Francis Moritz. Le nouveau Parlement européen et la France entrent en post-démocratie

(« Si nous voulons que tout reste tel que c’est, il faut que tout change ». Giuseppe Tomaso de Lampedusa)

Le Parlement est composé de 720 euro-députés dont 81 Français, élus au suffrage proportionnel à un tour pour les 27 pays de l’UE qui compte 446 millions de citoyens et 360 millions d’électeurs.

On assiste à la ré-émergence d’un concept, dans lequel les institutions démocratiques demeurent en place, voire semblent se développer, mais dont l’efficacité tend à diminuer, alors que les apparences laissent penser qu’elles la conservent . On doit cette définition à Colin Crouch, universitaire anglais 2005.

Les démocraties libérales sont entrées dans une crise généralisée, pendant que le nombre de régimes démocratiques s’est multiplié. Crouch constatait l’affaissement des démocraties, le sentiment d’impuissance et d’éloignement ressenti par les peuples à l’égard de leurs dirigeants. Pendant ce temps, on assistait à la montée en puissance des institutions gouvernementales et extra gouvernementales de toutes natures, la puissance des firmes transnationales, à l’égal des gouvernements. Les exemples foisonnent :

Cour européenne des droits de l’Homme, Cour internationale de Justice, Cour pénale internationale, FMI, OTAN, ONJ, ONG de tous poils, Banque Européenne, OMC, parmi d’autres, tous les traités internationaux qui lient les états et les individus, Google, Amazon, Apple, Microsoft (une panne survient, le monde retient son souffle) 

Tout a fonctionné normalement en vue des dernières élections, les partis ont choisi leurs candidats, les citoyens ont voté. En pratique, ils n’ont pas vraiment eu de choix, entre le statu quo et une quelconque alternative.

On constate que de fait, la Présidente de la Commission, Mme von der Leyen, était déjà reconduite par anticipation. Les électeurs n’ont pas été appelés à s’exprimer. Factuellement, ni le Parlement, ni les partis, n’ont proposé d’alternative. Par contre, ce sont les chefs d’état -un cercle très restreint et très confidentiel – qui avaient préalablement décidé, puis validé par un cénacle de six d’entre eux. À l’issue des résultats, il est apparu que les partis issus des dirigeants qui l’avaient désignée n’étaient plus majoritaires. Mme Meloni (l’infréquentable neo fasciste pour certains) les a même qualifiés d’oligarques. À tel point que le groupe des libéraux s’est retrouvé derrière l’extrême droite. Faute de pouvoir renouveler l’élection, il a fallu redéfinir une nouvelle majorité.

Ce qui s’est traduit par le rassemblement des quatre partis réputés « pro européens » qui ont formé un camp retranché derrière la Présidente de la Commission pour constituer le fameux cordon sanitaire, auquel les différents pays de l’UE se réfèrent, ici plafond de verre, ailleurs arc républicain. On observera que la longueur du cordon, la hauteur du plafond et la taille de l’arc sont très variables.

Il a fallu à l’ancienne-nouvelle Présidente de la Commission justifier ce mélange des genres. 401 députés ont validé le vote sur 720, ce qui inclut un certain nombre de votants des groupes d’extrême droite. De sorte que chacun a pu ainsi obtenir, qui une Présidence de Commission ou une vice-présidence, qui un Poste de Commissaire. De sorte qu’on en arrive précisément à cette notion de post-démocratie, qui se traduit par une forme de populisme libéral.

Ce qui force sa Présidente à multiplier des promesses aussi nombreuses qu’impossibles à tenir. Pour ne pas être totalement prisonnière de ses engagements, rien de tel que de découvrir, à posteriori, qu’on est entouré d’ennemis potentiels. Ça change tout. L’invasion russe en Ukraine vient bien à propos pour masquer, sinon justifier, certaines des grandes orientations voulues ou subies par la Commission, qui se veut le reflet des 27 pays membres. On pense irrésistiblement au labyrinthe de Dédale. L’incertitude sur l’élection américaine et l’arrivée possible de D. Trump au pouvoir laissent penser à la Présidente qu’elle pourrait se transformer en cheffe de guerre.

Le Parti Populaire Européen a déplacé le cordon sanitaire vers la droite. Contrairement à ce qui se passe en France, trois députés du groupe d’extrême droite ECR qui comprend le parti de Mme MELONI, Fratelli di Italia, avec lequel elle avait conclu un accord avant le vote, et les démocrates de Suède (Conservateurs et réformateurs) ont été élus au praesidium du Parlement avec le soutien du PPE.  Les partis d’extrême droite représentent non seulement le quatrième groupe, ECR, mais aussi le troisième, Patriotes pour l’Europe, qui compte dans ses rangs V. Orban , l’actuel Président du Conseil pour les six mois en cours, ainsi que deux partis de gouvernement.

Accessoirement, juste avant l’élection, Mme von der Leyen a subi une sérieuse défaite juridique devant la Cour de Justice Européenne. Elle avait personnellement négocié un très important contrat de vaccins contre le Covid avec Pfizer, par échanges de SMS directement avec son président, à des conditions extrêmement élevées. Elle n’a pas retrouvé ( ?) les SMS en question, passant commande d’un milliard huit cent mille doses pour 35 milliards d’euros. En 2023 on a dû détruire 4 milliards d’euros de ces vaccins. La Commission n’a jamais voulu rendre publics les contrats, ce qui est une infraction au droit européen.

Un autre échec passé largement sous silence est celui du plan contre l’antisémitisme, perdu dans les oubliettes.

Au plan de la politique étrangère, l’UE demeure très largement absente des grandes questions. Ses déclarations et gesticulations purement spéculatives au Moyen-Orient démontrent son incapacité à permettre à l’UE de s’exprimer avec une voix unique. Au Moyen-Orient, elle continue à financer l’UNWRA malgré les dysfonctionnements constatés et son rôle équivoque à Gaza, tel que démontrés par Israël. Après avoir tracé des lignes rouges vis-à-vis de l’extrême droite, ce qui est de bon ton pour être élue, il a fallu se rendre à l’évidence. L’extrême droite n’est plus marginale et les grands partis ne disposent plus d’une majorité absolue. Il faut faire bouger les lignes, même rouges. Le groupe ECR de Mme MELLONI a obtenu une vice-présidence, une deuxième vice-présidence avec Mme Sberna de Fratelli di Italia, tandis que Mr K. Zlotowski du PIS et membre d’ECR a obtenu l’un des 5 postes de questeur. La symbolique est forte, car ces élections n’ont pu intervenir qu’avec les votes du PPE.

Mme von der Leyen avait déjà fait un premier pas majeur en se rendant avec Mme Melloni en Tunisie pour signer un accord boiteux sur les camps de rétention en Tunisie. On connait la suite avec ce qui se passe dans la ville portuaire de Sfax, un autre échec de la Commission. L’immigration est un des grands sujets que la mandature précédente n’a pas su traiter. En revanche l’autre groupe d’extrême droite, Patriotes pour l’Europe, dirigé par Jordan Bardella dont le Fidesz de V. Orban est membre, subit le cordon sanitaire qui reste à géométrie variable, dans l’état actuel de la configuration voulue par la Commission, mais pour combien de temps ? Lorsqu’il s’agira de réunir suffisamment de voix sur les sujets qui fâchent : l’immigration, les lois sociales, la défense européenne, la sécurité, pour répondre à la demande des citoyens qui poussent pour plus de sécurité et plus de protection sociale.

On ne peut pas ne pas comparer avec ce qui se passe en France où les memes résultats ont des effets opposés. D’évidence, les questions de souveraineté nationale ou de souveraineté européenne, de l’immigration, de la loi du sol ou la loi du sang, sont loin d’être résolues, pendant que l’attelage fondateur de l’Union Européenne que formaient jadis la France et l’Allemagne tire à hue et à dia.

© Francis Moritz

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3 Comments

  1. Quand on connaît la définition de l’extrême-droite on sait qu’elle correspond précisément aux partis pro islamistes, racistes et antisémites tels que la FI/NFP et par extension à Emmanuel Macron et Ursula von der Leyen. Tout dans l’idéologie et la politique affichée par l’UE, à commencer par son antisémitisme mais également son refus de la démocratie et son bellicisme antirusse, s’apparentent à l’extrême droite. Emmanuel Macron et Von der Leyen sont des leaders fascistes. Donc cette analyse est de la newspeak chimiquement pure. C’est la propagande du 4eme Reich qui parle d’un « cordon sanitaire » contre la Résistance.
    Effarant.

  2. @Jérôme O.
    En effet, cette Europe offre de frappantes similitudes avec le Nazisme des années 30. Et ce qui est peut-être encore plus choquant, c’est l’inculture politique des Européens qui ne voient pas ce qui est en train de se passer sous leurs yeux. Le Fascisme prospère sur l’ignorance et le Naufrage intellectuel des Européens
    est hallucinant . Adolf Hitler pourrait tout à fait se faire nommer à la tête de la Commission européenne et accuser Churchill ou de Gaulle d’être « d’extrême droite ». Comment s’étonner que les Européens passent souvent pour des dégénérés aux yeux du reste du monde ? Je crois que l’UE, entraînée dans une véritable folie suicidaire, creuse sa propre tombe. Et je m’en réjouis : qu’elle disparaisse et qu’on n’en parle plus.

  3. Poutine est infiniment moins dangereux que Macron et Von der Leyen. En fait, l’Europe avait tout à gagner d’un rapprochement avec la Russie au debut des années 2000. Si on est assez crétin pour gober les mensonges des Européistes, on peut gober n’importe quoi. Pourquoi pas la Terre plate ? Heureusement que quelques-uns sont assez lucides pour remettre les choses à l’endroit.

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