisme. Les féodaux-cléricaux ont gagné. L’éventuel état palestinien sera sous la domination des ploutocrates, djihadistes et dirigeants intégristes musulmans. Les Européens hostiles à Israël réclament le boycott des armes pour Israël, mêmes défensives et veulent interdire, comme le demande en France Mme Rima Hassan ou à l’Europe Monsieur Josep Borrel, le droit de l’Etat Juif, jugé illégitime, à se défendre.

La dhimmitude est de retour. Outre le paiement de la jysia, l’impôt obligatoire pour les non musulmans et de nombreuses mesures vexatoires, cela signifie qu’il est interdit aux chrétiens et aux Juifs d’être armés et si un musulman les insulte ils doivent baisser la tête et ne pas répondre.

Epilogue ?

Si les féodaux-cléricaux palestiniens et l’ONU, voire les pays européens mettent leur menace à exécution de délégitimiser l’État d’Israël, il s’en suivra une faillite totale de l’économie palestinienne, une débandade de l’autorité, la famine et la guerre. Le énième épisode de l’Etat palestinien finira comme les autres.

Emile Habibi était un nationaliste palestinien élu à la Knesset. Yitzhak Shamir lui remit le prix Israël de littérature. Lorsqu’on lui a posé la question « quand Israéliens et Palestiniens accepteront finalement de s’asseoir à la table des négociations, choisirez-vous de vous asseoir avec les Israéliens ou avec les Palestiniens ? ». « Je choisirai d’être la table », avait-il répondu. ».

Plutôt que le Mufti, que ne sert-il de modèle aux Palestiniens pour sortir du virtuel et du mythique !

© Klod Frydman, Etat palestinien : mythe et mythes, Dhimmi Watch, 24 juillet 2024 https://dhimmi.watch/2024/07/24/etat-palestinien-mythes-et-mythes-klod-frydman/

Illustration

L’illustration représente des villageois arabes qui discutent avec des kibutzniks juifs qui viennent d’acter leur achat d’une parcelle de terre. Beaucoup de ces jeunes agriculteurs avaient appris à parler arabe et manifesté un intérêt éclairé pour les traditions et le mode de vie arabes. Cette attitude aboutissait souvent à un respect et une confiance mutuels. 
Source : https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Arabs_and_Jews_celebrate_sale_of_land.jpg
Date et auteur inconnus, extrait du livre Pictorial History of the Jewish People, par Nathan Ausubel, pg. 310., Crown Pub., New York (1953).


Notes

[1] Ce qualificatif a été utilisé en particulier par les intellectuels palestiniens Ghassam Kanafani et Razzak Abdelkader.

[2] Cette armée, créée par la Ligue arabe, était composée de volontaires Syriens, de Libanais, d’Irakiens, de Jordaniens, d’Arabes de Palestine et de Frères musulmans égyptiens. On y trouvait aussi des bosniaques, des Allemands, des Turcs des déserteurs britanniques et des volontaires africains.

[3] Benny Morris, Righteous Victims: A History of the Zionist-Arab Conflict, 1881–2001 (New York: Vintage Books, 1999).


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3 Comments

  1. Une bonne partie de l europe chretienne est hysterique lorsque les juifs rentrent sur leur terre , il ne faut pas negliger le fond religieux puissant qui a construit la civilisation européenne : jerusalem aux juifs , c est de la dynamite pour bon nombre de chretiens .

  2. c’est de n’importe quoi. un amalgame tout azimut, islamisme frères musulmans arabe. aucune objectivité. je redit il y a de la terre pour tout le monde mais les intelligents de deux côtés qui manquent.
    concernant l’article c’est à ignorer.

  3. C’est tout ce que vous avez à dire au sujet de ce brillant rappel historique dont je viens de m’instruire. C’est un peu court monsieur « Tayari » ! Qu’il y ait suffisamment de terre pour tout le monde bien qu’il n’y en ait pas beaucoup en Israël, ce n’était l’idée des belligérants arabes auxquels Israël a du se confronter à de multiples reprises; qu’il manque d’intelligence des deux côtés,moi qui ne suis ni israélien ni juif, je trouve, ne vous en déplaise que l’intelligence est plutôt du côté du peuple israélien qui est forte minorité numérique.

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