Plus le langage est pauvre, moins la pensée existe. Michal Gans.

Christophe Clavé a dit un jour : « La disparition progressive des temps (subjonctif, passé simple, imparfait, formes composées du futur, participe passé…) donne lieu à une pensée au présent, limitée à l’instant, incapable de projections dans le temps ». 

La généralisation du tutoiement, la disparition des majuscules et de la ponctuation sont autant de coups mortels portés à la subtilité de l’expression. 

Supprimer le mot « mademoiselle » est non seulement renoncer à l’esthétique d’un mot, mais également promouvoir l’idée qu’entre une petite fille et une femme il n’y a rien.

Moins de mots et moins de verbes conjugués c’est moins de capacités à exprimer les émotions et moins de possibilité d’élaborer une pensée.

Des études ont montré qu’une partie de la violence dans la sphère publique et privée provient directement de l’incapacité à mettre des mots sur les émotions.

Sans mot pour construire un raisonnement, la pensée complexe est entravée, rendue impossible. 

Plus le langage est pauvre, moins la pensée existe.

L’histoire est riche d’exemples et les écrits sont nombreux de Georges Orwell dans « 1984 » à Ray Bradbury dans « Fahrenheit 451 » qui ont relaté comment les dictatures de toutes obédiences entravaient la pensée en réduisant et tordant le nombre et le sens des mots. 

Il n’y a pas de pensée critique sans pensée. Et il n’y a pas de pensée sans mots. 

Comment construire une pensée hypothético-déductive sans maîtrise du conditionnel ? Comment envisager l’avenir sans conjugaison au futur ? Comment appréhender une temporalité, une succession d’éléments dans le temps, qu’ils soient passés ou à venir, ainsi que leur durée relative, sans une langue qui fait la différence entre ce qui aurait pu être, ce qui a été, ce qui est, ce qui pourrait advenir, et ce qui sera après que ce qui pourrait advenir soit advenu ? Si un cri de ralliement devait se faire entendre aujourd’hui, ce serait celui, adressé aux parents et aux enseignants : faites parler, lire et écrire vos enfants, vos élèves, vos étudiants.

Enseignez et pratiquez la langue dans ses formes les plus variées, même si elle semble compliquée, surtout si elle est compliquée. Parce que dans cet effort se trouve la liberté. Ceux qui expliquent à longueur de temps qu’il faut simplifier l’orthographe, purger la langue de ses «défauts», abolir les genres, les temps, les nuances, tout ce qui crée de la complexité sont les fossoyeurs de l’esprit humain. Il n’est pas de liberté sans exigences. Il n’est pas  de beauté sans la pensée de la beauté.

Michal Gans. Depuis son Kibboutz en Galilée ( en feu)

Merci à Eliane Klein

Michal Gans est une historienne franco-israélienne

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3 Comments

  1. La novlangue est le langage officiel du monde occidental post-moderne.
    La guerre c’est la paix
    La liberté c’est l’esclavage
    L’ignorance c’est la force

    Dans la novlangue ordinaire, Racisme et Antisémitisme se nomment « Antiracisme », Antifeminisme se nomme « Antifeminisme », Fascisme et Extrême Droite se nomment « Progressisme » et « Gauche », etc etc…Les plus grands médias néo fascistes et pourvoyeurs de Fake news (Libération, Le Monde…) s’autoproclament médias de gauche et chasseurs de Fake news !…Une femme est un homme, un homme est une femme, l’Europe ultra belliciste c’est la paix, le monde où le simple fait de nommer les choses est criminalisé s’autoproclame Monde Libre…
    L’inversion des rôles est systématique : les victimes sont criminalisées er les bourreaux glorifiés.
    Aujourd’hui, la novlangue officielle pourrait tout a fait Faire passer Hitler pour un leader de gauche, Pétain pour un modéré (d' »extrême centre » !…), Bandera pour un défenseur de la démocratie et la plupart des gens goberaient cela.
    Tout spécialement en occident car si la désinformation et la novlangue sont des phénomènes planétaires, le « politiquement correct » constitue sans doute l’une de ses formes les plus extrêmes. Dans un pays où existe le « politiques correct », la liberté d’expression n’existe pas. Mieux encore : la vérité n’existe pas. C’est la « dictature parfaite » dont parlait Aldous Huxley. Seules la Corée du Nord, l’Afghanistan des Talibans et deux ou trois autres pays sont plus totalitaires.

    « A une époque de supercherie universelle, dire la vérité est un acte révolutionnaire » (G Orwell)

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