Jacques Tarnero. Les enfants de Simplet et Cruella

Des manifestants pro-palestiniens à Sciences Po Paris, le 26 avril 2024
 AFP. Dimitar DILKOFF

Quel est ce mauvais film que jouent certains étudiants de Sciences Po ? À les voir défiler coiffés de keffieh rue Saint Guillaume on pourrait croire à un monôme de jeunes déguisés tant la scène paraît aussi ridicule que pas drôle du tout. Jouer à Gaza dans le VIe arrondissement rappelle l’époque où d’autres jeunes normaliens jouaient à la Résistance dans les années 70. La rue d’Ulm était loin du Vercors et Pierre Victor n’était pas Jean Moulin. Se payer de mots, se prendre pour des héros, engendre une parodie par les simulacres qu’elle met en scène. Toutes les impostures se nourrissent des mêmes ingrédients. Dans le cas présent nos sciencespotistes en culotte courte ont de qui tenir quand des polpotistes normaliens saluaient les vertus révolutionnaires de khmers rouges. Ces farces ne sont pas innocentes : c’est avec le sang des victimes qu’elles s’écrivent toujours et on ne peut que déplorer le renouvellement de ce succès chez les esprits faibles. Où sont leurs maîtres, qui sont-ils, que leurs ont-ils enseignés ? 

On croirait voir aujourd’hui défiler les enfants de Simplet et de Cruella tant leur niveau culturel ne semble pas avoir atteint les exigences de l’ entrée en 6e. Manipulant des mots et des concepts dont ils ignorent manifestement le sens, l’histoire et la portée symbolique, les voilà accuser de « génocide » ceux qui justement ont été le 7 octobre victimes d’une attaque génocidaire. Le concept de « génocide » a une histoire. La connaissent-ils ? Honorer le mensonge, falsifier l’Histoire, insulter la mémoire semble caractériser la propagande qui fait du Hamas la victime et d’Israël l’agresseur.  Que savent-ils de ce que certains escrocs ont soufflé à leurs oreilles innocentes ? On se prend à regretter d’autres temps quand Zola interpellait la jeunesse pour qu’elle prenne garde à ses emballements.

« Où allez-vous, jeunes gens, où allez-vous, étudiants qui battez les rues, manifestant, jetant au milieu de nos discordes la bravoure et l’espoir de nos vingt ans ?  […] Jeunesse, jeunesse ! Sois avec nous, lorsque nous disons qu’un innocent subit une peine incroyable et que notre cœur révolté s’en brise d’angoisse.  […] Si tu te sens indépendante, si tu peux aller et venir à ton gré, dire dans la presse ce que tu penses, avoir une opinion et l’exprimer publiquement, c’est que tes pères ont donné de leur intelligence et de leur sang. Tu n’es pas née sous la tyrannie, tu ignores ce que c’est que de se réveiller chaque matin avec la botte d’un maître sur la poitrine, tu ne t’es pas battue pour échapper au sabre du dictateur, aux poids faux du mauvais juge. […] Ne commets pas le crime d’acclamer le mensonge, de faire campagne avec la force brutale, l’intolérance des fanatiques et la voracité des ambitieux. La dictature est au bout ».

En accusant Israël du crime de « génocide », en clamant que « la Palestine sera libre du fleuve à la mer », en accablant l’État des Juifs de « crimes contre l’humanité », voilà que ces jeunes gens reconduisent en 2024 des slogans qu’une jeunesse égarée clamait contre un officier juif accusé de traitrise. « Sionistes hors des facs! », proclamait il y a une semaine une banderole posée à l’entrée de l’Université de Paris III. La cible est la même et le « sioniste » a remplacé le « Juif » dans un imaginaire dévoyé par l’idéologie. Que connaissent-ils de l’histoire pour profaner ainsi la vérité ? Que connaissent de la vérité des faits ces jeunes cultivés à l’internet ? Quand la pensée se développe sur la longueur du tweet elle ne doit pas trop souffrir pour énoncer des contradictions. Le renversement du sens est devenu la norme actuelle du récit : le slogan efface toute réflexion, toute profondeur historique et les enfants de Simplet et de Cruella formulent les récits démentiels élaborés par les fake news de notre modernité. Que reste-t-il de l’exigence de vérité et de justice quand celle-ci se porte au secours des  égorgeurs du 7 octobre ? Comment ceux qui ont massacré, torturé, violé peuvent-ils être considérés comme les victimes d’un ordre injuste ? Ce renversement du statut de l’assassin pour celui de ses victimes a quelque chose de sidérant. Il dit une monstruosité intellectuelle dont le négationnisme des années 80 posait les germes. 

Cette victoire posthume de Faurisson en dit long sur l’époque. Elle signe l’échec absolu des incantations vertueuses du « Plus jamais ça ! ». « Ça » est passé et repassé malgré toutes les commémorations et il faut croire que plus on commémore, moins on se souvient. Oublié le massacre de Charlie hebdo, oublié celui du Bataclan, oublié celui des terrasses en 2015, oubliés les assassinats d’enfants juifs en 2012, oubliés ceux de l’hyper casher ! Oubliés tous ces crimes commis en France au nom d’une idéologie inspirée par le Hamas. Or c’est le Hamas rebaptisé Résistance que l’on célèbre et les Juifs que l’on conspue. « La Palestine libre de la rivière à la mer » signifie la destruction d’Israël et son remplacement par ce que l’Iran des mollah souhaite promouvoir. Est-ce cela le projet politique que les étudiants de Sciences Po souhaitent ? Est-ce cet ordre culturel que les étudiants de Sciences Po souhaitent imposer aux femmes et aux jeunes filles ? Tandis qu’à Téhéran des femmes sont assassinés pour refuser l’imposition du voile islamique, ici, en France, en Occident, certaines prétendent qu’il est un signe de liberté contre l’ordre du Nord colonialiste …

Goya. Le sommeil de la raison produit des monstres. 1799.
Eau-forte et aquatinte

« Le sommeil de la raison engendre des monstres », dit une peinture de Goya. C’est exactement ce qui est en train sous nos yeux de s’installer ici même en France. La cause palestinienne aurait pu être porteuse d’un beau projet de civilisation pour le monde arabe, pour la sphère de l’islam si elle s’affranchissait de tous ses fantasmes destructeurs,  de tous ses projets mortifères. Gaza était libre de toute présence israélienne dès 2005. Qu’est ce que les gazaouis ont fait de cette liberté ? Qu’ont-ils fait des milliards de dollars versés par les Européens ? Ont-ils éduqué leurs enfants à la paix ? Ont-ils émancipé leurs filles du joug islamiste ? Hormis une compétence reconnue en matière de tunnels, qu’a-t-on construit à Gaza ? Quelles innovations autres que la mise au point de roquettes ont-elles été imaginées ? Quelle ambition spirituelle autre que celle du jihad a-t-elle été pensée ? Et c’est cette cause revue par le Hamas que soutiennent les étudiants de Sciences Po ? On rêve…

Les insoumis fictionnels de Mélenchon mais bien soumis au Hamas portent une terrible responsabilité en empoisonnant l’air du temps, cette haine d’atmosphère répand ses pestilences sans que l’on prenne la mesure de ses effets. Pourtant l’histoire récente en est déjà pleine. Le pays est saturé de ces appels haineux au boycott d’Israël, à l’expulsion du champ public de ce qui est lié à Israël. Savent-ils seulement que nombre d’objets qu’ils utilisent sont le produit d’innovations scientifiques créées en Israël. Peu importe pour des esprits obscurcis par la haine.

« Ce que la Palestine apporte au monde », titrait une exposition présentée à l’IMA (Institut du monde arabe) l’an passé. On serait très heureux de voir que la Palestine apporte au monde autre chose que des cauchemars. Simplet et Cruella pourraient aller faire de beaux rêves.

© Jacques Tarnero

Jacques Tarnéro, philosophe, est essayiste,  documentariste, chargé de mission à la Cité des Sciences et de l’Industrie. Il participe à la révolte étudiante de mai 68 puis s’éloigne de la gauche française lorsqu’elle fait d’Israël un Etat paria. Ses domaines d’études recouvrent la perception d’Israël dans l’histoire, notamment dans l’histoire contemporaine, l’éclosion du terrorisme, Mai 68 et ses conséquences, le négationnisme, et plus récemment, l’Islam de France. Il a été chercheur associé au CNRS-Centre interdisciplinaire de recherche sur les juifs et la diaspora et est l’auteur de plusieurs ouvrages. Il a également réalisé deux films documentaires, « Autopsie d’un mensonge en 2001 » sur le négationnisme, sa naissance en occident, sa diffusion dans le monde musulman et le rôle joué par Internet, ainsi que « Décryptage », en 2002, sur l’information et le conflit israélo-arabe. Jacques Tarnero appartient au Cercle de l’oratoire, constitué à la suite du 11 septembre 2001 autour de Michel Taubmann, journaliste à Arte et rédacteur en chef de la revue du cercle Le meilleur des mondes, et de l’épouse de ce dernier qui est pasteur au temple de l’Oratoire du Louvre. Le Cercle pointe l’importance de la lutte contre le totalitarisme islamiste et a soutenu les guerres d’Afghanistan et d’Irak. La revue a lancé la première pétition en faveur de Robert Redeker, le philosophe menacé en France en 2006 par des groupes islamistes . Akadem

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10 Comments

  1. Cette école est tout le contraire de ceux qu’elle devrait et prétend être.
    Ce haut lieu, qui devrait abriter l’élite future de la Nation des Droits de l’Homme éclairée par les Lumieres, sombre dans la fange du racisme, de la mensonge, de la Haine, de l’appel au Genocide du Peuple de Jésus.
    En défendant le camp des Terroristes, des falsificateurs de l’Histoire, qui appellent au massacre et au genocide du Peuple de la Bible, elle adopte ainsi le même narratif Nazi des Hitlériens.
    Si, comme elle le prétend, elle devait défendre
    une Cause Juste, c’est celle du Peuple Juif eternel martyr de l’Humanite, et son seul Etat, démocratique, et reconnu par les Nations Unies.
    Elle choisit donc le camp de ceux qui n’ont comme Cause avouée de soumettre l’ensemble des nations du Monde Libre à la Charia sanguinaire et destructrice.
    Cette « Ecole » appelée à occuper les postes de direction du Pays qui s’appelle encore France, à défaut d’ être dissoute, doit etre débarrassée du Cancer de l’Humanisme qui se nomme Islamisme.
    Dans les « discours » ou plutôt vociferations haineuses totalement dépourvues de Savoir et de Raison, elle reveille la « Bête immonde ». et les démons apocalyptiques de Mein kampf.

    France reveille toi …! S’Il en est encore temps.

  2. D’où vient l’ignorance de ces décervelés ? Pas d’aujourd’hui.
    J’étais lycéen en banlieue dans les années 90 et mes profs (ne parlons pas de professeurs) étaient des soixante-huitards cheminant vers la fin de leur carrière. Des gens qui, malgré leur rondeur et leur bonhomie, étaient imbus d’eux-mêmes, prétention d’ailleurs propre aux enfants du baby-boom (voir le livre de François Ricard, « La génération lyrique ») aggravée par le statut de fonctionnaire leur garantissant un salaire à vie. Démagogues et forts en gueule, paresseux et peu exigeants, ils n’aimaient pas les notes, en fait ils n’aimaient pas travailler, et moins ils corrigeaient de copies mieux ils se portaient. Ils dédaignaient la culture classique bourgeoise, méprisaient la méthodologie et nous le disaient franchement, espérant créer avec nous une forme de connivence. Leurs cours étaient brouillons et à l’avenant, pauvres en références et simplistes en matière de réflexion. Si bien que les élèves de classe moyenne et populaire que nous étions en majorité n’ont pas bénéficié d’un enseignement solide, le pire étant les matières littéraires véritablement sinistrées (quid de Homère, Rabelais, Pascal, Racine, Hugo, Voltaire et Rousseau, jamais étudiés). Pire, ce relâchement ambiant et cette misère intellectuelle, nous ont habitués à ne rien faire et à réussir sans effort réel. Le bac ne valait plus rien en 1995. D’ailleurs, jamais à une contradiction près, ces profs nous reprochaient notre ignorance et nous traitaient de fainéants. Et bien sûr, ce sont ces élèves mal formés et incultes qui sont devenus professeurs à leur tour après un passage à la fac où l’enseignement n’était guère plus brillant. On connaît la suite. Des esprits en friche coupés de leurs racines culturelles sont perméables au tout venant idéologique séduisant et ces étudiants actuels me font surtout penser aux Gardes rouges chinois de la Révolution culturelle.

    • Pour avoir subi l’enseignement dont vous évoquez la nullité, je me demande comment il se fait que votre commentaire ne soit pas trop truffé de fautes et qui plus est bien exprimé.
      J’avais 10 ans en 68 et je ne me retrouve pas dans cette génération que vous décrivez. Dans mes professeurs, j’en ai eu de très bons, excellents mêmes, d’autres juste bons et d’autres encore médiocres mais cela n’est que le reflet de toute société

    • @Josset Mes profs de lycée étaient à peu près comme les vôtres. On doit avoir le même âge (à 1 an près). Dans mon lycée aussi, l' » » »enseignement » » » »de la littérature et de l’Histoire étaient réduites au strict minimum, et l’incompétence du corps enseignant (à de rares exceptions près) était flagrante. C’était dans un lycée privé et bourge, mais côté enseignants et enseignement, c’était exactement le même naufrage. Le grand décervelage de nos sociétés occidentales a commencé bien avant nos naissances.

  3. Ce n’est pas la forme qu’il faut regarder mais le fonds , et ce sont bien ces enseignants pétris d’idéologie marxiste qui ont formé génération après génération des esprits soi disants révolutionnaires , et comme la révolution s’est fait attendre , ces étudiants eux mêmes enseignés par les enseignants qui attendaient la révolution comme d’autres le messie, ( j’en ai entendu plus d’un dire :” enfin on aura notre mai 68”) et bien rejoignent ce qu’ils peuvent . La raison et le discernement sont perdus au nom d’une idéologie macabre ….

  4. Pauvre Science PO! qui aurait pensé un jour en arriver là…. Mais il n’y a pas que des étudiants pro Gaza et surtout pour la mort d’Israel, il y a LFI et autres mouvements ultra-gauche, et parmi ces tristes individus nombre d’entre eux ne méritent que le mépris et aussi la prison.

  5. « La cause palestinienne aurait pu être porteuse d’un beau projet de civilisation pour le monde arabe, pour la sphère de l’islam si elle s’affranchissait de tous ses fantasmes destructeurs, de tous ses projets mortifères. Gaza était libre de toute présence israélienne dès 2005. Qu’est ce que les gazaouis ont fait de cette liberté ?  »
    Ils n’en ont rien fait et n’en feront rien et il n’est pas difficile de comprendre pourquoi. Bâtir, construire l’avenir n’est pas dans leur ADN. Il est tout autre, cet ADN, inutile de rappeler en quoi il a toujours consisté.

    • Ce n’est pas une question d’ADN, si la cause palestinienne n’a pas construit d’Etat. C’est plutôt parce que cette cause a été dès le départ pensée pour nuire aux Juifs et à leur pays. La nature du palestinisme est clairement jihadiste, ce qu’il veut surtout c’est détruire.

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