Richard Rossin. Propos sur la démocratie en péril et la guerre de civilisations

Démocratie en péril. Le sujet est vaste et juste.  Démocratie en péril est même devenue un mantra, il reste à réveiller la méditation. Il faut donc revenir à l’Histoire, aux définitions et chercher les périls.

En ce qu’est une démocratie contemporaine : foin de la démocratie grecque des possédants ! La première démocratie contemporaine s’installe en Angleterre sur dix ans (1679 à 1689) : un Etat de droit dans lequel la Loi prime sur le souverain. Une démocratie n’est pas forcément une république. En France, les prémices de la démocratie apparaissent curieusement sous louis XIV avec la libération des critiques et pensées des Montesquieu, Molière, La Fontaine etc. Elle s’installera un siècle plus tard.

Les démocraties contemporaines naissent réellement des Lumières, phénomène occidental ! Les idées des Lumières provoquent en Europe et en Amérique des révolutions et des guerres terribles au nom de la Liberté. L’idée de Liberté enflamme les peuples. Ancien volcan qu’on aurait pu croire éteint depuis l’évanescence de l’innovation hébraïque des Tables de la Loi. Les quatre premiers items de ce décalogue définissent la liberté et les cinq derniers l’altérité, c’est-à-dire les droits de l’autre. Une extraordinaire révolution à l’époque des grands empires de l’antiquité. Vous remarquerez, d’ailleurs, que les déclarations de Droits de l’Homme gardent le logo des Tables de la Loi.

Démocratie, d’aucun la définissent par le pouvoir du peuple, pour le peuple et par le peuple (Abraham Lincoln), belle utopie à la réalisation difficile. Winston Churchill qui vivait dans une démocratie qui n’est pas une république, déclara que c’est le pire régime politique qui soit à l’exclusion, de tout autre.

Des républiques non démocratiques, il en existe en nombre ; des exemples ? la Syrie, dont le dernier président avait été élu à la quasi-unanimité par la mort de son père, les démocraties populaires, magnifiques dictatures et encore la république islamiste des ayatollahs, celle des Talibans, etc… Les élections, si elles en sont un stigmate, ne font pas une démocratie qui est d’abord un droit égal à la liberté.

La démocratie, en effet, c’est d’abord un ensemble de droits individuels : liberté de penser et s’exprimer, de circuler librement, d’échanger, droit à la dignité, droit de poursuivre l’Etat et ses administrations normalement au service des citoyens… Ces droits bénéficiant à chacun, ils imposent des devoirs : d’abord celui de respecter les droits de l’autre, c’est ce qui fait société, et de respecter les droits de la communauté démocratique. C’est la notion de Droit qui règle cet ensemble, et les rapports des citoyens entre eux, et des citoyens versus le pouvoir. C’est la question de la Justice indépendante s’appuyant sur un codex. Une démocratie est un Etat de droit issu d’une volonté populaire qui n’est pas une dictature de la majorité. La protection des citoyens et la liberté individuelle sont garanties.

L’auto-proclamation d’une démocratie n’est pas, à l’inverse du Port-Salut, une garantie absolue, c’est le cas notamment des dites démocraties populaires qui ne furent et ne sont ni démocratiques, ni populaires.

Les démocraties européennes qui avaient mis des siècles à s’instaurer, trop sûres d’elles, dans un rêve de paix et pour des raisons économiques dérivant d’un ancien traité de Paris de 1951 du charbon et de l’acier, ont très progressivement délégué l’essentiel du pouvoir populaire issu des urnes dans chaque pays, à une entité supranationale dirigée par des commissaires non élus, nommés après des discussions et marchandages inter-étatiques. Les commissaires ne sont, finalement, responsables que devant eux-mêmes, et le parlement européen qui représente des partis politiques. Pourtant, leurs décisions s’imposent à tous… les États européens, parfois sans l’assentiment populaire, ont eux-mêmes limité leur souveraineté, leurs possibilités décisionnelles, c’est-à-dire leur caractère démocratique. Même si les droits fondamentaux sont maintenus, les capacités à gérer les problèmes particuliers et les orientations de politique socio-économiques sont très restreintes, et les marges de manœuvre des dirigeants de chacun des états sont étroites. Ce pouvoir est une oligarchie…

Ce péril, assez bénin encore, n’est pas le seul. La démocratie porte les germes de sa propre déliquescence, voire sa mise à mort, dans la liberté d’opinion-expression, appuyée sur l’idée de tolérance sans y mettre de limite. Le philosophe britannique Sir Karl Popper avait bien soulevé le problème dans « La Société ouverte et ses ennemis » : La tolérance qui tolère l’intolérable n’est plus de la tolérance, mais une complicité avec les ennemis de la tolérance qui profitent de celle-ci.

Le danger est donc d’abord intérieur, les démocraties via la tolérance portent ainsi en elles-mêmes les germes de leur déliquescence et deviennent des cibles pour leur mise à mort. D’autant qu’on s’est mis à confondre la Morale, le choc des photos, l’élan naïf du cœur, et l’Éthique, qui nécessite l’identification du bourreau, qui seule, permet la Justice. Ce qu’Emmanuel Levinas avait parfaitement clarifié dans Difficile liberté. On peut s’interroger sur le rôle de la presse, et celui de certains intellectuels dans cette confusion mortifère. Jean Jaurès avait abordé cette problématique sous l’angle du courage, vertu qui s’estompe tellement : Le courage, c’est de chercher la vérité et de la dire : c’est de ne pas subir la loi du mensonge triomphant qui passe, et de ne pas faire écho (…) aux applaudissements imbéciles et aux huées fanatiques(discours à la jeunesse, Albi 1903). Qui aujourd’hui, fait face aux tentatives de déconstruction de l’Histoire et de la société, à la cancel culture, et au wokisme ? Qui fait face à l’Islamisme dont les pensées perverses font le lit ? La démocratie ne se défend plus.

Et il y a l’ennemi extérieur, le monde musulman, l’Islamisme, qui déteste la démocratie, magnifie la mort et le martyr, veut un monde entier, soumis à sa loi dite divine, il s’est lancé dans une guerre de civilisation que nous ne voulons pas vraiment voir. Ils pensent faire bien, nous pensons que ce qu’ils font est mal, c’est une guerre de civilisation.

Des guerres de civilisation, il y en eut beaucoup dans l’Histoire, et les Hébreux y ont souvent été confrontés : Assyriens, Babyloniens, Grecs puis Romains et Byzantins, enfin, les Arabes. Les Juifs ont vécu depuis Titus, puis depuis Constantin, dans un conflit permanent de civilisation dans le monde chrétien, puis aussi, dans le monde musulman. Les deux mondes voulaient à tout prix que les Juifs adoptent leurs croyances et leurs modes de vie, les Juifs n’ont pas voulu…

Mais ceci est rejeté dans les limbes de l’oubli, j’ai publié, il y a trois ans, ce déni d’Histoire dans Des édits d’expulsion des Juifs de France. Et dans le monde musulman aussi, les innombrables persécutions anti-juives, et anti-chrétiennes, sont occultées.

Guerre de civilisation, il y eut encore celles contre les communismes et les fascismes, des guerres contre le totalitarisme, c’est-à-dire une pensée qui englobe tout, et tout le monde. Lutte contre le totalitarisme, c’est aussi, à mon avis, un sens qu’on peut donner à l’épisode biblique de la tour de Babel.

La grande guerre de civilisation que le monde vit aujourd’hui, a commencé par une guerre de conquête : les Mahométans ont la volonté de régner sur la terre entière, c’est leur objectif annoncé. Il s’agit d’imposer partout, et leur foi, et leur mode de vie. Tout est bon pour atteindre cet objectif : meurtres, terrorisme, entrisme dans les autres civilisations, mensonges.

 C’est une guerre de civilisation qui perdure depuis le VIIème siècle. Nous le savions autrefois. Nous l’avons oublié depuis. Au XIXème siècle, notre suprématie technologique devenue écrasante, nous nous étions donné les moyens de la lutte, nous avions cru avoir définitivement vaincu la pensée totalitaire moyenâgeuse. Mais il est des convictions civilisationnelles tenaces, et la guerre a repris insidieusement, en utilisant tous les moyens que la démocratie, et les techniques de communication permettent. Insidieusement, rappelez-vous des territoires perdus de la République dirigé par l’extraordinaire Georges Bensoussan, il y eut des zones de non droit puis, désormais, des zones régies par un autre droit que le nôtre. L’Histoire montre, que quelques soient les liens que nous pouvons avoir avec les Musulmans plus ou moins radicaux, quoiqu’il arrive, ils retourneront à leur texte souverain dont Mahomet, le héros, pilleur et assassin, est l’exemple suprême du bien.

Parlons un peu de logiciel, c’est-à-dire de nos façons d’envisager les sociétés, comme de percevoir le bien, et le mal. Car le joli ciel des uns, n’est pas le joli ciel des autres. Pour nous, Occidentaux, ce pourrait se résumer à mettre la vie en valeur suprême, ainsi que le respect de l’Autre, dans un sentiment de la liberté. Nous sommes les seuls, ou presque, à prôner ces valeurs. Les démocraties sont devenues très faibles face à la défense de leurs valeurs, toujours ce fameux paradoxe interne, elles sont des proies d’autant plus aisées qu’elles ne voient pas, ou ne veulent pas voir, que les prédateurs ne parlent pas la même langue qu’elles, c’est-à-dire, ne fonctionnent pas avec le même logiciel qui n’est pas un si joli ciel. Il est faux d’imaginer, par exemple, que les meurtres et les massacres soient considérés par eux pour le Mal, au contraire ! ils les perçoivent comme une volonté de Dieu et c’est donc le Bien. C’est une guerre de civilisation.

Certains l’avaient clairement annoncé, dont Mario Vargas-Llosa, le prix Nobel péruvien de littérature de 2010 : Le fondamentalisme islamique avait remplacé le communisme comme principal ennemi de la démocratie, et Sir Bertrand Russel, lui aussi, Prix Nobel, l’islam et le bolchevisme ont une finalité pratique dont le seul but est d’étendre leur domination sur le Monde. Sans oublier le choc des civilisations de Huttington dont on se souviens de l’accueil.

La guerre imposée à Israël le 7 octobre 2023, avec ses atrocités inouïes, et ses massacres, a projeté une lumière plus crue sur cette guerre de civilisation que mène à nouveau l’Islam sur la planète depuis quelques décennies. Cette guerre n’est qu’une bataille dans la guerre mondiale. Le plus étonnant, est la levée en Occident démocratique, de hordes d’indignés face à la défense menée par l’armée d’Israël. Indignés dont on sait, depuis Nietzsche, qu’il n’y a pires menteurs. Sans compter les mous, les pacifistes inconditionnels, les relativistes, ceux qui ne craignent pas pour eux parce qu’ils se sentent loin de l’épicentre de ce conflit. Alliés à l’efficience discutable ; deuxième front pour Israël, que celui des « amis », pourtant engagés dans le même affrontement qu’ils s’efforcent, de ne pas voir.

In fine, la question est : existe-t-il une chance de survie pour ces démocraties ? Existe-t-il encore des solutions ? Des moyens de redresser la barre du navire en perdition, quand on ne veut affronter la tempête ?Survie?

Ils s’attaquent à notre sacré, endiguer l’agression ne peut se faire qu’en menaçant leur sacré. C’est utiliser le seul langage efficace possible.

© Richard Rossin

Richard Rossin – Ancien Secrétaire Général de MSF et co-fondateur de Médecins du Monde, Ancien Délégué Général du Collectif Urgence Darfour, Ancien Vice-Président de l’Académie Européenne de Géopolitique. Membre du JCPA-CAPE de Jérusalem

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4 Comments

  1. Le nom  » glaives de fer  » donné a la reponse israelienne a l operation de massacre nommė  » deluge d el aqusa  » est deja une preuve que nous refusons de comprendre .
    Notre legitimité ici repose dans le sol d Israel , notre operation aurait du se nommer  » colere du roi Salomon  » par exemple car , notre illustre roi construisit le temple sur le site sacrė qui attira leur mosquée de nombreux siecles apres .
    Notre legitimité ne repose pas a Yad Vashem , mais dans les pierres de toutes les constructions juives qui parsement le pays ,et quî sont anterieures a l invasion arabe , de 10 , 15 , 20 siecles …..
    Ayons le courage de les affronter la ou ils souhaitent nous faire tomber , l ennemi a choisi l espace de la confrontation et sur cet espace , il n est pas legitime , donc ayons le courage de le dire , enfin .

    • Je suis d’accord avec vous. J’ajouterai que les Juifs de la diaspora dans leur majorité n’ont jamais oublié Israël, la terre d’Israël, et que la présence juive sur cette terre a été continue, avec des hauts et des bas certes. Que la Shoah n’explique pas Israël (ce que vous dites à raison) et qu’avant même la refondation de cet État, un proto-État était en place ainsi que l’a fort bien montré Georges Bensoussan.

  2. Article Olivia Cattan SOS AUTISME
    « La France a été condamnée en 2022″ pour discriminations envers les autistes parce que »leurs droits fondamentaux n’étaient pas respectés »

    Article ci-dessus « La protection des citoyens et la liberté individuelle sont garanties »
    « Même si les droits fondamentaux sont maintenus »…Eh bien non, précisément ni les droits fondamentaux des handicapés ou des SDF ni ceux des personnes victimes de crimes et d’agressions ne sont respectés : la France n’est plus seulement une société sous contrôle d’institutions anti démocratiques mais également un grand Territoire de la République : ni sécurité ni liberté ni justice. La liberté d’expression est devenue inexistante sur les plans politique et même artistique (imaginer Serge Gainsbourg aujourd’hui ? Impossible !). Le droit n’existe pas et les droits les plus fondamentaux sont bafoués. Sarah Halimi a été assassinée deux fois. Les femmes européennes victimes de viols et d’agressions racistes sont violées deux fois. Lola a été violée et assassinée deux fois.
    Pour parler de guerre de civilisation encore faudrait-il que nos sociétés soient encore civilisées. Or il faudrait rebaptiser Paris Gaza-sur-Seine et Londres Kaboul-sur-Tamise.

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