Note: ce texte est publié avec retard en raison d’un problème technique sur le blog
« La Présidence d’une Université prestigieuse ne devrait pas se cacher derrière le prétexte de la liberté d’opinion, mais exercer un leadership moral, fustiger sans ambiguïté une rhétorique criminelle et assurer la sécurité des étudiants juifs ».
Les termes de la lettre que vient d’envoyer Dani Dayan, président de Yad Vashem à Mme Minouche Shafik, présidente de l’Université Columbia, sont implacables.
Mais les mots que je viens de lire, qui sont presque identiques aux siens, proviennent d’une autre lettre. Elle fut écrite par l’ADL (« Anti Defamation League ») en 1996, il y a donc près de 30 ans, au Président de Berkeley. Une manifestation de soutien y avait eu lieu avec keffiehs, drapeau israélien brûlé et chants de mort contre Israël, pour fêter des attentats revendiqués par le Hamas qui avaient tué 19 personnes à Jérusalem et 13 autres à Tel Aviv.
L’obsession anti-israélienne des universités américaines a donc une longue histoire qui explose aujourd’hui. Un classement sur l’antisémitisme dans 80 campus américains attribue aux plus célèbres les notes les pires, et ce n’est pas un hasard si Sciences Pô, que son ancien directeur Richard Descoings a américanisée, se distingue aujourd’hui en France.
L’agitation française a lieu sous la houlette, c’est une spécificité de notre pays, d’un parti politique, la LFI de JL Mélenchon, mais il ne faut pas croire qu’aux États-Unis par contraste, ce soit la réaction spontanée d’étudiants humanistes écoeurés par les morts dans la population civile de Gaza et trompés par la propagande du Hamas. L’ignorance et la crédulité de jeunes gens gavés par des réseaux sociaux où les extrémistes imposent leur narratif sont une réalité soulignée par tous les observateurs. L’émotion, de plus, survient sur le terreau fertile du principes woke de sublimation des victimes.
Mais l’émotion, ça se travaille…
A la manoeuvre aux États-Unis, c’est la discrète SJP, l’Association des Etudiants pour la Justice en Palestine, créée à Berkeley en 2001, qui revendique aujourd’hui des branches dans 300 campus universitaires américains.
C’est la SJP qui chauffe les foules, organise la logistique, par exemple l’achat de tentes pour les campements, détermine les slogans, choisit les orateurs, impose les symboles, comme le triangle rouge renversé, directement issu des brigades Al Qassam du Hamas. C’est elle qui gère les groupes Telegram destinés aux plus radicaux, tel « Resistance News Network », dont les textes sont écrits sous invocation explicite de Allah.
La SJP prétend évidemment oeuvrer pour la survie de la planète, les droits des opprimés quels qu’ils soient et pour la liberté d’expression, mais les preuves de ses liens avec le Hamas sont multiples. C’est une organisation reconnue, hébergée par une association fiscalement agréée et l’omniprésent premier amendement fait reculer les politiques, qui craignent d’interdire la SJP et être retoqués judiciairement. Bien sûr, le Qatar est suspecté d’être actif dans son financement, bien qu’il s’en défende. Le Qatar, c’est « Al Jazeera » et « Middle East Eye », le site web de soutien aux Frères Musulmans destiné aux intellectuels, c’est 5 milliards de dollars de dons aux universités et c’est aussi une très grande tolérance des autorités américaines, à cause de la base militaire d’Al-Udeid, la plus grande du Moyen Orient, siège du « Centcom », et de son rôle prétendument indispensable d’intermédiaire avec des interlocuteurs directement infréquentables.
Autour de la SJP et de quelques autres organisations musulmanes proches, qui sont le centre, le noyau dur, de la protestation universitaire, il y a les cercles plus larges de militants plus ou moins impliqués, les compagnons de route, puis les idiots utiles, les sympathisants et les étudiants, peut-être les plus nombreux, qui sont simplement heureux de donner du piquant à leur vie quotidienne.
Les compagnons de route sont des victimes estampillées qui partagent l’intersectionnalité des luttes. Parmi eux, les sympathisants de « Black Live Matters », le mouvement créé après le meurtre de George Floyd par un policier en mai 2020 et les partisans de la « Nation of Islam », le puissant mouvement antiségrégationniste dirigé depuis 40 ans par Louis Farrakhan, d’un antisémitisme d’autant plus débridé qu’il se targue d’être la voix des enfants des victimes de descendants d’une traite des esclaves dont ils prétendent, au rebours de toute vérité historique, que les Juifs ont été les acteurs essentiels.
Dans la catégorie des idiots utiles, les organisations féministes qui préfèrent ignorer les crimes sexuels du 7 octobre et les organisations LGBT qui ne veulent pas penser au sort que leur infligerait un Hamas victorieux. Mais il y aussi « Jewish Voice for Peace », ce mouvement de Juifs antisionistes très actif sur les campus, qui donne à la SJP un alibi formidable: elle ne peut pas être antisémite, puisque des Juifs soutiennent ses revendications!
Autour de ces activistes, il y a donc la masse des étudiants, d’autant plus ignorants du conflit israélo-arabe que la documentation en est facile à trouver, mais qui pensent qu’il est plus « cool » de suivre la doxa anti israélienne, ces étudiants hédonistes dont les parents paient des frais de scolarité considérables pour que leurs enfants puissent se donner l’image de damnés de la terre, de combattants de la paix et de défenseurs des opprimés.
II y a aussi les enseignants et les administrateurs universitaires, souvent les mêmes. Pour une minorité, ils sont les enfants de la « French theory » de Derrida, Deleuze, Foucault et Bourdieu, habitués à considérer que toute vérité est relative car déterminée par les structures de pouvoir.
Beaucoup d’autres ne veulent tout simplement pas apparaitre réactionnaires face à un mouvement woke qui domine malheureusement aujourd’hui l’université, choisit les victimes à défendre et qui a fait des Palestiniens ses mascottes, en ignorant, entre autres, Ukrainiens, Rohyngias, Ouïgours, Soudanais, Syriens ou femmes iraniennes ou afghanes…
Et puis, il s’agit de ne pas froisser les sources de financement. Les étudiants étrangers sont une ressource bienvenue car ils paient plein tarif, ce qui permet d’être plus généreux avec des étudiants américains intéressants pour l’image de l’université. Quand les étudiants, ou les professeurs, sont liés à des pays musulmans où la détestation anti-israélienne est monnaie courante, sévir contre leurs débordements antisémites pourrait mettre ces financements en péril. C’est ainsi que Jospeh Massad, professeur à Columbia, garde ses hautes responsabilités académiques, même si Mme Shafik prétend le contraire, alors qu’il a manifesté un enthousiasme débordant pour le Hamas après le 7 octobre…
Le « Pas de vagues » n’est pas une spécialité française. Mais il s’agit ici de la future élite de l’allié vital d’Israël et, accessoirement, de la seule réelle puissance militaire démocratique de la planète….
© Richard Prasquier
Richard.prasquier.fr
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