David Encaoua. Les divisions de la société israélienne, analysées du point de vue du judaïsme

Dans un livre récent[1], l’auteur de ces lignes se proposait d’analyser les divisions de la société israélienne au regard de lectures thématiques et historiques du judaïsme. La question lancinante est celle de savoir si un « Etat Juif » doit  rendre ou non sa gouvernance politique conforme à une lecture du judaïsme de nature essentiellement théologique. La réponse que donne la Torah n’est pas évidente, hormis  la nécessité de séparer le fonctionnement de la justice du fonctionnement de l’exécutif, suggérée à Moïse par son beau-père, le prêtre Madianite Yitro. La justification talmudique de cette séparation serait que, non seulement elle conduit à une plus grande efficacité dans l’application du droit, mais surtout qu’elle assigne à la justice un rôle spécifique, celui de parvenir à un compromis social acceptable par les différentes composantes de la société. Le rôle de la justice dans cette conception  serait de maintenir la stabilité sociale par la recherche de compromis sociaux viables. La notion de compromis social serait ainsi essentielle pour parvenir à une société juste. L’hypothèse traditionnelle d’un conflit récurrent entre religion et politique, qui semble avoir prédominé durant les profondes divisions de la société israélienne, avant l’offensive génocidaire perpétrée par le hamas le 7/10/2023, masque en fait une divergence de fond importante, celle relative à l’existence de deux conceptions opposées de la justice dans le judaïsme. La première privilégie la notion d’intention : une décision de justice serait juste si son intention respecte la loi divine,  explicitée dans les codes juridiques  censés représenter cette loi. La deuxième  conception privilégie la notion de conséquence, une décision serait juste si ses conséquences vont dans le sens d’une amélioration de l’état du monde, notamment celui de la société de laquelle émane la décision. Cette deuxième conception trouve son origine dans les livres des Prophètes de la Bible Hébraïque (Tanakh). Elle a été privilégiée par le rabbin et philosophe Eliezer Berkovits (1908-1992) tout au long de ses travaux.[2] Ce qui est important à noter de prime abord, c’est que les deux conceptions opposées de la justice ont traversé le judaïsme, aussi bien au niveau de la diversité de ses approches thématiques que de son histoire globale. On peut raisonnablement augurer que la division de la société israélienne se poursuivra après la guerre, et qu’elle constitue de ce fait une menace d’implosion interne qu’il serait déraisonnable de négliger. Questionner l’origine interne de cette division à partir de lectures distinctes du judaïsme et de son histoire, c’était l’objectif que poursuivait l’ouvrage initial, répondant de la sorte aux interrogations qui se posent non seulement à l’ensemble du corps social israélien, mais aussi à l’ensemble des juifs dans le monde. 

  1. Un constat des divisions de la société israélienne.  

La crise sociale récente en Israël a eu pour catalyseur un projet de réforme institutionnelle proposé par la nouvelle coalition gouvernementale, issue des élections de 2022, pour réduire sensiblement les prérogatives de la Cour Suprême, au motif que le pouvoir des Juges de cette Cour empiétait sur les pouvoirs exécutif et législatif, empêchant le gouvernement et le parlement d’agir au nom des mandats électifs qui les ont portés au pouvoir. Mais, très vite, il est apparu que le conflit juridico-politique était loin d’être le seul motif de la crise de société en Israël. Le conflit s’est trouvé en fait alimenté par des conceptions différentes de ce que devrait être une société juive et juste. Deux camps s’affrontent. Le premier camp regroupe tous ceux qui retiennent une conception de la justice inféodée à une vision théologique du judaïsme. Ils ne voient dans l’idéologie sioniste conçue par Théodore Herzl qu’une étape transitoire, c’est à dire un préalable à l’avènement d’une ère de rédemption, où non seulement l’arrivée du messie signerait la réalisation du projet divin, mais la date de son arrivée dépendrait du zèle avec lequel l’Etat et la population israélienne appliqueraient la loi divine. En fait, les partisans de ce camp appellent de leurs vœux l’intervention de la puissance publique en vue d’un double objectif : d’une part, appliquer strictement la Loi Juive (Halakha) pour en faire la seule loi permise pour un Etat Juif ; d’autre part, élargir progressivement les frontières territoriales de l’Etat d’Israël  pour lui donner une étendue aussi large que celle à laquelle avait accédé le royaume de David. Leur mouvement est donc à la fois religieux et nationaliste. Leur vision  trouve sa source dans la pensée du Rav Yehouda Kook (1891-1982), fils du Rav Abraham Isaac Kook.  Le deuxième camp regroupe tous ceux dont la conception d’une société juste revient à prendre en compte les conséquences sociales et politiques des décisions gouvernementales. Ils tournent plus ou moins le dos à la tradition juive, estimant qu’elle fait peser sur le pays un joug insupportable. Ils s’en détachent en substituant à l’identité juive une simple identité israélienne. L’Alliance du Sinaï serait à leurs yeux, bien plus porteuse de valeurs éthiques, que d’un héritage à conserver. Cela les conduit à penser qu’ils sont eux-mêmes les véritables détenteurs des valeurs morales du judaïsme. A leurs yeux, l’éthique prévaut sur l’ethnique. Trois figures historiques inspirent ce courant : Ahad Ha’am[3], nom de plume d’Asher Hirsch Ginsberg (1856-1927), promoteur d’un sionisme culturel et spirituel s’opposant au sionisme politique de Théodore Herzl, Hayyim Nahman Bialik (1873-1934), poète et essayiste[4], considéré comme le fondateur de la littérature hébraïque moderne, et Martin Buber (1878-1965), philosophe et historien du Hassidisme, qui a cherché toute sa vie à concilier l’idéal de la Torah avec une vie en harmonie avec celle des arabes, occupant la même terre que les juifs. Selon l’expression de Jean Getzel, traducteur de Hayyim Nahman Bialik, tous trois « souhaitaient construire le futur culturel juif sur des bases traditionnelles« .  

Avant de proposer des voies pour sortir de l’impasse dans laquelle se trouve la société israélienne, posons la question suivante : de quel judaïsme s’inspirent les partisans du premier camp, celui des sionistes religieux? Est-ce du judaïsme rabbinique qui a prévalu après la destruction du Second Temple, où toute souveraineté politique avait disparu pour ne laisser place qu’à un renforcement de la tradition religieuse, ou est-ce du judaïsme biblique pendant lequel existait un Etat guerrier indépendant, comme dans l’Israël contemporain ? La réponse est qu’ils semblent puiser dans ces deux formes de judaïsme, sans voir que ce syncrétisme est dangereux. Il faut en effet prendre en compte le fait que, depuis l’âge des ruptures qui ont suivi les Lumières Juives de Mendelssohn et ses disciples (Maskilim),  ce qu’on appelle la tradition religieuse a perdu  une bonne part de sa prééminence historique pour ne conserver qu’une prééminence théologique. Dès lors, la tradition religieuse ne peut plus servir, à elle seule, de ciment identitaire, alors que l’objectif à atteindre devrait être celui de l’unité nationale (klal Israël). 

  • Des voies pour parvenir à un compromis viable. 

Cinq voies, issues des réflexions suscitées par les deux  traversées du judaïsme, telles qu’esquissées dans l’ouvrage d’où est issu cet article, sont suggérées ici. 

  • Première voie : Retrouver une conception du judaïsme qui ne soit pas monolithique. Prenons comme exemples les questions fondamentales du Qui est Juif et Comment le devient-on ? Ce sont des marqueurs symboliques des tensions sociales en Israël. Alors que, dans le judaïsme biblique, la question de l’identité semble avoir été fortement liée à la notion d’émancipation, qu’elle soit d’ordre individuel (Abraham) ou collectif (sortie d’Egypte), elle s’est profondément transformée après l’indépendance de l’Etat d’Israël, suscitant des divergences profondes. David Ben Gourion y a été confronté en introduisant un compromis, connu sous le nom  du statu quo de 48, accordant aux dirigeants religieux du parti orthodoxe antisioniste, Agoudat Israël, tout un lot de concessions majeures, dont le monopole des tribunaux rabbiniques sur l’état civil, l’exclusivité du mariage religieux, la conversion au judaïsme, l’autonomie des programmes éducatifs dans les écoles religieuses, la dispense de service militaire pour les étudiants des yechivot, etc. Ces concessions ont permis, bon an mal an, que le statu quo entre religieux et laïcs, soit maintenu. Mais aujourd’hui, à la faveur d’élections remportées par une coalition hétéroclite formée de libéraux, d’orthodoxes et d’ultranationalistes, ces concessions font l’objet d’une forte contestation par beaucoup de citoyens israéliens. Le prochain gouvernement devra donc trancher entre les prérogatives respectives du droit des personnes, du droit civil et du droit religieux pour réaménager ce compromis de 1948, devenu inapproprié. Au lieu de se polariser sur l’opposition entre la valeur sacrée du droit religieux et la valeur profane du droit civil, des règles plus flexibles devraient être aménagées, laissant la liberté à chacun de pouvoir choisir le type de juridiction à laquelle s’adresser. Ce serait la fin du monopole des orthodoxes en matière de droit des personnes. Les courants du judaïsme, autres qu’orthodoxes, retrouveraient en plus des droits légitimes. 

2.         Deuxième voie : Assurer un traitement identique à tous les citoyens, qu’ils soient juifs ou non juifs. Le message essentiel de l’injonction biblique « Souvenez-vous que vous avez été esclaves en Egypte » est d’éviter de reproduire le traitement que les Egyptiens  réservaient  aux juifs. Ce devoir de mémoire doit donc trouver son expression dans le respect des droits du non juif en Israël. La Torah interdit absolument toute forme de dualisme qui voudrait que les juifs soient associés au bien et les autres, notamment les arabes, au mal. Le non-dualisme fait partie d’une conception de la justice où la dignité de chacun doit être respectée afin de parvenir à un ordre juste. Il faut donc rechercher tous les moyens de réduire les obstacles au principe du non-dualisme. L’idée générale est que tout ce qui contribue à ne pas haïr l’autre doit être mis en œuvre. Par exemple, il serait important que se diffuse un système d’éducation publique mixte, sous autorité internationale, regroupant juifs et arabes, pour éliminer l’enseignement de la haine. Tous les moyens pour que l’enseignement de la haine ne soit plus la norme dominante au sein de la jeunesse palestinienne, devraient être mis en œuvre. De plus, la justice exige d’intégrer dans ses principes, l’expérience de l’inversion des rôles, c’est à dire se mettre à la place de l’autre.  Un traitement juste du litige israélo-palestinien, selon une conception de la justice privilégiant les conséquences des actes, plutôt que l’intention d’en découdre, permettrait très vraisemblablement de réduire sensiblement les tensions à l’intérieur même de la société israélienne. De ce point de vue, il n’est pas déraisonnable de penser qu’aux yeux de l’opinion internationale, une plus forte justification morale de l’État d’Israël aurait été obtenue si, après le massacre du 7 octobre 2023, une plainte émanant de la justice israélienne avait été déposée auprès des institutions internationales. L’opinion mondiale aurait ainsi mieux perçu l’importance que l’Etat d’Israël accorde au respect des valeurs morales du judaïsme plutôt qu’à l’esprit de vengeance, fut-il des plus justifiés en tant que mécanisme de défense. 

3.         Troisième voie : Revoir  le statut de la Loi Juive (Halakha).  La Halakha est considérée par beaucoup d’orthodoxes comme devant être immuable, les codes la régissant étant eux-mêmes issus de la Torah orale, d’inspiration divine. Dès lors, selon l’orthodoxie courante, il ne serait pas permis d’adapter la Halakha aux impératifs historiques et aux connaissances nouvelles que la société engendre. Deux objections à cette conception en invalident la portée. D’une part, c’est une conception erronée, selon la Torah elle-même. Pour ne citer qu’un exemple, l’épisode des filles de Zelophehad (Nombres, 27 : 3-4), montre que Dieu prend en compte les heureuses suggestions que l’humain lui apporte : le droit à l’héritage concerne également les femmes ! D’autre part, il ne s’agit pas seulement d’adapter la Loi Juive aux contingences historiques, mais bien plus d’appliquer le droit en prenant en compte les conséquences sociales et politiques des décisions qu’il engendre. Ceux qui prônent l’immuabilité de la Halakha, comme le proclamait par exemple le Rav Hatam Sofer (1762 -1839) dans son célèbre crédo, « toute innovation par rapport à la torah doit être proscrite« , mettent gravement en péril la société israélienne, traversée par de multiples questions concrètes, telles que le traitement du droit matrimonial, les lois sur le divorce, le statut des femmes, les lois de l’adoption, etc. Nous pensons au contraire que l’innovation a été, est et sera, le moyen par lequel des solutions aux problèmes de la société israélienne peuvent être apportées. Il ne s’agit pas de traiter la Halakha comme si elle était une pièce de musée, qu’il faut donc fossiliser, pour éviter le risque de la perdre ! Le critère de priorité éthique, conçue au nom de la responsabilité individuelle et collective, et non de la bonne conscience, devrait être au centre de toute décision halakhique. Les laïcs eux-mêmes pourraient ainsi envisager d’un œil moins hostile, cet impératif moral de la Loi Juive. 

4.         Quatrième voie : Le contrôle de l’exécutif par  la Cour Suprême.  Les faits sont suffisamment connus pour ne pas devoir être rappelés en détail ici. L’Etat d’Israël ne s’est pas doté d’une constitution écrite, car ni les religieux, ni David ben Gourion ne la voulaient, pour des raisons différentes, Les religieux parce qu’ils craignaient qu’une constitution politique ne fasse de l’ombre à la Torah, seule constitution divine qu’ils reconnaissent. David ben Gourion parce qu’il craignait qu’une constitution écrite ne divise le pays entre religieux et laïcs. Pendant tout un temps, il suffisait que les lois  votées à la Knesset, ne contredisent pas des lois dites fondamentales, votées cependant à la Knesset selon les mêmes modalités de vote que les lois ordinaires. En 1995, la Cour Suprême décidait cependant qu’une loi votée en 1992, intitulée Dignité Humaine et Liberté, devait être considérée comme étant fondamentale, lui attribuant donc un statut quasi-constitutionnel. Dès lors, la Cour Suprême devenait plus active et ses décisions ont constitué une vaste jurisprudence, protectrice des libertés civiques, religieuses, de parole, de réunion, de la presse, etc. Deux points de vue s’affrontent à propos des prérogatives de la Cour Suprême ; ils se superposent aux visions des deux camps précédemment décrits. Les sionistes religieux pensent qu’au nom de la démocratie, il faut limiter le pouvoir des juges pour laisser aux politiques la responsabilité d’appliquer les mesures pour lesquelles le peuple les ont élus.  Les autres pensent exactement le contraire : sans un véritable contre-pouvoir de la justice, la démocratie politique n’est qu’un leurre ! Le débat sur l’étendue de ce contre-pouvoir n’a pas cessé de s’envenimer. Une position plus nuancée est avancée par l’essayiste Israélien Micah Goodman.[5]  D’après lui, si le péché originel d’Aharon Barak, l’ancien président de la cour Suprême d’Israël, a été d’avoir violé l’équilibre en octroyant trop de pouvoir à cette juridiction, la proposition du ministre de la Justice actuel, Yariv Levin, pêcherait en sens inverse. Elle renverserait l’équilibre des pouvoirs, plus nettement en faveur de la Knesset cette fois. Par ailleurs, le rabbin Massorti Israélien, David Golinkin, président émérite de l’Institut Schechter des Etudes Juives à Jérusalem, a cherché dans l’histoire juive la quête d’équilibre entre pouvoir exécutif et pouvoir judiciaire. Selon un ensemble de preuves historiques, un contrepoids judiciaire important aurait déjà été présent dans le judaïsme antique. En tout état de cause, le débat public devrait conduire à l’élaboration d’un compromis, sans lequel l’implosion interne semble inéluctable. 

5.         Cinquième principe : Transformer la rébellion séculière en une conscience juive. La rébellion des séculiers contre les religieux résulte d’une aversion à l’égard des contraintes que la religion impose. Transformer cette rébellion en une réflexion, pour former la base d’une conscience juive nouvelle, devrait être l’objectif essentiel de l’État d’Israël, comme le proposait déjà Ahad Ha’am.  En la matière, de multiples signes positifs  apparaissent déjà. Un renouveau culturel et identitaire se manifeste en Israël, conduisant à une forme nouvelle de religiosité, où la culture  serait la graine d’où germerait une nouvelle conscience juive. La religiosité, en tant que préalable pour accéder à l’idée de transcendance, serait ainsi une modalité raisonnable de dialoguer avec Dieu. Martin Buber[6] y était très sensible : il voyait dans la religiosité une voie de régénération du judaïsme, dont l’avenir importe au moins autant que son passé.

Pour conclure, si l’Etat parvient à faire admettre un consensus selon lequel le rôle premier de la justice  est de contribuer à la stabilité sociale, par l’établissement de compromis viables, un grand pas vers une société juste et attirante, pour tous les citoyens – juifs et arabes – serait franchi. A la conception du messianisme que retiennent certains rabbins, il convient de substituer la conception prophétique de la justice, comme l’évoque ce beau verset du Deutéronome (16, 20): « C’est la justice, la justice assurément que tu poursuivras, si tu veux te maintenir en possession du pays que l’Eternel, ton Seigneur, te destine« . Retrouver le sens véritable que le judaïsme accorde à la justice (michpat en hébreu), à savoir la responsabilité des conséquences induites par les actes, toute la question est là, on ne saurait être plus clair !

© David Encaoua

Notes


[1] David Encaoua, Traversées du Judaïsme au regard des Enjeux Contemporains (L’Harmattan, 2024) https://www.editions-harmattan.fr/livre-traversees_du_judaisme_au_regard_des_enjeux_contemporains_david_encaoua-9782336431765-79040.html

[2] Eliezer Berkovits, Essential Essays on Judaism, edited by David Hazony, Shalem Press, Jerusalem, 2007, voir chapitre 5, The Biblical Idea of Justice, pp. 129-152 

[3] Ahad Ha’am, The Jewish State and Jewish Problem, B’nai Jeshurun, traduit de l’hébreu par Léon Simon (1912), Jewish Publication Society of America, in Essential Texts on Judaism.

[4] Voir Hayyim-Nahman Bialik, Sur le Dualisme en Israël, suivi de Comment lire la Aggada Aujourd’hui, présentés par Jean Getzel, Editions de l’éclat, Paris, 2020

[5] Micah Goodman, The Wondering Jew? Israel and the Search of Jewish Identity, Yale University Press, 2020.

[6] Martin Buber, Judaïsme, traduit de l’allemand par Marie-José Jolivet, Paris, Editions Verdier, 1982


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