Francine Christophe (née Christophstein) est une femme de lettres et poétesse française née le 18 août 1933 dans le 17e arrondissement de Paris.
Elle est issue d’une vieille famille bourgeoise française juive non pratiquante qui a compté des généraux, des médecins, des mathématiciens, des œnologues et des musiciens.
À l’âge de 8 ans1/2 elle est arrêtée avec sa mère en essayant de passer la ligne de démarcation, à La Rochefoucauld, en Charente, le 26 juillet 1942.
Francine et sa mère vont connaître plusieurs camps d’internement en France.
Elles rejoignent le camp de Poitiers en autocar. Quelques jours après, elles sont conduites en wagon à bestiaux au camp de Drancy, camp occupé par les juifs de « la rafle des notables », et par des femmes de prisonniers. Ils sont à 80 dans une chambrée, ont droit à une auge avec des robinets pour se laver, un matelas sale pour deux.
Des départs pour Pitchipoï (un terme emprunté au yiddish signifiant « au diable Vauvert » et qui désigne les camps de concentration) ont lieu 2 à 3 fois par semaine.
Elles y restent 3 semaines.
Puis elles sont transférées, dans un wagon à bestiaux accroché à un train de voyageurs, à Pithiviers durant trois semaines. Des personnes qui ont essayé de franchir la ligne de démarcation se trouvent dans ce camp. Ils sont dans de la paille souillée.
Un jour, elle est sur la liste des partants sans sa mère. Celle-ci fait une crise de colère, tout en énonçant la litanie de généraux de la famille au gendarme qui pense qu’il y a eu une erreur.
Francine Christophe et sa mère sont envoyées en wagons à bestiaux à Beaune-la-Rolande où elles arrivent dans un camp presque vide, sale, maculé d’excréments, de sang et de boue. C’est là que des enfants de la rafle du Vél’ d’Hiv’ ont été blessés en étant séparés brutalement de leur mère. C’était ceux qu’elle a vus à Drancy. Sa mère doit nettoyer matelas et couvertures répugnants avec une autre femme contre une tranche de pain d’épices. Elles restent 9 mois dans ce camp. Sa mère est chef de baraque.
Le père, prisonnier de guerre, écrit partout de son Stalag en Allemagne, pour les faire libérer, sans succès.
Une lettre adressée au chef de l’État, le maréchal Pétain, demeure sans suite.
Le 21 juin 1943, elles retournent à Drancy en wagons à bestiaux. Elles y restent 11 mois. Le 2 juillet 1943, le camp de Drancy est transmis aux Allemands.
Francine Christophe est déportée avec sa mère par le convoi du 2 mai 1944 avec d’autres femmes et enfants de prisonniers de guerre français juifs. Ils ne vont pas à Auschwitz mais deviennent des « juifs d’échange » au camp de Bergen-Belsen.
Le père, prisonnier, a donné un statut spécial à sa femme et à sa fille qui sont « non déportables » selon la convention de Genève.
Évacuée toutes les deux, quelques jours avant la libération du camp par convoi ferroviaire vers Theresienstadt, elles sont libérées après 13 jours d’errance par l’armée soviétique à Tröbitz le 23 avril 1945.
Une anecdote édifiante et attachée à Francine Christophe
Au moment de sa déportation avec sa mère, les nazis avaient permis aux parents d’emporter avec eux, en plus de quelques objets essentiels, un objet « supplémentaire » pour les enfants, dans le but fallacieux de montrer qu’ils avaient quelque compassion pour eux.
L’un prit des bonbons que l’enfant adorait pour le calmer, deux autres ont pris du riz la mère de Francine pris deux morceaux de chocolat pour elle.
Quand elles arrivèrent au camp, sa mère lui dit :
« Regarde, j’ai pris du chocolat pour toi. Je sais que tu voudrais le manger maintenant, mais je ne te le donnerai pas immédiatement. Si un moment vient où tu sens que tu es sur le point de t’effondrer et que tu n’en peux plus, alors je te donnerai un peu de chocolat… »
La mère de Francine avait une bonne amie nommée Hélène qui se trouvait avec elles dans le camp. Celle-ci était enceinte, mais c’était presque impossible à détecter, en raison de son faible poids et de son corps très mince.
Au moment d’accoucher, la mère de Francine emmena Hélène à l’hôpital du camp. Le fait d’être responsable du block, lui permettait d’avoir des contacts avec les nazis, dont elle voulait profiter maintenant et s’assurer qu’à l’hôpital, ils permettraient à Hélène d’accoucher, ce qui n’était généralement pas possible dans le camp.
Avant que sa mère ne parte avec Hélène, elle appelât Francine et lui dit :
« Tu te souviens des deux morceaux de chocolat ? Bien sûr, répondit-elle; je n’arrête pas d’en rêver ».
« Est-ce que tu sens que tu en as besoin ? » lui demanda-t-elle.
« Non, répondit la petite Francine, la seule pensée que je les ai me donne du courage ».
« Mon amie Hélène est sur le point d’accoucher. Ce ne sera pas facile pour elle… Elle a travaillé comme nous tous à des tâches épuisantes, jusqu’au moment où elle a ressenti les douleurs de l’accouchement. Je voudrais lui offrir le chocolat. Cela lui donnera de la force. Cela lui permettra de ne pas flancher devant la difficulté et sa situation malheureuse et d’accoucher. Tu es d’accord ? »
Le rêve de Francine s’évanouissait et il lui fut difficile d’accepter, car elle avait été jusqu’à présent avide du goût des morceaux de chocolat.
Alors tout d’un coup, les donner à Hélène ? Mais elle reprit rapidement ses esprits et dit à sa mère qu’elle était prête ! « Donne-les à Hélène! »
Hélène donna naissance à une petite fille. Elle mangea le chocolat et en donna à sucer au bébé.
Un jour ou deux jours plus tard, Hélène revint au block et, ô merveille, le bébé ne pleura jamais. Pas le moindre gazouillis ! Six mois plus tard, le camp fut libéré et dès qu’on lui ôta les haillons dans lesquels elle était enveloppée, elle se mit à crier comme un nouveau-né.
Francine se souvient avoir pleuré d’excitation en entendant les pleurs du bébé de six mois qui semblait penser qu’il était désormais permis de pleurer et qu’il n’y avait aucun danger à le faire.
Après être rentrée en France avec sa mère, Francine se maria et eut une fille.
Sa fille lui demanda un jour :
« Maman, s’il y avait eu des psychologues et des psychiatres à l’intérieur des camps à qui tu aurais pu parler et qui t’auraient donné un traitement et du soutien, penses-tu que tu aurais mieux supporté les difficultés et le chagrin qui étaient ton lot quotidien ? »
« À coup sûr ! Répondit-elle, mais qui rêvait de ça ?… Nous ne nous préoccupions que de survivre, ici et maintenant ».
« Mais tu sais quoi ? Tu viens de me donner une idée ! Nous allons organiser un séminaire qui traitera de la question : ‘Que se serait-il passé si les survivants des camps de concentration avaient reçu un traitement psychologique et le soutien d’un professionnel’. »
Francine, organisa un séminaire auquel participèrent de nombreux survivants aux côtés de psychologues et de psychiatres renommés.
Entre les sessions, une femme se leva et demanda à prendre la parole.
Elle monta à la tribune et dit qu’elle vivait à Marseille, qu’elle y travaillait comme psychologue et qu’elle serait heureuse de partager ses réflexions sur le thème du séminaire. Mais elle voulait auparavant donner quelque chose à Francine.
Après que Francine l’eut rejoint sur la scène, la femme lui donna deux morceaux de chocolat en lui disant:
« Je suis la fille d’Hélène ».
© Schlomoh Brodowicz
Francine Christophe donne régulièrement des conférences auprès des jeunes dans les collèges et lycées pour livrer son témoignage.
Quelle histoire émouvante et incroyable. Ce bébé aurait pu avoir un destin tragique. Ces deux petits morceaux de chocolats, certainement une aide pour la survie de cette mère et son enfant. Quelle revanche sur la vie, ce bébé devenu une femme medecin psychologue. Francine Christophe raconte son histoire avec dignité, on ressent à travers ce témoignage la souffrance et l’espoir(destin de cet enfant).