88 athlètes représenteront l’État hébreu aux Jeux olympiques de Paris dans un climat extrêmement tendu par l’attaque du 7 octobre et l’offensive israélienne dans la bande de Gaza.
Une photo collective, prise dans un vaste hall sans charme. Des sportifs et des entraîneurs en survêtement prennent la pose avant d’embarquer dans l’avion qui les emporte à Paris et aux Jeux olympiques. Des sourires, des mines réjouies, tout l’attirail du cliché classique de la délégation sur le départ. Mais la délégation israélienne, partie ce lundi 22 juillet pour la France de l’aéroport David Ben Gourion de Tel Aviv, atterrit dans un contexte lourd dans l’Hexagone.
Si les athlètes israéliens sont toujours particulièrement protégés depuis les 11 morts des sanglants JO de Munich en 1972, l’attaque du 7 octobre, et sa réponse militaire par Tsahal dans la bande de Gaza ont augmenté le curseur sécuritaire autour des 88 athlètes, amenés à se rendre en France pour l’événement. Avec, en parallèle, des contestations sur la simple présence d’une délégation de l’État hébreu, par des voix qui l’accusent de génocide dans ce territoire palestinien.
Le dossier est scruté de près par Darmanin et la place Beauvau
« Les sportifs israéliens ne sont pas les bienvenus aux JO », a lancé samedi le député LFI de Seine-Saint-Denis, Thomas Portes, appelant à « une mobilisation » sur le sujet. Ce lundi, la diplomatie française, par la voix du ministre de l’Europe et des Affaires étrangères, Stéphane Séjourné, a pris le contrepied dans le discours. La veille, le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin s’est placé sur le terrain des actes, évoquant une protection « 24 heures sur 24 » des sportifs, entraîneurs, officiels et arbitres israéliens, entérinée il y a deux semaines lors d’un entretien avec Emmanuel Macron.
Le dossier est scruté de près par la place Beauvau, en lien régulier avec les services de sécurité de l’État du Proche-Orient depuis des semaines. Deux mots d’ordre : préparation et discrétion. Les entraînements des joueurs de l’équipe masculine d’Israël, qui lance son tournoi ce mercredi contre le Mali au Parc des Princes à Paris dans un match là aussi surveillé de près, sont très encadrés dans la petite ville des Yvelines choisie pour les accueillir.
Officiellement, Israël va « participer aux JO comme toutes les autres délégations », explique une source diplomatique israélienne. Si les membres du vol entre Tel Aviv et Paris arboraient les couleurs du pays, plusieurs Israéliens accrédités sont passés volontairement incognito à l’aéroport de Roissy ces derniers jours, selon plusieurs témoins sur place.
Des hommes en armes sur le bateau pour la cérémonie d’ouverture
Du côté de Paris 2024, rien ne transpire non plus sur les conditions de sécurité prises autour de cette délégation. Pas question d’exposer le lieu de résidence des athlètes israéliens au sein du village olympique, où des membres du GIGN se tiennent prêts à agir en permanence. « Dans le village olympique, les athlètes portent les uniformes », maintient notre source diplomatique, là où une employée des lieux mettait en avant la semaine dernière la discrétion des Israéliens déjà présents. Comme toutes les autres sources interrogées sur le sujet, le comité d’organisation des JO refuse de confirmer ou d’infirmer la présence de policiers israéliens sur leur lieu de résidence.
Mais selon nos informations, des forces de sécurité de l’État hébreu monteront, armés, sur le bateau de la délégation pour la cérémonie d’ouverture ce vendredi soir sur la Seine. Si le comité olympique de l’État israélien a confirmé dès janvier sa présence à la cérémonie d’ouverture, hors de question de laisser ses sportifs sans protection rapprochée à ciel ouvert au milieu de milliers de personnes. Une exception accordée également aux délégations américaine et qatarienne.
En public, la délégation israélienne martèle sa confiance en l’organisation. « Ce n’est un secret pour personne, ces Jeux olympiques sont un peu plus difficiles pour nous tous, mais nous avons pleinement confiance dans l’organisation de la sécurité », explique la présidente du comité olympique israélien, Yaël Arad. « Je me sens en sécurité et je suis ravi de représenter mon pays » abonde la judokate, Inbar Lanir.
Comme les autres athlètes, la championne du monde 2023 des moins de 78 kg a été invitée par son comité olympique à ne pas s’exprimer sur la guerre en cours pendant la compétition. À laisser la politique derrière eux. « Même nos athlètes les plus expérimentés auront besoin d’être muets pour être à 100 % physiquement et mentalement », soulignait en avril Yaël Arad.
Une cérémonie en hommage des victimes de 1972 à l’ambassade le 6 août
En France, les services de sécurité vont continuer à surveiller l’offensive dans la bande de Gaza. « Une nouvelle offensive israélienne augmenterait mécaniquement le niveau de vigilance, même si je ne vois plus trop bien comment on peut aller plus loin », glisse une source policière.
Sur le volet diplomatique, Israël sera représenté à la cérémonie d’ouverture par son président, Isaac Herzog. L’officiel doit également participer à une cérémonie en mémoire des victimes de l’attentat des Jeux olympiques de Munich. Une autre commémoration, ouverte aux familles des victimes, aux membres de la communauté juive, aux élus et aux représentants du mouvement olympique israélien et international, aura lieu le 6 août.
Celle-ci devait initialement se dérouler à l’Hôtel de Ville de Paris le 24 juillet, selon une source diplomatique israélienne, mais les contraintes liées aux périmètres de sécurité des JO déployés dans ce secteur de la capitale ont conduit à la reprogrammer plus tard et dans les murs de l’ambassade d’Israël. Un hommage dans l’intimité d’un des endroits les plus surveillés de Paris.
Par Romain Baheux avec Axel Daillet et Jean-Michel Décugis
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