Nous habitions rue Caton, à 2 pas du célèbre Marché Lafayette, à Tunis.
Mon école, rue Scipion l’africain, toute proche, était une petite école avec des classes d’une trentaine d’enfants.
Vers l’âge de sept ou huit ans, j’y allais à pied, avec des copines. On s’y rejoignait sur le chemin et l’arrivée à l’école se faisait par hordes d’enfants joyeux et agités…
Mais après, une fois rentrés, nous attendions toujours en rang que la maîtresse nous intime l’ordre de rentrer en classe, et en silence.
Lorsque la maîtresse ou la directrice entraient, on se levait.
On ne répondait que si, doigt levé, la maîtresse nous autorisait à parler.
Enfin l’ordre y régnait!
J’avais une maîtresse de français et un maître d’Arabe très sévère dont la règle en fer qu’il balançait du bout de ses doigts représentait pour les élèves récalcitrants la promesse sur leurs doigts d’un souvenir mémorable…
Du CP au CM2, nous avions le même livre, c’était la même litanie, la même rengaine, à tel point qu’au bout de 60ans, je me souviens toujours du « Bè, bè, bèkarone, bèbone »… mille fois lus, mille fois écrits, mille fois chantonnés, la première page du livre d’arabe…
Notre apprentissage de la lecture et de l’écriture arabe ne nous laissa pas, d’ailleurs, le souvenir d’une langue apprise à l’école…
A peine quelques rudiments!
Si je parle bien arabe aujourd’hui, c’est à Rzèla que je le dois et surtout à mon père qui disait 3 mots d’arabe et 3 mots de français par phrase!
A midi, je rentrais déjeuner, en famille, d’un bon plat cuisiné que nous mangions, tous ensemble, père, mère, enfants … le repas sur le pouce ou le plateau télé, cela n’existait pas!
Et retour à l’école jusqu’à 17h.
À 17h, Nous pouvions goûter à la maison d’un bout de pain creusé en son centre par une barre de chocolat Allal ou d’un morceau de pain harissa et huile d’olive pour les plus hardis ou… dehors!
Lorsque les journées étaient chaudes, de temps à autre, un marchand ambulant passait sous nos fenêtres avec un énorme cube blanc en bandoulière …
« Frigolo, Frigolo », hurlait-il!
Et nous lui faisions signe de la fenêtre pour qu’il attende que l’on descende lui acheter ces sandwichs à la glace enrobés de chocolat.
Je crois que le seul parfum qu’il vendait était « Toutifrutti », un parfum indéterminé , un mélange des saveurs qui le rendait impossible à imiter…
Mon père, qui n’aimait pas que nous en achetions, nous assurait savoir que ces marchands-là achetaient les restes de glaces de tous les glaciers et nous préparaient cette affreuse mixture…
Mais j’aimais cette glace au goût de tout et de rien, au goût de bonbons chimiques … si je m’en souviens bien, et malgré les avertissements de mon père, il m’arrivait d’en acheter… au risque de contracter une indigestion… disait-il!
La gourmandise était plus forte!
Au bout de la rue, à l’angle de l’Avenue de Paris, à la croisée des chemins, un marchand en saroual, et un tarbouch sur la tête, se tenait toujours debout des heures durant et dans son couffin, on savait y trouver des petits pains plats, à la bonne odeur du pain chaud, tout juste sorti du four… odeur extraordinaire qui s’en exhalait lorsque notre marchand découvrait ses petits merveilles dorées, recouvertes d’un torchon coloré …
Les petits cornets de pages d’écolier, remplis d’olives noires toutes frippées pour accompagner ces pains, c’était le petit luxe de plus, pour une petite pièce, pour quelques millimes!
L’association de l’étude et de la nourriture… pourquoi pas?
En face, en décalé, pour un problème de concurrence sûrement, un marchand de kakis, délicieux biscuits salés, fins, longilignes ou en forme de petits cercles attachés entre eux par une petite ficelle, croustillants à souhait, exposés dans une corbeille.
Il y avait aussi les kakis de luxe, plus chers, ronds et pleins, avec quelques demi-amandes dessus…
Je cherche toujours à savoir par quelle magie ces gourmandises tenaient, accrochées aux galettes !
Si vous avez la réponse , je suis preneuse… J’ai tout essayé! Les demi-amandes se retrouvent inexorablement au fond de la boîte!!!!!
Mais le meilleur goûter restait la Pizza au plateau, coupée en carrés, vendue dans une camionnette blanche Memmi, qui arpentait les rues principales de Tunis en hiver et celles des villes côtières en été …
Le chauffeur klaxonnait comme un fou pour se faire annoncer.
La pâte de cette pizza était à la fois épaisse, légère , aérienne, et dessous, elle était croustillante, et même parfois un peu brûlée!!!!!!
Mais qu’importe! Le régal était au rendez vous!
La sauce tomate qui la recouvrait était faite de tomates fraîches, bien rouges, mûries au soleil de la Méditerranée… 2 ou 3 anchois, 2 ou 3 olives, et ce carré devenait pour moi un vrai repas! Un délice!
Mais il arrivait que ce rêve de goûter soit contrarié par un étrange personnage, recouvert de clochettes, qui gesticulait, tournait sur lui même, agitait ses bras,et ses pieds comme un monstre désarticulé, en faisant de drôles de bruits.
On l’appelait «Boussaadia »!
Quelle « Fejaa! »
Dans ma tête d’enfant il était l’incarnation de ce « Babahou », personnage tout aussi mythique et effrayant que mes parents promettaient d’appeler lorsque nous n’étions pas sages…
Et alors le comble de la peur était poussé à son paroxysme lorsque le rémouleur passait en bas de chez nous pour aiguiser les grands couteaux des cuisinières dans le bruit strident de la courroie qui tourne et fait apparaître des petites flammes… de l’enfer! (je croyais!)!)
Imaginez Boussadia, le rémouleur et Babaou: c’était le cauchemar assuré !
Pas étonnant que je ne sortais plus de la maison ces après-midi, après le passage de ces 2 là, l’un après l’autre et même parfois l’un en même temps que l’autre!
Recette pour un plateau de pizza tune… réconfortante à souhait, pour se consoler de la peur…
Pour le lendemain des fêtes de Pessah, je recommande!
Pour la pâte/ pour un plateau.
500 g de farine.
Eau tiède.
1/2 cube de levure de boulanger.
1 oeuf.
1/2 verre d’huile.
1 trait d’huile d’olive.
1 cs de sucre.
Sel.
Pour la sauce:
Un fond d’huile d’olive.
Couper en lamelles fines
3 oignons.
Rajouter 8 belles tomates bien rouges coupées en morceaux
Du sel.
1 cs de concentré de tomates.
Laisser cuire à couvert pour 20mn.
Pour la pâte.
Dans un verre diluer la levure de bière et le sucre dans un peu d’eau tiède.
Laisser reposer un petit instant.
Mettre dans un robot, la farine, le mélange à la levure de bière, l’eau tiède, l’œuf, l’huile, le sel.
Pétrir pendant 5mn.
La pâte doit être assez souple.
Laisser reposer 1/2 heure.
Dégazer la pâte et l’étaler sur un plateau, légèrement huilé et fariné.
Laisser lever dans un endroit
tiède encore 1/2 h.Etaler la sauce généreusement. Garnissez d’anchois et d’olives noires (ou vertes)par dessus.
Enfourner à four chaud ,à 180 degrés de préférence en bas du four, pour 20mn environ.
Au sortir du four, dessus, un petit filet d’huile d’olive pour le goût et la texture !!!!!
Cette pizza n’a plus grand chose à voir avec la pizza italienne … son ancêtre.
C’est tout simplement la pizza Tune!
Merci à Albert Ary
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